Les Asiatiques, champions de la numérisation

Salima Barragan

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Jürg Rimle de Fidelity estime que les entreprises asiatiques surpasseront bientôt les GAFA.

Les GAFA vont-elles perdre du terrain dans les années à venir au profit de leurs concurrents asiatiques? C'est très probable, notamment dans le commerce électronique. Pour une raison très simple: les utilisateurs asiatiques sont plus enclins à renoncer à la confidentialité de leurs données privées, ce qui concède une longueur d’avance aux entreprises technologiques de leur pays. Le point avec Jürg Rimle, responsable de la Suisse, chez Fidelity.

Tous les indicateurs économiques montrent que la Chine, mais aussi la Corée du Sud, ont retrouvé leur niveau économique d'avant la pandémie. Pourquoi si rapidement?  

C'est vrai, la Chine est le seul pays parmi les grandes économies à avoir enregistré un PIB positif en 2020. La Corée du Sud est légèrement à la traîne, mais au premier trimestre, tous deux ont retrouvé leur niveau prépandémie. L'Asie a mieux résisté à la crise parce qu'elle est devenue moins dépendante de l'Occident. Elle a également développé sa propre façon de faire les choses et elle n'a pas activé un stimulus monétaire titanesque comme les États-Unis ou l'Europe.

L'économie asiatique est de plus en plus alimentée par la consommation d'une classe moyenne en pleine expansion.
Malgré la résilience de la Chine face à la crise, la politique monétaire de la banque centrale chinoise explique-t-elle la nette sous-performance des indices chinois par rapport aux États-Unis?  

Oui, car la banque centrale chinoise et le gouvernement n'ont pas stimulé les consommateurs chinois dans la même mesure que la Réserve fédérale ou la Banque centrale européenne et les gouvernements respectifs; ce qui s'est traduit par une sous-performance des actions chinoises.

En quoi l'Asie se distingue-t-elle des autres marchés?

L'économie asiatique est de plus en plus alimentée par la consommation d'une classe moyenne en pleine expansion.  N'oublions pas que l'âge moyen de la population asiatique est plus jeune que dans les autres régions du monde. Les utilisateurs ont déjà une grande expérience des nouvelles technologies qui ont totalement intégré leur vie quotidienne. Nous apprécions donc la numérisation de l'économie, notamment l'intelligence artificielle, le commerce électronique où l'Asie connaît la plus forte croissance, car les consommateurs des pays occidentaux sont plus trop sensibles à la question de la protection des données privées. Alors qu’en Asie, les utilisateurs sont davantage disposés à renoncer à la confidentialité de leurs données pour se simplifier la vie et recevoir, par exemple, des offres personnalisées. C'est pour cette raison que les sociétés asiatiques dépasseront bientôt les sociétés occidentales dans le commerce électronique.

Quels seront les foyers régionaux de forte croissance?

Sur la base des valorisations, nous prévoyons un taux de croissance élevé en Asie du Sud et du Sud-Est, notamment au Vietnam, aux Philippines, en Indonésie, mais aussi à Singapour.

Nous assistons à un recentrage régional de la consommation intérieure.
Alors que la chaîne d'approvisionnement se transforme progressivement en raison des goulets d'étranglement, la demande va-t-elle se déplacer?  

La production a déjà repris, d'où la demande de matières premières après une période transitoire. Cependant, il y aura une régionalisation de la demande pour la production de l'écosystème chinois. Je n’aime pas le mot «démondialisation», mais depuis la pandémie nous avons vu que la régionalisation reprend, et nous verrons certainement un ralentissement de la mondialisation.

Pensez-vous que cela affecte l'intérêt pour les produits de luxe occidentaux?

Nous assistons à un recentrage régional de la consommation intérieure. Les consommateurs asiatiques privilégient de plus en plus les marques locales, y compris sur le segment du luxe. Il s’agit par exemple des cosmétiques, des marques de mode asiatiques ou encore des voitures de luxe japonaises. C’est un phénomène que nous avions déjà observé au Japon dans les années 1980 et 1990.

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