Le futur est venu plus tôt

Salima Barragan

3 minutes de lecture

Par nécessité, beaucoup d’entreprises ont accéléré l’innovation. Avec Adam Said de ACE & Company.

Plus qu’une course à l’investissement, le private equity est une nécessité économique pour soutenir le monde entrepreneurial; un rôle quelque peu délaissé par les banques. Cette dimension prend tout son sens en temps de crise. Si les groupe d’investissement direct reconnaissent que l’année passée fut sans repos, la pandémie a mis en évidence le pouvoir de création et d’innovation sans limite des entrepreneurs. Entretien avec Adam Said, CEO de ACE & Company.

Comment votre groupe a-t-il traversé cette année atypique?

Nous l’avons traversé avec effort et ténacité. Notre travail a été d’analyser ce qui allait mal, de prendre conscience des risques majeurs et de travailler des solutions: les efforts de notre équipe déterminée ont porté leur fruit en fin d’année. Il est judicieux pour les actionnaires de minimiser les risques lorsque ça va mal, mais une grande majorité à tendance à plutôt faire l’inverse.  

Vos actifs ont-ils atteint le cap du milliard de francs que vous vous étiez donné comme objectif?

Oui, nous avons passé ce cap et nos actifs se montent aujourd’hui à plus 1,3 milliard de francs suisses, dont la plus grande partie provient de la performance et aussi de la confiance des investisseurs qui reconnaissent la valeur de notre activité. Nous n’avons jamais vraiment cherché à simplement amasser de la masse sous gestion, mais d’atteindre ces objectifs organiquement. Nous déployons globalement 100 à 150 millions par an pour un retour d’investissement conséquent.

La COVID-19 a certainement
accéléré la nécessité d’innover
Avez-vous restructuré vos activités depuis le franchissement de ce pallier symbolique?

Oui, en 2019 nous avons rationnalisé notre offre autour de 3 produits d’investissement. A côté de cela, nous avons mis sur pied un modèle d’affaire de type advisory qui consiste à créer des mandats pour des clients privées et des petites banques afin de leur proposer des investissements spécifiques à leurs besoins

Durant l’année passée, les opérations de private equity dans le monde ont-elles été plus calmes ou au contraire plus soutenues?

Je qualifierais le premier trimestre de normal, mais le second se distingue par l’absence de transactions à cause des incertitudes qui pesaient. Puis les activités dans Tech et le capital-risque ont repris au troisième trimestre alors qu’il a fallu attendre vraiment le quatrième trimestre, pour que celles des autres industries se relèvent vraiment. Et c’est à ce moment-là, que nous avons constaté plus de volume dans les stratégies Distressed et Buyout que la moyenne. Nous étions aussi très surpris des opportunités de sortie des investissements.

Comment la communauté des fonds d'investissement perçoit-elle l'effet de la COVID-19 sur l'esprit d'entreprise?

Nous le percevons comme un grand basculement de la Tech et des sociétés innovantes. La COVID-19 a certainement accéléré la nécessité d’innover. Nous avons vu en accéléré en un an, ce qui aurait pu se passer sur cinq. Dorénavant, nous tenterons d’anticiper les tendances des 15 prochaines années qui pourraient se concrétiser seulement en cinq ans. Certains entrepreneurs ont perçu cette crise comme une opportunité, et d’autres comme une nécessité de se repositionner. Les investisseurs ont aussi constaté que l’électrification et les enjeux climatiques devenaient une urgence réelle et qu’ils ne pouvaient plus se permettre de ne pas y investir.

Comment avez-vous repensé votre portefeuille de sociétés lors de la crise?

Nous avons rapidement pris la décision de catégoriser nos sociétés suivant leur impact causé par la pandémie: celles qui étaient plutôt neutre, celles qui ont un impact négatif et celles qui s’en sortent mieux. Nous avons été très surpris de constater que beaucoup d’entreprises arrivaient à se réinventer et à trouver de nouveaux modes de fonctionnement qui ont porté leurs fruits, notamment dans l’agroalimentaire et les services à la personne,.

Nous avons identifié de nouveaux centres de profits futurs, à travers
trois segments auxquels nous portons beaucoup d’intérêt.
Comment le private equity peut-il soutenir la croissance économique d’un monde en sortie de crise?

Les groupes d’investissement direct réalisent le travail que les banques effectuaient il y a 30 ans pour soutenir la création et la transition des entreprises, parce-que ce rôle est devenu trop contraignant pour elles à cause des nouvelles réglementations. Le private equity est aujourd’hui bien positionné pour aider et soutenir les sociétés à leur différent stade de développement et donc peut avoir un vrai impact de fond sur le tissu économique. Concrètement, nous avons des projets de soutiens locaux et dans l’alimentaire et à travers les sociétés technologiques et de capital-risque de notre portefeuille, nous restons engagés avec les managers afin de faire des choix difficiles et de se projeter rapidement dans l’avenir.

Dans ce sens, sur quels secteurs avez-vous investis?

Juste avant la crise, nous étions très exposés au thème de la transition énergétique très porteur durant l’année dernière. Puis, nous avons identifié de nouveaux centres de profits futurs, à travers trois segments sur lesquels nous portons beaucoup d’intérêt. Il y a naturellement la Fintech car l’innovation et la désintermédiation financières offrent une solution pour combattre les inégalités des opportunités dans le monde avec des services et des produits développés. Nous avons par exemple une position dans Swissquote. Nous sommes aussi actifs dans la santé à travers des groupes de recherche et de science médicale ou des softwares médicaux qui contribuent à propager l’efficacité du système médical. Nous avions dans ce sens participé au financement de la biotech Sophia Genetics. Sur ce segment, nous avons généralement affaire à des sociétés généreusement valorisées, mais je suis convaincu que leur croissance à long terme justifie leur valeur actuelle. Enfin, nous aimons aussi la digitalisation des services à la personne comme les livraisons.

Les marchés émergents sont-ils devenus une bonne cible pour les placements alternatifs?

Ces pays recèlent d’opportunités de valeur conséquentes, car ils sont en train de faire un bond en avant pour rattraper le retard technologique. Je pense notamment à l’Egypte, ou encore au Nigeria qui est déjà sur la voie de la digitalisation des services médicaux, des services encore inexistants dans de nombreux pays développés. Le renforcement du dollar durant une décennie a été le principal frein sur ce marché. Mais si le dollar continue de s’affaiblir, il n’y a aucune raison que les marchés émergents, qui offrent un profil de croissance pérenne malgré leurs propres risques, ne bénéficient pas de l’intérêt des groupes d’investissement.

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