Les small caps se traitent à leur plus bas niveau depuis vingt ans

Yves Hulmann

4 minutes de lecture

Pour Ollie Beckett, gestionnaire chez Janus Henderson Investors, plusieurs petites et moyennes capitalisations suisses ont leur place dans un portefeuille d’actions pan-européennes.

Le début du mois d’août a été caractérisé par une volatilité extrême qui n’a pas épargné les petites et moyennes capitalisations. Pour autant, estime Ollie Beckett, gestionnaire chez Janus Henderson Investors et spécialiste des actions européennes, ce phénomène n’est pas unique à 2024 et il tend même à se répéter durant les mois d’été. Cela créée plutôt des opportunités pour acheter des titres à des prix inférieurs, estime le gérant qui compte plusieurs actions de sociétés helvétiques dans son portefeuille.

La saison des résultats du premier semestre touche à sa fin – quel bilan d’ensemble tirez-vous des chiffres publiés à fin juin par les petites et moyennes capitalisations européennes en particulier?

Les résultats publiés ont été conformes aux attentes. Dans l’ensemble, les dégradations ont été marginales. La réaction aux révisions à la baisse a toutefois été plus sévère en Europe qu’aux Etats-Unis. Très peu de choses ont changé d’un point de vue macroéconomique, mais les petites entreprises européennes sont devenues encore un peu moins chères, alors même qu’elles étaient déjà faiblement valorisées.

Concernant la deuxième moitié de l’année, quelles sont vos attentes concernant l’évolution des bénéfices des sociétés durant le 2ème semestre 2024?

Durant le premier semestre, l’évolution des marchés a été clairement dominée par le secteur des technologies. Si tout se passe bien au cours des prochains mois, nous devrions assister à un élargissement du mouvement de hausse sur les marchés. Autrement dit, la progression des marchés devrait moins dépendre d’une poignée de titres à l’exemple de ceux que l’on regroupe sous le nom des «Magnificent 7» mais être caractérisée par une participation plus large, ce qui devrait aussi profiter aux petites et moyennes capitalisations.

D’un point de vue sectoriel, on peut observer dans l’industrie que le processus de déstockage arrive à sa fin. C’est un facteur positif pour un certain nombre d’entreprises industrielles car cela devrait leur permettre de regonfler peu à peu leurs carnets de commande, même si la croissance économique, dans son ensemble, devrait être plus modérée durant le deuxième semestre.

Autre facteur qui devrait profiter aux entreprises européennes: les prix de l’énergie sont aujourd’hui moins élevés qu’en 2022 et au début de 2023. C’est un point positif qui devrait favoriser les valeurs cycliques et les biens de consommation.

Par ailleurs, la baisse des taux d’intérêt, si elle se poursuit durant l’automne, devrait davantage profiter aux petites et moyennes capitalisations qu’aux larges caps. Enfin, en termes de valorisations, on peut observer que les actions des petites et moyennes capitalisations se négocient avec des multiples très inférieurs à ceux des grandes capitalisations. En comparaison, les petites capitalisations se traitent à leur plus bas niveau depuis vingt ans par rapport aux «large caps». Pour toutes ces raisons, je pense que les petites capitalisations ont de bonnes chances de faire mieux que les grandes capitalisations durant le deuxième semestre.

Le terme de petites et moyennes capitalisations regroupe des entreprises très diverses. Parmi celles-ci, quels profils ou secteurs présentent les meilleures perspectives en seconde partie d’année ou l’an prochain?

Chaque société doit bien sûr être analysée de façon individuelle. D’un point de vue sectoriel, on peut mentionner les entreprises actives dans le secteur de l’automation qui tirent parti de la tendance à la relocalisation, ou «re-shoring» comme on l’appelle en anglais, d’une partie des activités de production vers l’Europe ou les Etats-Unis du fait que beaucoup de gens ou de sociétés veulent être moins dépendantes de la Chine dans certains domaines. S’y ajoute le fait que beaucoup d’entreprises manquent toujours de personnel pour certaines de leurs activités. Il y a peu de chances que cette pénurie de personnel disparaisse du jour au lendemain compte tenu du veillissement d’une partie de la force de travail et de politiques qui visent à décourager l’immigration dans de nombreux pays occidentaux. C’est pourquoi les entreprises actives dans l’automation continueront de bénéficier d’une demande soutenue.

Ces dernières années, l’attention des médias s’est portée sur une poignée de sociétés leaders décrites à l’aide d’un acronyme. Si, aux Etats-Unis, l’attention des marchés était portée sur les «Magnificent 7», ce sont, en Europe, surtout les «Granolas» qui sont au centre de l’attention. Que pensez-vous de l’usage de tels acronymes en matière de placements?

«Toutes les entreprises qui font partie des «Granolas» sont certes de bonnes sociétés et qui disposent de perspectives intéressantes à long terme. Aucun investisseur sérieux ne peut toutefois prendre ses décisions sur la base d’acronymes.»

Honnêtement, je pense que de tels acronymes ont été conçus avant tout dans un but de marketing. Toutes les entreprises qui font partie des «Granolas» sont certes de bonnes sociétés et qui disposent de perspectives intéressantes à long terme. Toutefois, aucun investisseur sérieux ne peut prendre ses décisions sur la base de tels concepts ou en se limitant à investir dans les titres désignés par de tels acronymes.

Avez-vous renforcé ou au contraire réduit certains titres dans votre fonds récemment?

Dans l’ensemble, nous ne modifions que faiblement la composition des titres qui figurent dans notre fonds. Parmi les positions que nous avons augmentées ces derniers mois figure par exemple IG Group au Royaume-Uni. Ce prestataire de trading qui s’adresse à des investisseurs sophistiqués dispose aussi d’importantes réserves de liquidités, ce qui ouvre la porte à des rachats d’actions.

En Allemagne, on peut mentionner SÜSS MicroTech qui faisait partie des 10 positions les plus importantes à fin juin dans notre fonds. L’équipementier pour les semi-conducteurs tire parti de la dynamique dans ce secteur et conserve une solide position dans cette branche.

Détenez-vous aussi des actions de sociétés suisses?

«Les actions du fabricant de compresseurs à pistons Burckardt Compression, du fabricant d’instruments de mesure Inficon ou encore du spécialiste des accès sécurisés aux bâtiments Dorma Kaba, disposent d’avantages compétitifs importants dans chacun de leurs domaines respectifs et de valorisations attrayantes.»

Oui, c’est le cas par exemple de titres d’entreprises comme les actions du fabricant de compresseurs à pistons Burckardt Compression, du fabricant d’instruments de mesure Inficon ou encore du spécialiste des accès sécurisés aux bâtiments Dorma Kaba. Ces trois sociétés disposent d’avantages compétitifs importants dans chacun de leurs domaines respectifs et de valorisations attrayantes. On peut aussi citer Also, un fournisseur de matériel et de logiciels informatiques.

Parmi les titres que nous avons ajoutés dans notre fonds figure aussi R+S Group, un fabricant de transformateurs et fournisseur d’équipements électriques. Cette société, issue d’une Spac et cotée en bourse depuis fin 2023, a effectué récemment une acquisition importante en rachetant l’entier du capital de la société irlandaise Kyte Powertech.

A l’opposé de ces entreprises de petite et moyenne taille, avez-vous des sociétés qui affichent des capitalisations plus importantes parmi les titres que vous détenez?

On peut citer notamment le brasseur Royal Unibrew coté au Danemark. Le fabricant français de câbles Nexans compte aussi parmi les sociétés qui affichent la plus grande taille au sein de notre portefeuille.

Un des événements les plus marquants du début du deuxième semestre sur les marchés a été la soudaine plongée des bourses début août, suivie d’une reprise tout aussi rapide. Lors de telles phases de turbulences boursières, les petites et moyennes capitalisations sont-elles davantage affectées par la volatilité que les grandes capitalisations?

La volatilité du mois d’août a eu un impact sur les actions des petites capitalisations, car la liquidité des transactions est très limitée pendant les mois marqués par la période des vacances. Ce phénomène se produit chaque été et, bien qu’il puisse avoir un impact sur les performances à court terme, il crée une opportunité. Cela nous permet de nous réinitialiser et de nous concentrer sur nos meilleures idées et d’acquérir certaines de ces actions à des prix inférieurs.

Fondamentalement, en dépit du bruit politique des deux côtés de l’Atlantique, nous ne pensons pas que les choses aient fondamentalement changé d’un point de vue économique. Il semble peu probable que l’économie mondiale entre en récession. La situation des petites entreprises européennes, sensibles à la conjoncture, devrait s’améliorer progressivement, alors que ce segment se négocie avec des valorisations historiquement basses par rapport aux plus grandes sociétés malgré de meilleures perspectives de croissance d’ensemble.

A lire aussi...