L’activisme des caisses de pension suisses

Salima Barragan

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Selon Alexandre Dupuis de compenswiss, le traitement des données extra-financières exige la maitrise de la «Data science».

Compenswiss, qui gère des Fond de compensation AVS-AI-APG, est l’un des membres fondateurs de l’Association suisse des investissements responsables (ASIR) fondée en 2015 par différents acteurs du paysage institutionnel suisse. L’union faisant la force, l’association ambitionne de renforcer le poids de ses membres lorsqu’ils rentrent en discussions avec des entreprises cotées qui rechignent à élever leur standards ESG. Alexandre Dupuis, responsable de la construction de portefeuilles chez compenswiss, qui sera présent au GSFI, a accordé un entretien à Allnews pour discuter des activités et de la philosophie ESG du fonds de compensation basé à Genève, ainsi que du traitement des données extra-financières.

En tant que fonds de compensation, comment vous distinguez-vous des caisses de pension suisses?

Nous avons une dynamique particulière car nous gérons des flux d’entrées et de sorties spécifiques à chaque assurance sociale. Nous sommes en réalité un fonds tampon dont les flux de liquidité ont une saisonnalité marquée. Par exemple, durant plusieurs années, le fonds AVS qui évolue selon des facteurs démographiques, était déficitaire.  Ainsi, notre gestion actif-passif diverge de celles des autres institutionnels suisses impliquant des différences notamment en termes de profil de risque et de liquidité.

Quels sont les plus gros défis de compenswiss?

A cause des prévisions démographiques, le fonds AVS risque de fondre d’ici 10 ans si aucune solution n'est identifiée par les sphères politiques. Notre deuxième centre d’intérêt est la problématique ESG.

Nous sommes encore loin des buts des accords de Paris, mais nous progressons.
Quelle est votre politique en matière de gestion durable?

Nous avons fait nos premiers pas dans cette direction il y a quelques années avec la construction d’indices spécialisés dans lesquels des armes controversées sont principalement exclues. Actifs dans les droits de vote, nous nous engageons aussi dans des discussions avec des sociétés problématiques par le biais de l’ASIR. Plus récemment, nous avons procédé à des exclusions de titres trop exposés au charbon thermique. En parallèle, nous acquérons des données qui constituent le nerf de la guerre pour comprendre notre univers d’investissement et aller dans la bonne direction. Enfin, nous mettons en place des indicateurs pour mesurer la durabilité selon plusieurs axes.

Quel est le but de l’Association suisse des investissements responsables (ASIR)?

Cette association permet aux acteurs institutionnels suisses d’avoir davantage de poids lorsqu’ils s’engagent dans le dialogue avec des sociétés. Par ailleurs, elle permet aussi de mutualiser les coûts liés aux études et efforts d’engagement menant aux recommandations émises.

Selon vous, quels sont les enjeux cruciaux de la gestion ESG?

L’enjeu consiste à se rapprocher des accords de Paris. Nous étions plusieurs institutions financières à participer à l’évaluation de la transition du capital selon les accords de Paris (PACTA) organisé par le Département de l’environnement à Berne, dont le but était de mesurer l’impact des différents acteurs du secteur financier. Nous sommes encore loin des buts des accords de Paris, mais nous progressons.

J’ai toujours aimé mélanger l’académique avec l’industrie, car nous avons beaucoup à nous apporter mutuellement.
Performance ESG versus non ESG, qu’en penser?

Les études montrent que certaines périodes affichent des performances de marché favorables aux actifs bien notés, d’autres périodes concluent l’inverse. Il convient alors d’utiliser la bonne lentille qui permet une vision durable à long terme. Aujourd’hui, nous sommes soumis au devoir fiduciaire d’offrir à nos clients, au peuple suisse, une performance conforme au marché; mais le débat politique est en cours.

Vous enseignez à temps partiel à l’Université de Genève un cours de finance computationnelle. Comment cette discipline régit-elle votre travail?

J’ai toujours aimé mélanger l’académique avec l’industrie, car nous avons beaucoup à nous apporter mutuellement. Les bases de certaines activités de compenswiss et des analystes quantitatifs sont à cheval entre les mathématiques, l’informatique et la finance. Au bénéfice d’un cursus informatique, j’ai mis en place ce cours qui favorise l’adaptation des informaticiens intéressés aux enjeux du monde financier. Par exemple, le traitement des données pour une compréhension fine de l’univers ESG s’associe davantage à de la «Data science», un sujet très en vogue en informatique, qu’à la finance traditionnelle.

La finance computationnelle peut-elle être utile pour traiter les données des univers ESG?

Un de mes étudiants défend précisément son travail de master autour de l’ESG. Ce domaine requièrt un volume de données important et les modèles d’intelligence artificielle se prêtent naturellement à des applications dans ce domaine.