Aborder les marchés financiers avec un «prisme rendement»

Vincent Juvyns, J.P. Morgan Asset Management

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Les épargnants européens gagneraient à diversifier leur patrimoine en réduisant la part des liquidités au profit des autres classes d’actifs génératrices de rendement.

Les européens sont connus pour leur taux d’épargne relativement élevé mais depuis la crise du Covid-19, celui-ci a encore augmenté pour atteindre aujourd’hui, 14,7% de leurs revenus alors qu’il n’est que de 4% aux Etats-Unis. Si durant la pandémie de Covid-19, il s’agissait essentiellement d’une épargne de précaution, aujourd’hui cette épargne semble davantage motivée par le souhait de générer du rendement.

En effet, depuis 2 ans les dépôts à terme  rencontrent un franc succès, avec une croissance des encours de 45% en 2022 et de 66% en 2023 , grâce à une rémunération qui est passée de 0,3% en 2022 à 3,13% en moyenne aujourd’hui, dans le sillage de l’augmentation des taux de la Banque Centrale Européenne (BCE). Par conséquent, le poids des liquidités et des dépôts dans le patrimoine financier des ménages européens est important puisqu’il varie de 30% en France à 42% en Allemagne, alors qu’il n’est que de 13,4% chez les ménages américains.

Cela représente un coût d’opportunité important à la fois sur le long terme, puisque les actifs financiers tels que les actions et les obligations ont historiquement mieux performé que les liquidités, mais également à court terme. En effet, le rendement des dépôts est actuellement souvent inférieur au rendement des actifs financiers et il devrait en outre baisser dans les prochains mois, dans le sillage de la baisse des taux de la BCE, alors que celui des actifs financiers devrait rester stable.

Dans ce contexte, il semble opportun de diversifier son patrimoine financier en réduisant la part des liquidités non indispensables au profit d’autres classes d’actifs. Malgré cette évidence, les épargnants européens se sont jusqu’ici montrés frileux à cette idée puisqu’au cours des 18 derniers mois, comme l’illustre le dernier rapport d’EFAMA, ce sont les fonds monétaires qui ont principalement eu la cote alors que les fonds obligataires et d’actions sont restés à la traine.

Nombre d’épargnants craignent notamment d’arriver un peu tard sur les marchés financiers, eu égard à leurs excellentes performances ces derniers mois et à leurs valorisations parfois élevées. Cependant, à force d’attendre un meilleur point d’entrée les épargnants risquent bien de passer à côté de nombre d’opportunités et ce au moment même où le rendement de leur épargne va commencer à baisser.

Comme le dis l’adage: «le temps passé sur le marché est plus important que de prédire le marché» et c’est d’autant plus vrai pour les investisseurs souhaitant générer un certain rendement. En effet, indépendamment de la poursuite ou non de la hausse des marchés, le rendement offert par nombre de classes d’actifs est actuellement supérieur au rendement des dépôts et contrairement au rendement de ces derniers, il devrait rester stable.

Ainsi, sur les marchés d’actions, si l’on tient compte des dividendes et des programmes de rachats d’actions, on obtient un rendement pour l’actionnaire, qui oscille entre 3 et 6% selon les marchés. Par ailleurs, comme le taux de distribution n’a toujours pas retrouvé son niveau pré-Covid et que les perspectives bénéficiaires sont favorables, il y a peu de risques de voir ce rendement baisser dans les prochains mois.

Sur les marchés obligataires c’est le même constat. Les rendements nominaux des obligations souveraines sont actuellement au plus haut depuis 15 ans et se comparent favorablement aux taux des dépôts. C’est encore davantage le cas pour les obligations d’entreprises dont le rendement oscille entre 4% et 8% en fonction de la région et de la qualité de crédit des émetteurs. Il est vrai que la performance des indices obligataires a souffert de la remontée des taux ces derniers mois mais ceux-ci devraient désormais rester stables voire baisser dans le sillage de la normalisation de la politique monétaire des banques centrales. Les investisseurs obligataires devraient donc bénéficier d’un rendement stable et attractif ainsi que de la perspective de gains en capitaux lorsque les taux baisseront.

Dans ce contexte, les épargnants européens gagneraient à diversifier davantage leur patrimoine en réduisant notamment la part des liquidités au profit des autres classes d’actifs génératrices de rendement. Ce faisant, il ne s’agit pas de faire un pari à court terme sur les marchés financiers, dont les performances sont difficiles à prédire, mais bien de s’y exposer durablement pour capter un rendement plus élevé et stable que celui des liquidités tout en bénéficiant de perspectives de performances supérieures à moyen et long terme.

Par conséquent, orienter ses investissements sur les marchés financiers avec un «prisme rendement» permet d’une part, de se baser sur des éléments tangibles et prévisibles comme les dividendes et les coupons et d’autre part, d’avoir une approche plus défensive puisque les revenus doperont le rendement lorsque les marchés montent mais surtout, ils réduiront l’impact des baisses de marchés. En conclusion, il n’y a pas de fatalité, la baisse des taux n’est pas nécessairement synonyme de baisse de rendement pour les épargnants européens mais pour cela il faut qu’ils diversifient leur patrimoine financier à d’autres sources de rendement que les liquidités.

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