Les ETF actifs croissent le plus vite parmi les fonds négociés en bourse

Yves Hulmann

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Jed Laskowitz de J.P. Morgan Asset Management observe que la croissance des ETF actifs est deux fois plus rapide que celle des Exchanged-Traded Funds dans leur ensemble.

Dans un contexte où la plupart des marchés ont progressé tout au long du premier semestre, investir de façon passive a suffi pour réaliser une performance positive. A quels aspects faudra-il être attentif en particulier durant la deuxième partie de l’année sur le plan macroéconomique et que peut-on attendre concernant l’évolution des bénéfices des entreprises? Le point avec Jed Laskowitz, Chief Investment Officer & Head of Global Asset Management Solutions chez J.P. Morgan Asset Management, qui fait aussi le point sur l’essor des ETF actifs au sein du secteur des fonds négociés en bourse.

Le premier semestre s’est achevé sur une note très positive pour les marchés d’actions, en particulier pour les valeurs liées à la tech. Pour le deuxième semestre qui vient de débuter, quels pourraient être les moteurs de performance pour les actions ou au contraire les freins potentiels à une poursuite de la hausse des marchés?

Si l’on revient quelques années en arrière, il est intéressant de comparer la situation actuelle avec celle qui prévalait en 2013. Il y avait alors beaucoup de pessimisme sur les marchés, les États-Unis étaient confrontés à une crise bancaire régionale. En outre, des politiques monétaires plus restrictives à travers le monde faisaient craindre que l’économie mondiale puisse retomber dans une récession. Or, cela ne s’est juste pas produit. Les bénéfices des entreprises ont surpris à la hausse cette année-là, tout comme la croissance. 

A fin 2022, les investisseurs ressortaient d’une année très difficile, marquée à la fois par une baisse des marchés des actions et des obligations, et ils ont abordé l’année 2023 de façon très prudente. Or, 2023 s’est justement avérée être une excellente année pour les actifs plus risqués comme les actions. Si l’on en vient au premier semestre, 2024 a aussi débuté avec beaucoup d'optimisme de la part des investisseurs quant au fait que les banques centrales devraient abaisser leurs taux.

«Une baisse de l’ordre de 5 à 10%, si elle devait survenir, serait plutôt une opportunité d’achat plutôt qu’une raison de réduire la part allouée aux actions.»

Cet optimisme concernant les futures baisses de taux en 2024 ne s’est-il pas avéré un peu exagéré?

Il faut distinguer entre le timing et la direction d’ensemble des politiques monétaires. En ce qui concerne les Etats-Unis, les anticipations des baisses des taux de la Fed ont certes été sans cesse repoussées. Malgré tout, on observe que l’inflation tend à diminuer – en dépit de quelques accrocs en chemin, comme on l’a vu par exemple en avril aux Etats-Unis. Au Royaume-Uni, l’inflation est redescendue à 2% en mai, soit l’objectif visé par la banque centrale. De plus, parallèlement à cette baisse de l’inflation, la consommation reste solide aux Etats-Unis. Donc, en résumé, au premier semestre, les marchés ont intégré dans leurs prix une baisse de l’inflation, une diminution des taux d’intérêt à venir de la part des banques centrales – avec une ou deux baisses de taux du côté de la Fed attendues en 2024 -, le tout avec le maintien d’une croissance solide située aux environs de 2% concernant le produit intérieur brut (PIB) américain. Dans l’ensemble, cela créée un environnement qui est suffisamment propice pour permettre d’anticiper une croissance des bénéfices des entreprises dans la partie basse d’un taux à deux chiffres, d’environ 10 à 11% pour cette année. Avec une telle constellation économique en arrière-plan, il y a de bonnes chances que les marchés continuent de progresser au deuxième semestre, même si des phases de correction ne peuvent être exclues. Toutefois, une baisse de l’ordre de 5 à 10%, si elle devait survenir, serait plutôt une opportunité d’achat plutôt qu’une raison de réduire la part allouée aux actions.

Un sujet de préoccupation est la très forte concentration du marché des actions américaines autour de quelques titres. Au lieu des «Magnificent 7», on parle parfois désormais des «Magnificent 5», voire même des «Magnificent 3», tant la performance de quelques titres influe sur l’évolution du S&P 500 dans son ensemble. Faut-il s’inquiéter de cette dépendance du marché envers une poignée de sociétés?

Certes, la concentration du marché des actions est élevée actuellement aux Etats-Unis. Toutefois, il ne s’agit pas d’un phénomène aussi nouveau que certaines personnes peuvent le penser. Il y a déjà eu d’autres périodes dans l’histoire durant lesquelles le marché des actions aux Etats-Unis, ou ailleurs aussi, était très concentré autours de quelques titres – pour autant, cela n’a pas été, historiquement, le signal de difficultés à venir pour les marchés. De plus, les actions que l’on présente comme faisant partie des «Magnificent 7» sont des titres de sociétés actives dans des secteurs très différents. Dans l’ensemble, si les Etats-Unis parviennent à éviter une récession dans le contexte d’une baisse progressive des taux d’intérêt, je pense que cela serait favorable pour les autres 493 titres qui constituent le S&P 500. On assisterait plutôt à un élargissement de la performance positive des marchés qui devrait profiter en particulier aux petites et moyennes entreprises pour lesquelles une baisse des taux d’intérêt est en principe avantageuse.

Dans un contexte où l’ensemble des marchés étaient orientés presque continuellement à la hausse depuis novembre dernier, il était facile de gagner de l’argent en investissant de manière passive. Faudra-t-il adopter une approche de placement plus active durant le deuxième semestre?

Notre philosophie a toujours été d’investir de manière entièrement active. Nous pensons qu’il est possible de générer de la surperformance (alpha) à la fois via une recherche quantitative et qualitative, aussi bien dans le domaine des actions, des produits à revenu fixe que des marchés privés. De notre point de vue, une stratégie active fait sens à la fois lorsque les marchés sont orientés à la hausse qu’à la baisse. Quelle que soit la situation, il y a toujours de la dispersion qui est intéressante à analyser et qui peut être potentiellement exploitée. Et nous avons les ressources nécessaires pour le faire : nous disposons de 1300 professionnels de l’investissement, dont 400 analystes. Nous consacrons chaque année 400 millions de dollars à la recherche «buy-side». Nous ne publions pas cette recherche à l’extérieur mais nous l’utilisons à l’interne dans le but de générer un rendement additionnel. Nous restons convaincus qu’une recherche fondamentale approfondie reste très importante pour générer des performances élevées sur la durée. 

«L’environnement est suffisamment propice pour permettre d’anticiper une croissance des bénéfices des entreprises d’environ 10 à 11% cette année.»

Au sujet de la discussion gestion active ou passive, J.P. Morgan Asset Management propose désormais une offre importante dans le domaine dit des ETF actifs (active ETF). En quoi ces instruments sont-ils intéressants pour les investisseurs?

A cet égard, je crois qu’il est important de rappeler quelle a été l’évolution du marché des ETF au cours des dernières années. En effet, lorsque ces instruments ont été créés, les ETF étaient encore synonymes de gestion passive – ce n’est plus le cas aujourd’hui. On observe même que les ETF actifs constituent la part qui croît le plus rapidement au sein du secteur des ETF. Actuellement, on estime qu’environ 7% de l’ensemble des ETF sont des ETF actifs. La croissance des ETF actifs est deux fois plus rapide que ces fonds passifs négociés en bourse. Le marché des ETF devrait, dans son ensemble, peser environ 25 trillions de dollars en 2030 – sur ce total, une part d’environ 4 trillions, soit 15 à 20%, devrait être constituée par les ETF actifs.

Pourquoi y a-t-il autant de demande pour les ETF actifs?

De manière générale, les ETF ont l’avantage d’être des véhicules d’investissement plus modernes et adaptés aux besoins des investisseurs. Les ETF sont efficients à négocier, il s’agit d’instruments transparents et leurs frais sont en principe plus bas que ceux d’autres véhicules d’investissement, même s’agissant des ETF actifs.

Dans domaines ou secteurs anticipez-vous la plus forte croissance ou demande pour les ETF actifs?

Il est toujours difficile de prédire ce type de tendances. En ce qui nous concerne, notre plus grand ETF actif en Europe – qui, de manière plus générale, est également le plus grand ETF UCITS – est justement basé sur les actions américaines. Il s’intègre dans une gamme de produits appelée Research Enhanced Index (REI), qui présente des caractéristiques de risque et de diversification similaires à celles de l’indice de référence, mais avec une tracking error peu élevée et en recourant à de petites sur- et sous-pondérations pour dégager progressivement de la surperformance. Globalement, les actifs sous gestion en actions des REI pour l’ensemble des véhicules d’investissement atteignent quelque 75 milliards de dollars, dont environ 20 milliards sous forme de UCITS pour le seul marché européen, y compris Royaume-Uni. 

L’offre ne se limite pas aux actions mais porte aussi sur les produits à revenu fixe. Il est en effet très difficile de répliquer la performance exacte d’un indice obligataire au moyen d’un ETF. C’est pourquoi, nous pensons que le marché obligataire constitue actuellement une des plus grandes opportunités actuellement pour nous s’agissant des ETF actifs.

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