La conservation institutionnelle des cryptos en plein développement

Nicolette de Joncaire

2 minutes de lecture

La garde des actifs numériques est beaucoup plus axée sur les mesures de cybersécurité que celle des titres. Quelques questions à Gerry Afentakis de Zodia Custody.

Dans l’esprit du public, les cryptomonnaies sont des instruments au porteur. Chacun est responsable de la conservation de ses avoirs de manière autonome. Mais ce qui est vrai pour des individus ne l’est pas pour les institutions et, l’adoption des devises cryptos par les investisseurs institutionnels introduit la nécessité de conserver les actifs auprès d’établissements tiers, en capacité de répondre aux exigences de sauvegarde des avoirs confiés. Basée à Londres et enregistrée au Royaume-Uni auprès de la Financial Conduct Authority (FCA), en Irlande auprès de la Central Bank of Ireland (CBI) et au Luxembourg auprès de la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), Zodia Custody est né d’une initiative incubée au sein de Standard Chartered Bank et amenée à voler de ses propres ailes il y a quatre ans. Quelques questions à Gerry Afentakis, responsable du développement en Europe et au Moyen-Orient.

Quand et comment est né Zodia?

La banque Standard Chartered dispose d’un département qui s'intéresse à l'avenir des innovations et s’est rendue compte que la conservation des avoirs numériques serait un élément essentiel de l’avenir des devises cryptos et, plus généralement, des actifs numériques. Ce besoin de sécurité a conduit à l'incubation de Zodia à l'intérieur de la banque, puis à sa scission en entité autonome il y a quatre ans. C’est cette paternité qui offre à Zodia les garanties nécessaires pour assurer une conservation des actifs numériques de premier ordre, assurant sécurité, conformité, gestion des risques et respect des processus réglementaires. Notre service est conçu pour répondre aux besoins des banques, des hedge funds, et des gérants d’actifs mais nous l’avons également étendu aux entreprises natives du secteur des actifs numériques, fournisseurs d’ETP et d’ETF ainsi qu’aux fondations de protocoles ou à tout détenteur institutionnel d’actifs numériques. Nous comptons DWS et Invesco parmi nos clients.

«Notre objectif est d’être l'un des trois premiers dépositaires pour les institutionnels sur tous les marchés européens.»

Quelle taille fait l’entreprise?

Zodia est enregistré au Royaume-Uni, en Irlande, à Hong Kong, au Luxembourg. L’enregistrement est en cours au Japon, en Australie et à Singapour. Nous comptons à l’heure actuelle 130 employés.

De quels actifs assurez-vous la garde?

Nous assurons la garde de tous types d'actifs numériques: les cryptomonnaies et la version numérique d'actifs réels ce qui comprend potentiellement les monnaies numériques émises par les banques centrales. Notre offre inclut plus d’une douzaine de devises cryptos – dont bien évidemment le bitcoin, l’ethereum, Solana et Ripple -, et une liste de plusieurs dizaines de jetons ERC-20. Nous coopérons également avec les protocoles Stellar et Polkadot.

Quels processus observez-vous avant d’accepter de traiter une devise crypto?

Nous devons en connaitre le projet, la documentation et la classification réglementaire sur les territoires où nous opérons. Nous menons une due diligence détaillée à plusieurs étapes pour évaluer son acceptabilité. Cette évaluation couvre la devise et la blockchain sous-jacente et comprend l’étude des crimes financiers qui peuvent l’affecter, les aspects régulatoires, la gouvernance du produit, sa technologie, les risques cyber, son opérativité et sa réputation.

La problématique de la sécurité crypto réside largement dans ses détenteurs, plutôt que sur les flux qui sont généralement bien contrôlés. Opérez vous une politique de KYC?

Oui, nous opérons une vérification KYC complète pour éviter le blanchiment.

En quoi la conservation des actifs numériques diffère-t-elle de la conservation des titres?

La principale différence réside dans le fait que la conservation des actifs numériques est beaucoup plus axée sur les mesures de cybersécurité, notamment la gestion des clés, le stockage à froid, le cryptage, les portefeuilles multi-signatures et les audits de sécurité réguliers. En outre, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle classe d'actifs, le paysage réglementaire de la conservation des actifs numériques évolue encore et diffère souvent d'une juridiction à l'autre. La conservation d'actifs numériques nécessite également un suivi des transactions et une analyse de la blockchain afin de retracer la source des actifs numériques reçus en conservation et de s'assurer qu'ils ont fait l'objet d'une évaluation des risques, qu'ils n'ont pas été impliqués dans une activité suspecte sur la chaîne et qu'ils sont conformes aux exigences réglementaires.

Votre société opère ce que vous appelez le Custody Gateway. De quoi s’agit-il?

Nos services ne se limitent pas à la garde. Nous offrons toutes sortes d’autres fonctionnalités telles l’achat et la vente des actifs, leur emprunt ou les repos. Pour ce faire, nous avons créé une sorte de App Store (en architecture ouverte) qui s’appelle Zodia Gateway avec les meilleures entreprises pour la fourniture de services comme par exemple le staking.  Zodia permet ainsi l’emprunt via Zodia Protect, ou la négociation via Zodia Interchange qui permet de négocier sur une bourse centralisée sans que les actifs ne quittent leur dépôt évitant ainsi les risques de contrepartie ou de fuite.  Notez que nous utilisons les services de hackers éthiques externes pour vérifier la solidité de nos protections.

Quels développements visez-vous en Europe?

Notre objectif est d’être l'un des trois premiers dépositaires pour les institutionnels sur tous les marchés européens. Nous estimons que seuls les fournisseurs présentant de solides garanties survivront.

Votre prochaine étape?

Nous sommes actuellement en train d'évaluer les marchés cryptos les plus importants sur lesquels nous ne sommes pas présents en tant qu'entité réglementée, dont la Suisse, et de concevoir une stratégie de mise sur le marché pour chacun d'entre eux.

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