La BNS a intérêt à conserver des munitions

Emmanuel Garessus

2 minutes de lecture

La Banque nationale devrait baisser ses taux de 25 points de base, avance Yves Longchamp, économiste. Le franc suisse devrait continuer de s’apprécier.

La BNS a été la première des banques centrales à baisser ses taux directeurs durant l’actuel cycle de désinflation. Ce jeudi, elle devrait à nouveau procéder à une diminution de ses taux d’intérêt. La question porte plutôt sur l’ampleur du changement. Yves Longchamp, économiste qui a travaillé précédemment à la BNS, répond aux questions d’Allnews:

Quelle décision devrait annoncer la Banque nationale ce jeudi?

La BNS devrait continuer de baisser ses taux d’intérêt. Elle devrait annoncer une diminution de 25 points de base demain. Plusieurs facteurs plaident en ce sens. Le premier porte sur les prévisions d’inflation compte tenu du taux d’intérêt actuel telles qu’elles ressortent du dernier communiqué. La BNS avait réduit les taux à 1,25% et les prévisions d’inflation ont encore diminué. Le renchérissement est faible, à 1,1% en août.

«La baisse des prix est déjà dans le marché et il n’y a pas de choc économique ou de crise qui imposerait une telle décision».

Il n’existe pas de marge de manoeuvre significative à la baisse. Lorsqu’il apparaît que l’inflation suisse est principalement de nature domestique, cela signifie que les taux d’intérêt ont un réel impact sur l’inflation. Indépendamment des facteurs extérieurs, la BNS dispose donc de bonnes raisons pour une baisse des taux directeurs jeudi.

Le marché accorde une probabilité de 30% à une baisse des taux de 50 points de base et il s’attend à une baisse d’encore 50 points de base d’ici mars. Est-ce exagéré?

C’est sans doute exagéré. La BNS n’a pas besoin de surprendre le marché par une baisse de 50 points de base. La baisse des prix est déjà dans le marché et il n’y a pas de choc économique ou de crise qui imposerait une telle décision. Il faut aussi préciser qu’à 1,25%, la BNS n’a pas beaucoup de marge de manoeuvre pour descendre à 0%. Elle n’a pas non plus l’intention de revenir à des taux nuls ou négatifs. Elle a plutôt intérêt à conserver des munitions au cas où la situation économique ou monétaire devait se détériorer.

La conjoncture est mauvaise en Europe, selon les indicateurs avancés. Est-ce qu’une récession en Europe couplée à de très bas taux d’inflation ne conduiraient pas à une plus forte baisse des taux?

Effectivement, ce serait l’occasion d’une telle décision. Dans sa dernière analyse trimestrielle, l’analyse était encore constructive à l’égard de la conjoncture européenne et globale, caractérisée par un ralentissement en 2024 et une réaccélération en 2025 en Europe. Ces prévisions devraient être révisées à la baisse. C’est pourquoi les commentaires avancés demain par la BNS seront intéressants à lire. Ils nous permettront de mieux comprendre la raison de la baisse des taux, entre désinflation, appréciation du franc et détérioration économique global.

Il faut intégrer aussi la question du différentiel de taux d’intérêt. Or le franc est fort et amène l’industrie exportatrice à hausser le ton. En outre, la fermeté du franc réduit l’inflation importée et la hausse de l’indice des prix, encore une raison de baisser les taux demain.

Le contexte international va aussi dans le sens de la baisse des taux, de la Chine aux Etats-Unis. Le ralentissement s’impose progressivement dans le monde. La variable clé, à mon avis, sera la valeur du franc suisse puisque le franc a un impact sur l’inflation et sur la marche des affaires.

Est-ce que le franc continuera de s’apprécier d’ici 18 mois?

Oui, je le pense. En cas de récession en Europe, les investisseurs se protégeraient avec du franc suisse. Le franc resterait également fort si l’économie globale se portait bien dans un environnement géopolitique incertain, marqué par des guerres dans de nombreuses régions, dans un contexte de différentiel de taux favorable au franc et une dette publique ridiculement basse par rapport à quantité de pays européens.

Au début de l’année, le marché anticipait une désinflation certes, mais une inflation qui resterait élevée à moyen terme. Est-ce que cette hypothèse disparaît?

J’ai effectivement l’impression que cette prévision s’est envolée. Le scénario macroéconomique global intègre de plus en plus un risque de récession, à l’inverse du début de l’année. L’assombrissement de la conjoncture contribuera à réduire les prévisions d’inflation. Le cours baissier des matières premières telles que le pétrole est un signal intéressant à ce sujet. Le scénario inflationniste sera révisé à la baisse.

On critique souvent l’héritage de Thomas Jordan en pointant du doigt le niveau du bilan de la BNS. Parviendra-t-elle à le diminuer?

Le niveau du bilan est la conséquence de la politique monétaire et de la gestion de la valeur du franc suisse. Il sera très difficile de le réduire. Il faut aussi préciser que la BNS est dans une situation unique. Contrairement aux autres banques centrales qui se battent pour soutenir leur devise, elle fait partie des rares à éviter une trop forte appréciation de sa monnaie. La taille du bilan est un indicateur de crise.

La question consiste plutôt à savoir comment utiliser cet argent.

A lire aussi...