Le Private labelling gagne du terrain en Suisse

Anne Barrat

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«La direction de fonds profite du rattrapage de la titrisation immobilière» explique Violaine Augustin-Moreau de Solufonds.

Très répandue au Luxembourg, qui compte de grosses sociétés d’administrateurs de fonds, la direction de fonds pour compte de tiers était discrète en Suisse. Ce métier à haute technicité colle pourtant bien à l’ADN helvète. Ces dernières décennies ont vu des acteurs locaux prendre de l’ampleur dans ce secteur de niche à côté des groupes globaux, comme CS ou UBS. Une offre 100% made in Switzerland. Explications avec Violaine Augustin-Moreau, directrice Suisse romande de Solufonds.

4 milliards d’encours sous gestion en treize ans, comment expliquez-vous ce développement rapide? 

Notre croissance est purement organique. Elle doit beaucoup à l’expérience de l’équipe dans la gestion d’actifs et de fonds, celle des fondateurs comme celle de la direction. Andreea Stefanescu, notre CEO, a passé près de 20 ans dans la direction de fonds depuis Swiss Re, JBIFS jusqu’à GAM avant de rejoindre Solufonds en 2017. Cette croissance s’est accélérée ces dernières années: dix ans ont été nécessaires pour atteindre 2 milliards d’encours sous gestion, les 2 milliards suivants ont été réalisés en trois ans et la croissance se poursuit. Une trajectoire qui reflète la phase de gestation requise pour se faire sa place, après laquelle la réputation et l’expertise acquises font leur effet et permettent d’engranger plus vite et plus de mandats.

«Les nouvelles lois comme LSFin et LEFin ont incontestablement eu un impact sur nos clients.»
Que doit cette réussite à des facteurs externes: évolutions réglementaires? Changements structurels chez vos clients (banques privées, GFI, …)? Evolution des conditions de marché?

Les nouvelles lois comme LSFin et LEFin ont incontestablement eu un impact sur nos clients. L’augmentation des obligations de reporting, la masse de charges administratives supplémentaires, pèsent sur leur organisation, renchérit les coûts donc la pression sur les marges, tout en les détournant de leur expertise de base, la gestion. Ils peuvent être amenés à recourir à un partenaire externe pour les soulager. Donc, même si elles ne poussent pas à faire plus de produits, ces réglementations sont plutôt favorables au développement du private labelling, notre cœur de métier. C’est-à-dire au partenariat entre une banque privée, une caisse de pension, un gérant indépendant, et une structure comme Solufonds, partenariat aux termes duquel chacun se concentre sur son core business.

Les conditions de marché ont au moins autant aidé le développement de la direction de fonds. Les taux négatifs et leur persistance sur la décennie passée ont en effet fortement contribué à accroître l’attractivité du secteur immobilier auprès des investisseurs, en particulier de l’immobilier indirect. Très longtemps sous-représenté en Suisse, ce dernier est devenu une classe d’actifs à part entière, perfomante. La montée en puissance de la titrisation immobilière s’est accompagnée de celle du Private labelling. Et ce n’est pas fini: seuls 3 à 5% du parc immobilier suisse sont titrisés, à comparer aux 30% de certains pays voisins (selon COPTIS, l’association suisse des professionnels en titrisation Immobilière).

Solufonds est donc spécialisée dans la direction de fonds immobiliers?

Nos premiers fonds n’ont pas été des FCP immobiliers. Cependant, parmi nos partenaires, nous avons des acteurs majeurs de cette classe d’actifs en plein développement, tels que Dominicé & Co. - Asset Management, Patrimonium, Procimmo, Property One.

Cela étant rappelé, sur les 15 FCP et 4 Sicav que nous gérons, 10 relèvent de l’immobilier, 9 des valeurs mobilières. Nous offrons indifféremment la direction de fonds immobiliers ou mobiliers, notre équipe de 35 personnes ayant aussi bien les compétences pour structurer les fonds de ces deux classes d’actifs, que ce soit un FCP ou une Sicav. 

Dans quelle mesure le Private labelling peut-il être vu comme une version luxe de l’outsourcing?

Le Private labelling concerne des activités réglementées, par la Finma en Suisse, et requiert non seulement un niveau d’expertise dans des domaines aussi variés que la structuration de fonds, la fiscalité, la comptabilité, les contraintes juridiques, mais aussi un réseau solide et diversifié de professionnels – avocats, auditeurs, régies immobilières, notaires notamment. On parle presque d’orfèvrerie. Ce qui explique que la Suisse offre un terrain propice au Private labelling. Tous nos services sont réalisés en interne, en Suisse pour des clients suisses.

«Nous aidons les plus petits clients à négocier même si ce n’est pas notre métier.»
Sur quoi reposent les gains d'efficacité que vos solutions font réaliser à vos clients?

Nous avons une quinzaine de clients. Pour chacun d’entre eux, nous sommes en mesure de vérifier la pertinence des choix d’investissement des fonds existants, mais aussi de structurer un nouveau fonds.

S’il s’agit d’une transaction immobilière, nous examinons les conditions de la négociation, les restrictions éventuelles, les conflits potentiels, l’acte notarié. Nous aidons les plus petits clients à négocier même si ce n’est pas notre métier – nous nous adaptons en fonction de la maturité. C’est un véritable partenariat dans lequel nous collaborons avec nos clients pour développer leurs fonds et leur gamme de fonds.

Pour les valeurs mobilières, nous assurons l’interface avec la banque dépositaire du client.

Autrement dit, et c’est notre valeur ajoutée, les clients ont la garantie que tout ce qui ne relève pas d’une décision de gestion, pour laquelle ils sont seuls juges, est réalisé dans les règles de l’art pour un coût bien inférieur à celui qu’ils paieraient s’ils devaient avoir les compétences requises en interne.

La digitalisation joue-t-elle un rôle important dans vos opérations?

Oui clairement. Le Private labelling est un business d’échelle et en conséquence une activité de volume, donc fortement dépendante de l’agilité, de la rapidité et de la qualité d’exécution. Réduire au strict minimum les interventions manuelles est un must. Solufonds a beaucoup investi dans la technologie ces dernières années. C’était la condition sine qua non pour mettre en œuvre des interfaces performantes avec les banques dépositaires d’une part, régies d’autre part. Il reste encore du chemin à faire pour digitaliser l’ensemble des processus sur le front de l’immobilier, qui l’est moins par nature, actes notariés obligent.

Quel est votre modèle de pricing?

C’est un pourcentage des actifs sous gestion que nous confient nos clients. Dans le cas où ces encours n’atteignent pas un certain seuil, la taille critique pour couvrir nos frais de base, un forfait est appliqué. Cette taille critique s’élève à environ 100 millions de francs pour un fonds immobilier. Des commissions sont par ailleurs perçues, qui sont assises sur un pourcentage de la transaction liée à l’acquisition d’un immeuble, ou bien sur la taille d’une augmentation de capital.

Zurich, Morges, quelle sont les prochaines étapes du développement, en Suisse et/ou à l’étranger?

Nos implantations nous permettent d’être proches de nos clients aussi bien en Suisse romande qu’alémanique, nous n’avons pas de projet d’ouvrir d’autres bureaux domestiques. En revanche : nous réfléchissons à conclure un partenariat pour être opérationnel dans d’autres juridictions, le Luxembourg par exemple, de manière à pouvoir servir nos nombreux clients et prospects qui ont des fonds cotés sur les deux places.

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