A côté des actions et des obligations, les placements dans le capital-investissement et les infrastructures entrent aussi en ligne de compte au sein de l’allocation d’actifs des investisseurs institutionnels. Quel est l’apport des infrastructures en termes de profil risque-rendement au sein d’un portefeuille diversifié? Le point avec Christoph Gisler, responsable des placements dans les infrastructures (Head Infrastructure Equity) chez Swiss Life Asset Managers à Zurich.
Pouvez-vous présenter dans les grandes lignes votre approche d’investissement dans le domaine des infrastructures et expliquer quelle est leru place au sein du groupe Swiss Life?
Notre équipe dédiée aux placements dans les infrastructures fait partie de Swiss Life Asset Managers. Au départ, nous avons commencé à investir dans les infrastructures dans le cadre des activités de gestion de placement à l’intérieur du groupe Swiss Life. Créée en 2011, la plateforme d’infrastructures de Swiss Life Asset Managers offre aux investisseurs institutionnels un bon accès à diverses régions et secteurs dans le domaine des infrastructures. Notre offre se concentre sur les entreprises ou les actifs qui ne sont pas cotés en bourse. Dans les infrastructures, le volume des actifs non cotés en bourse est du reste bien plus grand que celui des titres qui sont cotés en bourse. Et nous investissons directement dans des firmes, non pas dans des véhicules d’investissement. Un autre point important à souligner est que nous investissons exactement aux mêmes conditions pour les investisseurs tiers que nous le faisons pour nous même. Il y a donc un alignement complet des intérêts entre les placements que nous effectuons dans le cadre de la gestion des actifs pour le compte de Swiss Life et pour la clientèle extérieure.
En termes de volumes, nos placements dans les infrastructures atteignaient environ 11,3 milliards de francs en fin d’année dernière, dont environ 6 milliards sont gérés pour le compte de Swiss Life.
Quels sont typiquement les rendements obtenus?
Le rendement annuel moyen a atteint près de 9% au cours d’un cycle d’investissement d’une durée de 8 ans. Si l'on considère les placements qui ont été revendus, les «realised exits», le rendement s’élève même à 12%. Maintenant, il faut garder à l’esprit qu’investir dans les infrastructures nécessite un horizon de placement de long terme, situé entre 12 et 16 ans ou plus longtemps. Il ne faut pas investir dans les infrastructures si l’on envisage de placer son argent pour quelques années seulement.
«Nous investissons exactement aux mêmes conditions pour les investisseurs tiers que nous le faisons pour nous même.»
Quels sont les thèmes dans lesquels vous investissez?
On peut distinguer quatre catégories. Premièrement, il y a l’ingéniérie et l’approvisionnement en énergie, incluant des projets liés à l’eau, à la production d’électricité, à la gestion des réseaux électriques, etc. Deuxièmement, il y a les transports, c’est-à-dire les infrastructures telle que les aéroports, les péages autoroutiers, etc. Troisièmement, les télécommunications, soit par exemple des infrastructures en lien avec les centres de données, les réseaux de téléphonie mobile, etc. Enfin, quatrièmement, il y a les infrastructures sociales comme des centres de soins ou des hôpitaux privés. Nous nous intéressons ainsi aux entreprises d’infrastructures qui profitent des tendances à long terme comme la décarbonation, la numérisation, les changements de comportement en matière de mobilité et l’urbanisation.
Quel est le degré de corrélation entre les placements dans les infrastructures et l’évolution du cycle conjoncturel en général ainsi qu’en comparaison avec d’autres investissements comme les placements obligataires ou les actions?
Les placements dans les infrastructures permettent d’apporter un élément de diversification supplémentaire au sein d’un portefeuille. Outre la diversification, ils apportent aussi un profil rendement/risque attrayant et ils contribuent en outre à préserver le pouvoir d’achat en périodes d’inflation. Les revenus de nombreux équipements en infrastructures, à l’exemple des péages autoroutiers, peuvent être rapidement ajustés en fonction de l’inflation.
Si l’on considère un portefeuille constitué de plusieurs classes d’actifs ou multi-assets, nous avons comparé deux versions sur une période de 16 ans, entre 2008 et 2024: l’une incluant des infrastructures, l’autre sans infrastructures. Le rendement annuel du portefeuille multi-assets sans infrastructures a atteint 5%, celui avec infrastructures s’est élevé à 5,3%. S’agissant de la volatilité, celle du portefeuille sans infrastructures a été en moyenne de 8,4%, alors que celle du portefeuille avec infrastructures s’est limitée à 7,5%. En d’autres termes, inclure des infrastructures a permis à la fois d’améliorer un peu le rendement tout en réduisant significativement la volalitilité du portefeuille multi-assets.
«Les revenus de nombreux équipements en infrastructures, à l’exemple des péages autoroutiers, peuvent être rapidement ajustés en fonction de l’inflation.»
Les placements dans les infrastructures intègrent-ils aussi la dimension de la durabilité qui est toujours plus souvent pris en compte par les investisseurs institutionnels comme les caisses de pension par exemple?
Oui. Dans notre activité, nous disposons d’une large marge de manœuvre pour intégrer cette dimension car nous avons une approche de placement active. Nous avons des participations importantes, voire majoritaires dans certaines entreprises, ce qui nous permet d’influencer directement les décisions des sociétés dans lesquelles nous investissons. Parfois, nous avons des représentants dans les conseils d’administration de certaines entreprises, ce qui nous permet d’avoir accès aux équipes de direction, aux business plans. Si vous investissez en bourse via des ETF, vous n’avez pas la même possibilité d’agir sur vos placements.
S’agissant de la réglementation en Suisse qui s’applique dans la prévoyance, il est désormais possible d’investir jusqu’à 10% de l’allocation d’actifs total dans les infrastructures. Dans quelle mesure cette possibilité est-elle effectivement utilisée par les caisses de pension?
En 2023, cette part a atteint 1,7% comparé à 0,7% en 2019. Il s’agit d’un doublement de cette part mais à partir d’un très faible niveau. En d’autres termes, il existe encore un important potentiel de développement pour les investissements dans les infrastructures chez les caisses de pension. Cela prend toutefois du temps et cela implique beaucoup de patience et d’effort de formation pour familiariser les investisseurs avec ce type de placements. Enfin, il faut toujours garder à l’esprit que les infrastructures sont des placements appropriés lorsque l’on a un horizon de placement à long terme, de l’ordre de 12 à 16 ans ou plus longtemps mais qu’elle ne l’est pas pour les traders.