Démocratiser l’accès à la performance

Anne Barrat

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«Les clients des banques doivent pouvoir comparer la performance de leur portefeuille» estime Nicholas Hochstadter.

Avec Performance Watcher (PW), le CEO et fondateur de la plateforme collaborative entend mettre à la portée de tous les épargnants, quelle que soit la taille de leur portefeuille, un outil simple à utiliser qui leur donne en quelques clics la performance de leurs placements jour après jour et leur permette de comparer cette dernière à celles d’autres participants de PW. Le comparis.ch ou Tripadvisor.com de la finance en un mot, une révolution à laquelle cet ancien banquier travaille depuis 15 ans.

En quoi Performance Watcher représente-t-elle une «révolution du monde de la finance» selon vos propres mots?

Performance Watcher modifie fondamentalement le rapport entre les banquiers et gestionnaires de fortune d’une part, les clients d’autre part. Jusqu’à présent les seconds dépendent des explications des premiers pour évaluer la performance de leurs placements et les mettre en perspective. Autrement dit, pour prendre un exemple de l’actualité récente, si un client voulait savoir comment s’était comporté son portefeuille pendant la décrue brutale des marchés au début de la pandémie de Covid-19, il devait appeler son banquier. Lequel se trouvait dans la position de justifier ses choix d’allocation d’actifs – sans pour autant pouvoir lui donner des éléments de comparaison rassurants. PW sonne le glas de ce conflit d’intérêt où le gestionnaire gère et justifie sa propre gestion. Parallèlement, il donne aux clients la possibilité de voir au quotidien si leur portefeuille surperforme ou sous-performe celui de pairs aux caractéristiques semblables en termes de volatilité. Il leur permet non seulement d’apprécier la performance nette de frais de gestion, mais aussi en regard du risque pris. Ainsi, un client peut réaliser que, non seulement ses placements affichent des rendements inférieurs ou supérieurs à ceux d’autre portefeuille, mais aussi pour quel niveau de risque ces rendements sont obtenus. PW responsabilise les clients qui deviennent des acteurs conscients et engagés de la gestion de leurs actifs. C’est une première, il n’existe à ce jour aucun outil de ce type en finance, ce qui peut paraître surprenant à l’heure de l’économie comparative dans laquelle nous vivons.

Toute l’inertie des grands acteurs de la place financière suisse
ne parviendra à freiner ce mouvement inéluctable,
qui ne pourra qu’être accéléré par l’open banking.
Comment fonctionne concrètement Performance Watcher?

Du point de vue de l’évaluation de la performance, PW est conçu pour être simple sans être simpliste. L’outil mesure le rendement et la volatilité du portefeuille et non ce dont il est constitué. Il regarde comment évolue le portefeuille et, après quelques semaines, est capable de conclure qu’il ressemble à tel autre portefeuille avec tel niveau de risque que l’utilisateur valide. Ce rapprochement donne lieu à un avis sous forme de météo, soleil, nuage, etc., qui sont autant d’indicateurs de performance. Du point de vue du client, la plateforme, tout comme l’application utilisable sur tout smartphone, est très simple d’utilisation. Il suffit que le client crée un email spécifique pour PW – sous un pseudo, de manière à garantir son anonymat –, et remplisse le formulaire, puis suive une procédure simple afin que PW lui attribue un numéro, qu’il utilisera à chacune de ses visites. Cela suppose que sa banque ait intégré PW dans ses services.

Aujourd’hui 25 banques sont connectées, est-ce suffisant pour que la révolution soit avérée?

C’est beaucoup si l’on songe que cela représente quelque 15’000 portefeuilles pour un montant de 39 milliards de francs contre à peine 5 milliards de francs il y a deux ans. Il faut bien reconnaître que, même si les banques ont tout à gagner in fine du renforcement de la relation de confiance dont PW est synonyme, elles sont majoritairement frileuses à ajouter ce service aux leurs. Les grandes banques en particulier, qui non seulement refusent pour l’instant d’y adhérer, mais aussi empêchent leurs clients de bénéficier de l’outil de comparaison. C’est pourquoi nous avons commencé par approcher les «petites» banques – si tant est que cette catégorisation soir pertinente, car à mes yeux il n’y a pas de petite ou de grande banque, il y a des banques. Piguet, Gonet, la Banque cantonale des Grisons ont été parmi les premières à percevoir la valeur ajoutée de PW pour leurs clients, ouvrant la voie aux quelque 5 ou 6 nouvelles banques et nombreux gérants indépendants qui s’ajoutent chaque année. D’autres suivront, sous la pression de leurs clients, jusqu’à ce que toutes rejoignent la plateforme, quand il ne sera plus possible d’échapper à la comparaison sauf à perdre des clients. Cette tendance devrait se faire d’autant plus naturellement que PW n’a pas comme modèle d’affaires de faire changer les clients de banque. C’est le sens de l’histoire. Toute l’inertie des grands acteurs de la place financière suisse ne parviendra à freiner ce mouvement inéluctable, qui ne pourra qu’être accéléré par l’open banking.  Il en va du leadership de la banque suisse, privée du secret bancaire.

Anonymat, gratuité, coaching, les avantages de la plateforme semblent presque trop beaux pour être vrais, non?

Ces caractéristiques sont absolument nécessaires pour que la plateforme garantisse son indépendance et sa croissance sans conflit d’intérêt, en attirant de plus en plus de clients et de gérants. Elles reflètent par ailleurs la philosophie qui motive ce projet dans lequel j’ai beaucoup investi depuis 2005. Il me paraît normal que les gens, modestes en particulier, sachent comment est gérée leur épargne, leur retraite, et puissent faire des ajustements, ce qu’ils ne peuvent pas faire s’ils n’ont pas les moyens d’évaluer la performance. Pour les gérants qui acceptent de participer à PW, ils peuvent à moindre coût prouver la qualité de leur gestion – notre but n’étant pas de devenir un outil de sélection des meilleurs gérants, mais de promouvoir des gérants que l’on recommanderait soi-même. L’objectif n’est pas de gagner de l’argent, mais de mettre à disposition de tous un outil fiable et pérenne. C’est pourquoi je suis actuellement en train de créer une fondation qui assure l’avenir et la gestion des données de la plateforme de manière à ce que le projet survive dans son esprit originel, sans visées commerciales.

Quel est le modèle d’affaire de Performance Watcher?

Comme je viens de le dire, la gratuité basée sur un échange de bon procédé est au cœur de la dynamique de la plateforme. Cela dit, afin de permettre que la plateforme s’autofinance, une contribution minimum de 2 francs par compte est demandée aux professionnels qui la rejoignent.