La consolidation d’actifs, un travail d’orfèvre

Anne Barrat

3 minutes de lecture

Pour Claude Diserens de Galeo: «plus les gens sont riches, plus ils ont besoin d’une supervision de leur patrimoine qui aille dans le moindre détail».

Un défi des UHNWI (ultra high net worth individuals)? Bénéficier en tout temps d’une photographie précise de leur patrimoine, non seulement les placements financiers mais aussi la large gamme d’actifs moins liquides et plus difficiles à valoriser (immobilier, avion, yacht, œuvres d’art, écuries, …). Un vrai casse-tête quand s’ajoutent à la diversité du patrimoine celle des pays où ses composantes sont détenues, donc des devises, ainsi que celle des banques et conseillers (financiers et juridiques notamment) impliqués. Une consolidation automatisée, si sophistiquée et digitalisée soit-elle, quelle que soit la qualité des instruments de reporting, ne saurait se passer d’un pilotage manuel. Explications avec Claude Diserens, fondateur et CEO de Galeo.

Qu’est-ce qui vous a amené à créer Galeo en 2003?

Un double constat, après trois décennies dans la gestion de fortune, le courtage, et l’IT: d’une part, le reporting mis à la disposition des clients fortunés pas leurs partenaires bancaires, si fin et pertinent soit-il, ne leur permet pas tel quel de se faire une idée précise de la santé et de la dynamique de leur patrimoine. Non seulement parce que ce reporting ne concerne que le patrimoine financier mais aussi qu’il est propre à une banque, là où un client fortuné a plusieurs banques. D’autre part, la gestion des risques dépend de la vision globale d’un patrimoine que ne saurait apporter la somme des reporting des portefeuilles.

In fine, optimiser la gestion d’un patrimoine et son profil de risque suppose une consolidation intelligente des actifs et des passifs de l’ensemble des éléments, financiers et non-financiers, d’un patrimoine.

«Les trusts sont très friands de cette comptabilité mensuelle, un vrai plus par rapport au reporting annuel qu’ils obtiennent traditionnellement.»
Un logiciel intégré ne suffirait-il pas à réaliser cette consolidation?

L’automatisation des mouvements de capitaux, des flux de dépenses et revenus, et des transactions est en effet indispensable pour autoriser une vue d’ensemble actualisé en flux tendu ainsi que pour diminuer les marges d’erreur. La plateforme Galeo par exemple, résultat d’années de travail de catégorisation des dépenses et des revenus et de lourds investissements technologiques, a été conçue précisément pour permettre une consolidation intégrée de tous les actifs et de tous les passifs du patrimoine. La classification en 20 et 30 types de dépenses – tous nos clients ont presque le même type de dépenses – est établie de manière semi-automatique, tout comme le codage des écritures sur les relevés que nous recevons des banques – un travail de spéléologie. Une plateforme, si performante soit-elle, ne peut répondre aux questions que se posent les clients à la lecture des données. Un partenaire de confiance, connaissant les habitudes de la famille du client, impartial et neutre, leur est nécessaire, qui leur fait gagner du temps et complète le dispositif.

Pourquoi un UNWH a-t-il besoin de Galeo?

Tout d’abord, pour superviser l’ensemble de son patrimoine, dont le périmètre est très vaste: il inclut tous les mandats de gestion (entre 30 et 50 portefeuilles différents), des investissements immobiliers, des forêts, de l’art, …, bref, une multitude de biens. D’expérience, une fortune d’un milliard de francs comprend au moins 30% de non liquides, dont plus de 100 millions de francs en immeubles.

Cette supervision donne lieu à l’émission de rapports quotidiens – ou mensuels, selon la demande des clients – où est comptabilisée chaque transaction selon une classification identique pour toutes les entités. Frais de maintenance, dépenses juridiques, masse salariale, primes d’assurance etc.: les clients reçoivent chaque mois un rapport avec un résumé global ainsi qu’une liste très détaillée, sur la base duquel nous discutons. Les trusts sont très friands de cette comptabilité mensuelle, un vrai plus par rapport au reporting annuel qu’ils obtiennent traditionnellement. Au moins une fois par mois, une téléconférence est organisée à leur demande pour passer en revue les variations, répondre à des questions précises, sur les dividendes, les coupons, leurs actifs privés,… Les frais sont également un sujet clé, même pour des fortunes de centaines de millions voire des milliards.  Ils attendent de nous une grande proactivité, il ne s’agit pas de se contenter de commenter la performance des actifs consolidés, d’autres les systèmes le font. Notre codification nous permet de repérer une dépense suspecte de 2’000 francs sur un patrimoine de plus d’un milliard. Incroyable, mais vrai.

«Nous sommes en relation constante avec toutes les banques de nos clients.»
Qu’est-ce qui vous différencie d’un comptable ou d’un conseiller juridique ou financier?

Nous ne sommes ni comptable ni conseiller. C’est un point très important: en aucun cas nous ne conseillons nos clients sur la structuration ni sur la gestion de leur patrimoine. Nous sommes impartiaux et neutres. La supervision globale du patrimoine que nous réalisons se base sur les données que nous recevons des banques et retraitons, ainsi que sur des données comptables et d’experts que nous utilisons à des fins de valorisation d’actifs non financiers, immobiliers notamment. Un exemple, la consolidation des actifs numériques – crypto monnaies ou NFT (non-fongible token) utilisés sur le marché de l’art – avec des actifs dits traditionnels: les banques traditionnelles sont réticentes à le faire. Nous le faisons. De la même façon, nous nous assurons de la pondération équilibrée du portefeuille globale de nos clients, du respect des ratios que nous avons décidés ensemble. Pour des conseils, nous les renvoyons vers des avocats ou des banques.

Banques et avocats: ne sont-ils pas des concurrents?

Au contraire, ce sont nos partenaires naturels. Nous sommes en relation constante avec toutes les banques de nos clients, qui ne peuvent tout automatiser et dont nous complétons le travail de reporting. Il en va de même avec les cabinets d’avocats avec lesquels nous collaborons pour comprendre pourquoi un mandat n’a pas été respecté, identifier la source d’une erreur de gestion. Nous les aidons à contrôler tous les portefeuilles en litige. Notre approche consiste à identifier la ou les positions qui ont généré une perte substantielle. Nous re-comptabilisons toutes les transactions afin de mesurer l’impact d’une position ou d’une classe d’actif qui ne devait pas figurer dans le portefeuille. Cette approche nous permet de repérer quelle position a sous performé, l’intrus en quelque sorte.  L’avocat prend alors le relais pour traiter la plainte de notre client.

Il n’y a pas de risque de conflit d’intérêt?

Aucun, puisque nous ne touchons ni rétrocession des banques ni commission des cabinets d’avocats, ce qui garantit notre indépendance et notre neutralité. Pas plus que nous ne donnons de conseils comme je l’ai dit auparavant, nos travaux sont basés sur des chiffres et non sur des émotions. Ce sont les clients fortunés qui nous paient, pour lesquels nous sommes une personne de confiance.