Arcano fait rimer private equity avec sustainability

Anne Barrat

3 minutes de lecture

«Le private equity permet un pilotage de l’impact plus précis que toute autre classe d’actifs» explique Marta Hervás d’Arcano.

Fondée en 2006, l’année-même où étaient publiés les principes pour l’investissement responsable (UNPRI), la boutique madrilène est née avec l’investissement d’impact. A travers des fonds de private equity primaires, secondaires et des co-investisssements, Arcano n’a cessé de renforcer son expertise dans ce domaine, qui lui permet d’afficher aujourd’hui 7 milliards d’euros sous gestion. Plus qu’une conviction, un sacerdoce, avec Marta Hervás, directrice des investissements chez Arcano Asset Management.

Arcano se dit l’un des premiers de la gestion alternative à avoir associé private equity et investissement d’impact. N’est-ce pas un couple aux objectifs pas toujours compatibles?

La recherche d’efficacité et la durabilité sont intimement liées, la seconde ne peut exister sans la première. Les opposer est un combat d’arrière-garde: les gains de productivité obtenus par l’optimisation de la gestion opérationnelle, de l’alignement des intérêts entre actionnaires, management et salariés, sont d’autant plus substantiels et durables qu’ils intègrent les normes de l’investissement responsables et ESG. Contrairement aux classes d’actifs dites traditionnelles, le private equity n’est pas entravé par des considérations de cours de bourse, court-termistes. Une participation majoritaire permet de contrôler directement tous les aspects du tableau de bord de l’agenda durable: la transparence de la corporate gouvernance, la composition du conseil d’administration (présence de femmes, d’administrateurs indépendants), la mise en œuvre de politiques de diversité et d’inclusion ainsi que d’égalité salariale, l’impact environnemental des opérations et de tous les acteurs de la supply chain, etc. Autant de leviers au service d’un pilotage fin de la conduite du changement pour optimiser l’impact, et pas seulement les coûts.

Aucun investissement ne permet le private equity de démontrer les résultats des efforts à 5 ou 8 ans pour atteindre des objectifs durables.

«Arcano a été la première société de gestion espagnole indépendante à adhérer aux Principes des Nations Unies pour Investissement Responsable (UNPRI) en 2009.»
Comment se traduit cette symbiose entre private equity et investissement d’impact chez Arcano?

Pionnier en matière d’investissement responsable, Arcano a été la première société de gestion espagnole indépendante à adhérer aux Principes des Nations Unies pour Investissement Responsable (UNPRI) en 2009. Dix ans plus tard, nous avons obtenu le score A+ dans tous nos stratégies d'investissement évaluées dans le dernier rapport d'évaluation de l'UNPRI (2020). Autrement dit, nous affinons constamment notre approche pour intégrer toutes les évolutions en termes d’innovation sociale, environnementale et de gouvernement d’entreprise qui participent à la croissance de l’impact 

Comment vous assurez-vous que les managers des fonds respectent les critères d’impact?

Au fil des années, nous avons revu et amélioré les outils utilisés par nos équipes d'investissement pour analyser les sociétés, leur profil ESG ainsi que leur structure d’impact. Ils intègrent systématiquement les critères ESG et d’impact dans leur due diligence et en tiennent compte dans toutes leurs décisions d’investissement et dans le suivi de nos participations. Ils tiennent également compte de normes propres à des secteurs, le GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark) pour l’immobilier et les infrastructures par exemple, ainsi que de standards récents tels que les Operating Principles for Impact Management édictés par l’International Finance Corporation (UFC) du groupe de la Banque Mondiale, applicables à l’ensemble des actifs alternatifs. Forts de nos niveaux de participations dans les fonds que nous sélectionnons sur la base de cet ensemble de critères contraignants, nous sommes en mesure d’entrer en matière avec les managers et de les influencer si nécessaire. Nous mesurons également en profondeur l’impact de cette gestion selon des KPIs développés en interne. Nous ne laissons rien au hasard.

Vous lancez le fonds Arcano Impact Private Equity Fund (AIPEF), quel est votre objectif?

Il complètera notre gamme de fonds d’impact en nous positionnant sur quatre thèmes qui nous semblent majeurs dans l’ère de transition que nous vivons. Pas seulement écologique, que nous avons traitée avec les fonds Arcano Earth I et II, mais dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’alimentaire, de la transition énergétique. Ces secteurs sont en pleine évolution, être acteur engagé de leur transformation c’est à nos yeux le moyen le plus efficace de préparer et assurer l’avenir de la planète et des générations futures.

«L’Europe et les Etats-Unis représentent plus de 80% des investissements.»

Concrètement, le fonds AIPEF est un fonds de fonds. Il est composé de 13 fonds d’une taille de 10 à 20 millions, et de 2 co-investissements. Nous avons déjà levé plus de 200 millions d’euros avec un objectif de clôturer à 300 millions d’euros. L’Europe et les Etats-Unis représentent plus de 80% des investissements, le reste se répartissant entre des émergents, l’Asie et d’autres opportunités qui se présentent. 

Un de vos objectifs est-il de démocratiser l’accès à ce thème du private equity d’impact?

Les tickets d’entrée, qui restent modestes pour des institutionnels ou des investisseurs professionnels, restent élevés pour des investisseurs individuels. Cela dit, tant que la réglementation européenne ne modifiera pas les conditions d’accès aux produits financiers alternatifs, nous ne pourrons pas faire beaucoup mieux.

Beaucoup de voix s’élèvent contre le greenwashing avec la monté en puissance des fonds labellisés, que leur répondez-vous?

Greenwashing, green marketing font en effet beaucoup parler d’eux, ce qui est normal: plus la pression des autorités gouvernementales et supranationales pour plus d’impact croît. Plus les attentes des investisseurs augmentent. Il ne fait pas oublier que nous sommes dans un processus où nous apprenons en faisant. Les déceptions potentielles doivent moins à de la mauvaise foi ou à de la tricherie qu’à un processus de formation et de constante adaptation à de nouvelles normes. C’est une courbe d’apprentissage pour tout le secteur de la finance.