Le capital-investissement se démocratise

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

Liquidité, flexibilité, transférabilité au sein du système bancaire, le private equity s’intègre de mieux en mieux aux portefeuilles classiques. Avec Andreas Bezner de Stableton.

Les marchés privés évoluent très rapidement. Sous la pression de la demande, la base d’investisseurs s’élargit à un éventail de plus en plus vaste et à des coûts de plus en plus faibles. Y ont été introduits des instruments et des méthodes qui ne s’appliquaient jusqu’à présent qu’aux marchés publics. Point de situation sur l’environnement actuel avec Andreas Bezner, CEO de Stableton, à quelques jours de la conférence Private Assets Insights du 29 novembre.

Comment l'environnement actuel affecte-t-il le capital-investissement?

Entre tensions géopolitiques, inflation, hausse des taux d’intérêt et menace de récession imminente, la conjoncture a affecté le capital-investissement de manière négative. Nous constatons à l’évidence un marché extrêmement favorable aux acheteurs. Le marché secondaire y est particulièrement propice surtout si les cibles sont des entreprises en attente d’un IPO. Les introductions en bourse piétinent depuis trois ans et il est tout à fait probable qu’elles redémarreront assez prochainement. Le pipeline des IPO est en train de s'étoffer et la situation pourrait se retourner rapidement l’an prochain.

Qu’entendez-vous par là?

Sur le capital-risque et sur le capital de croissance, deux sous-segments du le private equity, la durée d’un marché baissier est typiquement de l’ordre de 30 mois. Donc, si l’histoire se répète, nous devrions être à l’aube d’une reprise. On voit bien que les entreprises susceptibles d’ouvrir leur capital s’y préparent activement. En recrutant des directeurs financiers ayant une expérience des marchés boursiers, par exemple.

«Le segment sur lequel nous nous concentrons est celui des entreprises technologiques d’une certaine taille.»
Comment y réagissez-vous?

Le segment sur lequel nous nous concentrons est celui des entreprises technologiques d’une certaine taille et il nous parait clair que les marchés privés de ce segment ont atteint leur plus bas au second trimestre 2023. Les valorisations reflètent déjà les taux élevés et la récession, de sorte que les bénéfices futurs sont fortement actualisés et que tout événement macroéconomique majeur - baisse des taux d'intérêt de la Fed par exemple - leur sera favorable. Encore une fois, c’est l’un des marchés d’acheteurs les plus prononcés que nous ayons jamais observé. Pour ce qui est des entreprises tech plus particulièrement, il a aussi été constaté que lorsque le Nasdaq grimpe fortement, disons de plus de 15%, il faut neuf à douze mois aux marchés privés correspondants pour suivre. En d’autres termes, nous identifions de belles opportunités qui se profilent dans cet univers.

Quels sont les niveaux de risque?

Le capital-investissement traditionnel représente un certain risque si le modèle d'entreprise est basé sur un bilan à effet de levier avec des marges étroites, sensible à une récession et à des taux d'intérêt élevés. Il en va différemment pour le capital-développement ou le préinvestissement, où les entreprises privées affichent de solides taux de croissance et sont suffisamment dynamiques pour dominer l'inflation et la récession. Ces entreprises sont souvent gérées de manière très efficace, grâce à des outils de pointe, des données et l'intelligence artificielle. En outre, elles utilisent souvent des modèles à faible capital, avec peu d'actifs fixes, ce qui implique qu'elles sont relativement insensibles aux hausses de taux, car elles s'appuient principalement sur une masse salariale compressible. Investir dans les licornes et les entreprises prêtes à être introduites en bourse semble être la meilleure proposition à l'heure actuelle, en évitant celles qui sont gourmandes en capital et qui ont recours à l'endettement.

En matière de démocratisation de l'accès au capital-investissement, comment les structures et les conditions d'investissement évoluent-elles?

Les structures de base – Limited Partners, General Partners, durée des fonds, structure des frais et commissions -, n’ont que peu évolué au cours de cinquante dernières années. Toutefois, sous la pression de la demande, en particulier pour une meilleure liquidité, de nouvelles formes de produits, tels que les certificats bancaires avec ISIN, qui offrent une plus grande flexibilité que les fonds traditionnels, ont été créées. Il est plus facile d’y entrer et d’en sortir en raison de la qualité et de la rapidité des évaluations de portefeuille et de leur transférabilité au sein du système bancaire. Ils peuvent être intégrés dans un portefeuille d'investissement classique, ce qui les ouvre aux gestionnaires de patrimoine et aux banques privées.

Quelles sont les perspectives des marchés de PE à long terme?

Parallèlement à l'évolution des marchés cotés au cours des 20 dernières années, dont la montée en puissance des ETF et des courtiers de détail comme Robinhood, nous avons aussi assisté à une démocratisation significative des investissements sur les marchés privés. A mon sens, le capital-investissement suivra une trajectoire similaire, dans les cinq à dix prochaines années. La transparence et la liquidité continueront de s'améliorer. Les ingrédients sont en place pour des stratégies plus systématiques, plus passives et basées sur des données. Sur les marchés secondaires, de nouvelles plateformes s'ouvrent régulièrement et nous pouvons nous attendre à une croissance significative. Le private equity des «club deals» survivra dans certains segments, mais de manière générale, la branche se démocratisera. Tout investisseur pourra y accéder.

Est-ce dans ce sens que vous avez créé votre produit axé sur les licornes?

C’est exactement le cas. Celui d’un instrument de gestion passive appliquée aux marchés privés.

A lire aussi...