Le cycle déflationniste actuel crée un cadre favorable pour l’or

Yves Hulmann

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Pour Joe Foster, gérant chez VanEck, les facteurs qui ont servi de moteur à la hausse du métal précieux durant l’été sont toujours intacts.

Le bond du cours de l’or entre juin et août a été un des faits marquants de l’été. D’environ 1’600 dollars début avril, le cours du métal précieux n’a cessé de progresser en juillet pour franchir brièvement le seuil des 2’000 dollars l’once début août, avant d’évoluer principalement autour de 1’950 dollars l’once ensuite. Le gérant d’actifs VanEck, qui propose aussi des ETF consacrés aux sociétés actives dans l’extraction de l’or, reste confiant quant aux facteurs qui soutiennent le métal jaune. Aux yeux de la société new-yorkaise, qui avait adopté dès le milieu 2019 une vue très optimiste sur l’or, le cycle déflationniste actuel, couplé à la faiblesse du dollar, sont deux facteurs qui soutiendront le cours de l’or. Le point avec Joe Foster, gérant de portefeuille et stratège spécialisé dans l’or chez VanEck.

VanEck a une vue très optimiste sur l’or. Qu’est-ce qui vous si confiant quant à une poursuite du mouvement haussier sur l’or?

Tous les facteurs moteurs de la hausse, qui ont permis au cours de l’or de gagner près de 30% depuis le début de l’année jusqu’à fin août, sont encore intacts aujourd’hui. Premièrement, les taux d’intérêt réels sont négatifs. Il n’y a jamais eu autant d’emprunts affichant des rendements négatifs qu’aujourd’hui. Nous n’attendons aucune hausse de l’inflation dans un horizon de court et moyen terme. Le cycle déflationniste actuel créée ainsi un cadre favorable pour l’or.

«Le cours potentiel de 3’400 dollars l’once se base
sur l’extrapolation de certains paramètres macroéconomiques.»

Deuxièmement, les risques systémiques sont toujours là. Six mois après l’éclatement de la pandémie de coronavirus, il y a toujours de grandes incertitudes quant à son évolution durant les prochains mois. Certains pays envisagent déjà à nouveau des scénarios de reconfinement plus ou moins stricts et rien ne garantit que la pandémie ne s’aggrave pas à nouveau dans certains endroits.

Troisièmement, il y a bien sûr aussi la faiblesse du dollar qui est souvent inversement corrélée à l’évolution du cours de l’or ou d’autres matières premières. Tous ces éléments créent un environnement très favorable pour l’or.

Début août, VanEck évoquait un potentiel d’appréciation pouvant aller jusqu’à 3’400 dollars l’once. Après être monté brièvement au-delà de 2’000 dollars l’once en première moitié d’août, le prix de l’or a ensuite pour l’essentiel évolué de manière latérale aux environs de 1’950 dollars l’once (ndlr : un peu plus de 1’900 dollars l’once mardi). L’or ne se heurte-t-il pas à des résistances plus fortes qu’attendu?

Le cours potentiel de 3’400 dollars l’once évoqué ne correspond pas à une prévision à proprement parler mais il se base sur l’extrapolation de certains paramètres macroéconomiques, tels que ceux que j’ai déjà cités précédemment. Un autre aspect important à mentionner est celui du niveau de la dette. Il y a actuellement des montants massifs de dettes qui sont accumulés par les Etats partout à travers le monde et certains investisseurs s’inquiètent déjà des conséquences que cela pourrait avoir à long terme. Même si, à court terme, nous n’anticipons pas de hausse de l’inflation, on ne sait pas si certains Etats seront tentés de diluer les dettes qu’ils doivent rembourser en tolérant une inflation plus forte à l’avenir. Si, en raison des mesures mises en place par les banques centrales et des politiques de relance des Etats, l’inflation s’accélérait à nouveau, l’or apparaitrait comme une valeur refuge.

«Plutôt que d’accorder trop d’importance à des seuils techniques,
mieux vaut s’intéresser à la tendance de fond.»
Quels sont les seuils techniques à surveiller concernant le cours de l’or durant les prochains mois?

L’expérience de l’année écoulée a justement montré que toutes les barrières techniques peuvent tomber beaucoup plus facilement que certains l’imaginaient. Typiquement, une résurgence du virus ou une nouvelle glissade du dollar pourraient entraîner à nouveau une appréciation du cours de l’or. Plutôt que d’accorder trop d’importance à des seuils techniques, mieux vaut s’intéresser à la tendance de fond.

Quelle a été selon vous l’influence des banques centrales sur l’évolution du cours de l’or cette année?

Les banques centrales n’ont pas joué un rôle central dans la hausse du cours de l’or cette année. Mais cela pourrait changer à nouveau. Traditionnellement, les banques centrales qui achètent les plus grandes quantités d’or sont celles de la Russie et de la Chine. En 2020, c’est toutefois la Turquie qui a acheté la plus grande quantité d’or. Si les banques centrales n’ont, à mon avis, pas été le moteur de la hausse durant l’été, leurs achats protègent en revanche contre une baisse trop prononcée. Les banques centrales sont en quelque sorte le «put» sur l’or.

Le fait qu’il soit devenu aujourd’hui beaucoup plus facile pour n’importe qui d’investir dans l’or via des ETF a-t-il aussi favorisé sa hausse?

Il est bien sûr aujourd’hui beaucoup plus facile d’investir dans l’or qu’auparavant. Les ETF ont rendu l’or accessible à des gens qui n’en auraient peut-être pas acheté en l’absence de tels instruments. Malgré tout, je pense que la hausse du cours de l’or, qui est passé d’environ 1’600 dollars l’once en juin à plus de 2’000 dollars début août, résulte de facteurs fondamentaux, non pas techniques.

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