Des clients toujours très engagés sur les marchés

Yves Hulmann

3 minutes de lecture

Pour Philipp Rickenbacher, directeur de Julius Baer, garder du cash restera peu attrayant en 2021.

A l’instar d’autres établissements bancaires qui ont récemment publié leurs résultats pour l’année 2020, Julius Baer a tiré parti l’an dernier de la volatilité élevée sur les marchés qui a incité les clients à effectuer beaucoup de transactions. Le produit d’exploitation du gestionnaire de fortune zurichois a augmenté de 5,9% pour atteindre 3,58 milliards de francs. En revanche, ses coûts opérationnels ajustés n’ont crû que de 0,1% à 2,47 milliards de francs. Il en résulte un bénéfice net ajusté en hausse de près 24% à 956,6 milliards de francs. Le bénéfice net (IFRS) a, lui, même progressé de 50% sur un an pour s’établir à 698,6 millions de francs.

Profitant du rebond des marchés en seconde partie d’année, les actifs sous gestion se sont étoffés à 433,7 milliards de francs (+1,8%) tandis que les entrées nettes d’argent ont atteint 15,1 milliards de francs en 2020, comparé à 10,6 milliards en 2019. Ces résultats supérieurs aux attentes en ce qui concerne le bénéfice ont été accueillis malgré tout avec prudence par les analystes et les marchés. Lundi, l’action Julius Baer a clôturé la séance en baisse de 2,1% à 52,88 francs.

«Les tensions vont demeurer et il faudra compter
avec de possibles revers sur les marchés.»

Même si le groupe est parvenu à améliorer son ratio coûts/revenus à 66,4% (71,1% en 2019) l’an dernier, il prévoit continuer de réduire ses coûts durant l’exercice en cours. Lors d’une conférence téléphonique lundi, Philipp Rickenbacher, le directeur de Julius Baer, a indiqué que le groupe prévoyait de supprimer 280 postes supplémentaires à travers le monde, une mesure qui s’inscrit dans le cadre de son programme de réduction des coûts à hauteur de 70 millions de francs. Il y a un an, Julius Baer avait déjà annoncé une réduction d’environ 300 emplois. A fin décembre 2020, le groupe employait 6’606 personnes (équivalent plein temps). Les actionnaires devront se prononcer sur un dividende de 1,75 franc par action pour l’année 2020 (1,5 franc en 2019) lors de la prochaine assemblée générale du 14 avril. Le groupe a aussi annoncé lundi un nouveau programme de rachat d’actions à hauteur de 450 millions de francs. Quelles sont les priorités pour le groupe pour l’exercice en cours? Entretien avec Philipp Rickenbacher, CEO du groupe Julius Baer.

En 2020, le produit d’exploitation de Julius Baer a augmenté de près de 6% pour atteindre 3,58 milliards de francs, profitant d’une activité élevée de la clientèle dans un contexte de forte volatilité sur les marchés au printemps dernier. Un tel résultat peut-il être répété en 2021 – ou faut-il craindre des marchés beaucoup plus calmes en comparaison?

Deux facteurs ont contribué à l’évolution positive des recettes en 2020. D’une part, il y a eu effectivement un niveau d’activité élevé de la part de la clientèle. D’autre part, ce résultat a aussi été possible parce que nous avons pu mettre à disposition de nos clients des solutions et un conseil adaptés au bon moment. Maintenant, à la question de savoir si un tel résultat pourra être répété en 2021, on peut observer que Julius Baer a bien démarré l’année en cours. Nos clients continuent d’être très engagés sur les marchés. Bien entendu, il est difficile de prévoir comment les marchés vont évoluer durant le reste de l’année. D’une part, car la pandémie est encore loin d’être terminée. D’autre part, l’impact de la pandémie sur l’économie est, lui, tout aussi difficile à évaluer. Certains scénarios vont dans le sens d’une reprise rapide, d’autres à un rythme plus lent. Les tensions vont demeurer et il faudra compter avec de possibles revers sur les marchés. Malgré tout, garder du cash plutôt que d’investir sera toujours moins attrayant, notamment en raison des taux négatifs persistants.

«Le conseil personnel est important non seulement pour les clients
de l’ancienne génération mais aussi pour ceux des plus jeunes générations.»
En 2020, la pandémie a aussi bouleversé les habitudes en matière de conseil à la clientèle. Lors de la conférence de presse, vous avez affirmé que la pandémie a été un accélérateur phénoménal en matière de numérisation mais aussi que la technologie ne va pas remplacer le contact personnel. Après la pandémie, à quoi ressemblera le conseil à la clientèle du futur?

Il faudra fournir du conseil à la fois via des canaux numériques et de manière personnalisée. Le conseil personnel reste partie intégrante du service apporté à la clientèle riche et ultra-riche («HNWI» et «UHNWI»). Le conseil personnel est important non seulement pour les clients de l’ancienne génération mais aussi pour ceux des plus jeunes générations. Rencontrer ses clients personnellement est indispensable pour bâtir une relation de confiance sur le long terme. Au cours des derniers mois, les conseillers à la clientèle ont, certes, moins voyagé pour rencontrer leurs clients en raison de la pandémie mais ils recommenceront à le faire dès que ce sera possible.

S’agissant des nouveaux outils numériques, nous allons continuer de les utiliser même lorsque la pandémie sera terminée. Aujourd’hui, il est possible d’effectuer certaines procédures, qui auparavant nécessitaient près de 40 minutes il y a quelques années encore, en seulement quelques minutes. Le recours à certains outils numériques rend le processus de conseil beaucoup plus efficient. Plutôt que de consacrer du temps à des tâches purement administratives, il est possible de le mettre à profit pour le véritable travail de conseil.

«Julius Baer conservera une flexibilité suffisante pour procéder
à des rachats si des opportunités intéressantes se présentent.»
Julius Baer a annoncé, lundi, le lancement d’un nouveau programme de rachat d’actions allant jusqu’à 450 millions de francs. Ne serait-il pas plus opportun d’utiliser ces moyens pour effectuer des acquisitions ou pour d’autres investissements?

L’un n’exclut pas l’autre. S’agissant du programme de rachat d’actions annoncé lundi, nous sommes en mesure de le proposer à nos actionnaires tout en conservant des ratios extrêmement attrayants en termes de capitalisation. En matière d’acquisitions, Julius Baer conservera néanmoins une flexibilité suffisante pour procéder à des rachats si des opportunités intéressantes se présentent.

Ou est-il envisageable d’effectuer des acquisitions: en Suisse ou à l’étranger?

Que ce soit en Suisse ou à l’étranger, les conditions à réunir restent les mêmes. La société rachetée doit correspondre à notre stratégie. La qualité des activités de l’établissement racheté doit satisfaire à nos critères et, enfin, le prix doit bien sûr correspondre à nos attentes.

S’agissant des litiges juridiques, le bénéfice net (IFRS) de Julius Baer en 2020 a été impacté à hauteur de 73 millions de francs en raison d’une provision constituée en lien avec un accord de principe conclu avec le Département de la Justice américain dans le cadre de l’enquête sur la FIFA. Julius Baer voit-elle le bout du tunnel en ce qui concerne ses différents litiges juridiques?

Il s’agit de dossiers complexes dont le processus de résolution nécessite souvent beaucoup de temps. Parfois, il s’agit de dossiers qui remontent à plusieurs années en arrière. La justice fonctionne avec un rythme qui lui est propre. Néanmoins, le processus de résolution des différents litiges juridiques est en bonne voie chez Julius Baer.

A lire aussi...