Le point sur les réformes des marchés des capitaux en Europe, les programmes d’investissements dans les infrastructures en Allemagne ainsi que les relations de l’UE avec la Chine et Etats-Unis avec Robert Schramm-Fuchs, gérant de portefeuille au sein de l’équipe European Equities chez Janus Henderson Investors.
Quelles sont vos attentes concernant les actions européennes en général?
Les perspectives de marché à long terme pour l'Europe sont très positives. Le programme d'infrastructures annoncé en Allemagne en est une raison mais ce n’est de loin pas l’aspect le plus important. Nous voyons d'autres facteurs de surprise positifs ou moteurs beaucoup plus importants pour les actions européennes au cours des prochaines années. C’est pourquoi nous sommes haussiers pour l'Europe.
La raison principale est que la pression externe sur l'Europe est devenue extrêmement forte. Cette pression externe, qui s'exerce sur l'Union européenne et sur la Commission européenne, s'est massivement accrue afin de provoquer des changements positifs. Les changements positifs les plus important que nous voyons devraient tous avoir un impact favorable au cours des prochaines années. L’un de ces aspects est, par exemple, tout ce qui découle du rapport de Mario Draghi de l'année dernière. Ce rapport a eu alors très peu d'impact sur les marchés financiers mais il est maintenant à la base de nombreuses réformes fondamentales en Europe.
«Nous estimons qu'au moins 100 milliards d'euros de fonds propres de base (Common Equity Tier 1, CET1) sont indûment immobilisés dans les bilans des banques européennes, en raison d'une réglementation excessive.»
Pouvez-vous citer des exemples de ces réformes?
L'une des plus importantes a lieu en ce moment sur le marché de la titrisation. En Europe, environ 80% de tous les «funding needs», c'est-à-dire de tous les besoins de financement, sont couverts par des crédits bancaires. Le marché des capitaux ne joue qu'un rôle secondaire en Europe. Aux Etats-Unis, le pourcentage de crédits bancaires pour tous les besoins de financement est nettement inférieur.
En Europe, nous nous sommes plaints pendant des années de la réticence des banques à accorder des crédits, de leurs conditions très strictes, etc. Mais ce que nous avons oublié de dire, c'est que le marché de la titrisation – soit le marché où les banques peuvent réduire leur exposition à certains crédits en les revendant à d'autres banques, à des compagnies d'assurance, à des investisseurs financiers - était bloqué en Europe.
Pourquoi le marché de la titrisation était-il bloqué?
A cause de la réglementation européenne. La Commission européenne a lancé une consultation sur le marché de la titrisation entre octobre et décembre de l'année dernière. La Commission européenne a en fait admis qu'on avait exagéré en matière de réglementation.
C'est pourquoi le marché de la titrisation en Europe, qui représentait environ 2000 milliards d'euros en 2010, ne représente plus aujourd'hui que 1200 milliards d'euros - en raison de la réglementation. Et cela concerne aussi bien les réglementations en matière de due diligence, d'exigences de documentation que celles en matière d’exigences de capital. Bien que soit la principale source de financement pour toute l'Europe, le canal de sortie pour les financements a été sciemment bouché.
Le rapport Mario Draghi a repris ce sujet. Les gouvernements nationaux ont fait pression sur l'Europe et maintenant la Commission européenne est entrée en action en octobre de l'année dernière avec la consultation. Les résultats de la consultation ont été publiés en février. Les équipes de direction des banques avec lesquelles nous parlons, les CEO et les CFO du monde financier, nous disent qu'ils attendent maintenant des mesures de réforme concrètes.
Quand ces réformes devraient-elles être mises en place?
En principe maintenant, soit entre avril et juin de cette année au plus tard. L'objectif est de ramener le marché de la titrisation à sa taille de 2010. Cela représenterait 800 milliards d'euros de stimulus, lesquels seraient réinjectés dans l'économie européenne. Le produit intérieur brut de l'Europe atteint environ 17’000 milliards d'euros. Ce serait donc considéralbe de récupérer 800 milliards - rien que sur le marché de la titrisation - si nous voulons revenir à la taille du marché de 2010.
N'oublions pas non plus que le marché américain de la titrisation a continué de croître aux Etats-Unis. Cela montre le potentiel dont nous disposons en Europe si nous parvenons à faire redémarrer le marché de la titrisation, et l'ampleur de la stimulation indirecte qui pourrait être apportée au marché.
D'où viendra l'argent?
La bonne nouvelle, c'est qu’il s’agit de capitaux qui existent déjà ! C'est du capital qui est actuellement lié inutilement - du capital qui peut être libéré par la réglementation. L’impact de cette réforme serait plus important que le programme d’investissements dans les infrastructures allemand. En outre, ce capital proviendrait du secteur privé.
«Le plus grand risque serait que l'Europe s'oriente beaucoup plus vers la Chine, en raison de la pression des États-Unis.»
Y a-t-il d'autres facteurs qui soutiendraient l'économie européenne?
Le deuxième point qui nous rend optimistes tient à la Banque centrale européenne. En raison de la réglementation bancaire de plus en plus stricte, il y a un certain degré de double comptabilisation. On a ajouté une réglementation à une autre réglementation, ce qui fait que l’on a parfois compté deux fois les exigences en matière de capital. Selon les estimations de la Société Générale, ce sont environ 100 milliards d'euros qui sont prisonniers de cette double réglementation inéquitable.
Dans cette problématique de double comptabilisation, cela concerne-t-il surtout le marché obligataire?
Non, il s'agit de fonds propres. C'est un point très important à mentionner. Nous estimons qu'au moins 100 milliards d'euros de fonds propres de base (Common Equity Tier 1, CET1) sont indûment immobilisés dans les bilans des banques européennes en raison d'une réglementation excessive. Nous estimons que le déblocage de 100 milliards d'euros pourrait libérer plus de 700 milliards d'euros d'actifs pondérés en fonction des risques (RWA), qui pourraient alors être injectés dans l'économie européenne. Cela se base sur la pondération moyenne des risques pour les nouveaux prêts, à savoir que les banques européennes ont un ratio CET1 moyen de 13 à 13,5%, appliquée à l'ensemble du secteur.
C'est l'effet de levier que les banques peuvent prendre sur leurs fonds propres, avec lesquels on fait des affaires. Ce capital peut donc libérer encore 700 milliards d'euros, qui peuvent être injectés dans l'économie européenne. C'est donc une quantité énorme et il s'agit là aussi d'argent déjà disponible.
Le capital propre existe en effet dans les banques. C'est de l'argent qui est lié de manière improductive et qui attend de retourner dans l'économie libre. C'est un aspect déterminé par la réglementation européenne.
Un troisième point peut être mentionné. Il y a ce que l'on appelle l'initiative sur les marchés des capitaux en matière d'épargne (Capital Markets in Savings Initiative), qui est également poussée par la Commission européenne et par le rapport de Mario Draghi de l’an dernier. Le moteur ici est le suivant: l'Europe produit des excès d’épargne massifs.
Un taux d'épargne élevé est-il mauvais en soi?
Le taux d'épargne est extrêmement élevé en Europe. Nous avons un taux d'épargne de 15% en Europe. Aux Etats-Unis, le secteur privé a un taux d'épargne de 3 à 4%.
Cela signifie que nous sommes riches en Europe, que nous avons beaucoup d'épargne. Le problème, c'est que la plupart de ces montants épargnés sont investis de manière improductive. Ces économies vont souvent à l'étranger, c'est-à-dire probablement au Nasdaq, pour spéculer sur le cours des actions.
Cela représente environ 300 milliards d'euros qui sont investis chaque année dans les actions américaines.
«Les banques sont notre première ‘long conviction’. Notre deuxième ‘long conviction’ la plus élevée concerne la défense.»
Mais cela représente environ 1,2 trillion d'euros d’excès d’épargne, qui sont en grande partie placés de manière improductive en liquidités, ou sur des comptes courants immédiatement disponibles, et où ils ne rapportent tout au plus que très peu d'intérêts.
Cette initiative de la Commission européenne vise à investir ce capital de manière productive. Il y a deux défis à mon sens. Le premier est qu'il faut faire comprendre aux épargnants que les produits dans lesquels on veut qu'ils placent leur argent sont sûrs. Leur montrer que comme pour un compte bancaire, on a une certaine garantie de récupérer son argent. Deuxième chose dont on a besoin : il faut des avantages fiscaux pour inciter les gens à choisir de tels placements. La Commission européenne a terminé son processus, elle a dit qu’il s’agissait de bonnes mesures.
Il revient maintenant à chaque Etat membre de l'Union européenne de mettre ces changements en pratique. Pourquoi cela incombe-t-il aux Etats membres? Du fait que l'Union européenne ne prélève pas elle-même les impôts, ce sont les Etats membres qui les prélèvent. Cela doit donc être transposé dans le droit fiscal national. Et aussi parce que nous n'avons pas d'Union bancaire complète en Europe, il n'y a pas non plus de fonds de sauvetage ou de fonds de garantie des dépôts à l'échelle européenne, il n'y a que des fonds de garantie des dépôts nationaux. Cela signifie qu'il faut adapter ces règles en conséquence. Cela aussi prendra du temps.
Vous avez mentionné beaucoup de chiffres. Pourriez-vous encore récapituler ces ordres de grandeur?
Il y a ici un potentiel de 1,2 billion d'euros qui peuvent être injectés dans l'économie réelle. Pour résumer, nous avons donc un PIB de 17’000 milliards en Europe.
Nous avons une initiative concernant la sécuritisation du marché qui devrait rapporter environ 800 milliards d'euros à terme.
De plus, nous estimons qu'au moins 100 milliards d'euros de fonds propres de base (Common Equity Tier 1, CET1) sont indûment immobilisés dans les bilans des banques européennes en raison d'une réglementation excessive. Nous estimons que la libération de 100 milliards d'euros pourrait à son tour permettre de libérer plus de 700 milliards d'euros d'actifs pondérés en fonction des risques (RWA), lesquels pourraient être injectés dans l'économie européenne.
En comparaison, les montants annoncés concernant le programme d’investissement dans les infrastructures en Allemagne semblent presque modestes…
Il faut aussi tenir compte du programme d’investissement dans les infrastructures allemand de 500 milliards. Cela signifie que nous avons, en tout, un stimulus total de 3’200 milliards d'euros, qui seront réinjectés dans l'économie européenne au cours des 5 à 10 prochaines années, alors que le PIB de l'Europe est de 17’000 milliards d'euros. En d'autres termes, nous libérerions un stimulus de près de 20% dans l'économie européenne.
De plus, très peu de ces mesures sont intégrés dans les prix sur le marché des capitaux. C’est pour nous le grand avantage de l'Europe.
Pour autant que toutes ces réformes soient effectivement mises en œuvre...
J'analyse les actions européennes depuis plus de 21 ans maintenant. Et je n'ai jamais vu de réformes positives jusqu’à présent. Il s’agissait toujours de réformes négatives, de bureaucratie négative, d’une évolution fiscale négative. Cela a toujours été ce que l'on pourrait décrire comme un fardeau supplémentaire. Maintenant, c'est la première fois que les choses vont dans l'autre sens.
Pour l'instant, les marchés semblent être toujours largement préoccupés par le manque de visibilité dû au conflit commercial avec l'administration Trump.
A très court terme, le sujet de la guerre commerciale figure bien sûr toujours au premier plan – et avec lui la probabilité que nous tombions dans une récession, une récession économique mondiale. Nous pensons néanmoins qu'il est très probable qu'il y ait tôt ou tard un accord global entre l'Europe et les Etats-Unis.
Pourquoi un accord global?
Parce que les Américains ont besoin de nos 600 millions de consommateurs en Europe comme marché de vente. Et nous avons aussi besoin des Américains, parce qu'environ 25% de la performance économique de l'Union européenne dépend des Etats-Unis. Nous avons autant besoin des Etats-Unis qu'eux de nous. Et globalement, je pense qu'il ne s'agira pas seulement de tarifs, de relations commerciales, mais aussi de sécurité. Qui paiera combien pour la défense? Qui s’occupe de quelles tâches dans l'alliance de l'OTAN? Il s'agira également de définir des partenariats énergétiques. Comment l'Europe organisera-t-elle ses achats d'énergie à l'avenir? Combien de gaz liquide américain achetons-nous? Combien de gaz russe? Et quelle quantité essayons-nous d'acheter au Moyen-Orient ou d'autres sources? Ensuite, il s'agira probablement aussi de mettre à l'épreuve nos sanctions à l'égard de la Russie. Nous voyons que les Etats-Unis font de gros efforts pour qu’il y ait une paix avec l'Ukraine. Jusqu'à présent, les Européens ont toujours dit non et nos sanctions ne diminuent pas.
Je pense que ce sera également un thème des négociations. Et en fin de compte, les négociations porteront probablement aussi sur une sorte de réengagement, c'est-à-dire un nouvel engagement des Européens à utiliser le dollar américain comme monnaie de réserve ultime et comme monnaie commerciale ultime. Je pense donc qu'un accord global est nécessaire. Je suis très confiant quant au succès des discussions.
Comment analysez-vous les importantes fluctuations sur les marchés depuis avril?
Les mouvements dans un sens ou dans l’autre vont certes encore influencer les marchés à court terme. A court terme, nous nous trouvons plutôt dans une sorte de trading range, où nous avons peut-être même déjà atteint l'extrémité supérieure du trading range lors de la reprise récente. Et il est tout à fait possible qu'il y ait encore une deuxième rechute. Néanmoins, dans l'ensemble, il y a de fortes chances que cela se résolve bien et que ce soit une opportunité d'achat à long terme – en particulier une opportunité d'achat à long terme pour l'Europe.
En tant qu'investisseur, à quels événements ou aspects faut-il prêter une attention particulière en ce moment?
Il faut prêter une attention particulière aux différents courants qui existent en Europe. Car si le gouvernement américain parle d'une seule voix, en Europe, ce n'est pas aussi clair.
Nous avons vu par exemple que le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez s'est rendu en Chine en avril. Mais je pense que la Chine n'est pas notre avenir. Nous devons nous engager auprès des Etats-Unis. Nous ne pouvons pas continuer à jouer sur les deux tableaux. Les deux relations avec ces deux pays ne peuvent pas être aussi fortes l'une que l'autre. En ce sens, je dirais que le plus grand risque serait que l'Europe s'oriente beaucoup plus vers la Chine, sous la pression des Etats-Unis. Ce serait une grande erreur à long terme pour l'Europe. C'est pourquoi il faut garder à l'esprit qu'en Europe, le courant pro-américain doit l'emporter.
Sinon, l’Europe aurait de gros problèmes stratégiques. Nous serions alors un Etat dépendant de la Chine. Nous devons également être attentif au fait qu’il y a 450 milliards de dollars d'exportations annuelles de la Chine vers les Etats-Unis. Ces 450 milliards sont pour l'instant complètement exclus du marché américain. Ces 450 milliards vont se chercher un autre marché national. Qui peut se permettre de les acheter dans le monde? Seuls les Européens peuvent se le permettre.
Vous craignez donc une sorte d’inondation de produits chinois en Europe?
Si nous laissons entrer cette masse de produits en Europe, cela n'augure rien de bon pour notre industrie nationale, que ce soit pour l’automobile, la chimie, les machines, les investissements en équipement, etc. Ce sont tous des domaines où les Chinois sont très forts et où nous avons encore une industrie relativement bonne qui serait menacée. Nous devrons donc nous défendre contre la Chine. Cela ne plaira certes pas aux Chinois. Si nous ne nous défendons pas, nous aurons un problème en Europe, et si nous nous défendons, nous aurons un problème en Europe. C'est un exercice d'équilibre.
A long terme, le seul avenir se trouve dans ce que l’on appelle le nouveau Circle of Friends, ou quel que soit l’appellation qu'on lui donne: Commonwealth of United Interests, Commonwealth of the Western World. Nous devons nous y engager.
«Le pic de volatilité n'est pas nécessairement synonyme de point le plus bas sur les marchés.»
Nous avons connu le meilleur de la mondialisation en Europe au cours des dernières années. Mais nos problèmes sont aujourd'hui exactement les mêmes qu'aux Etats-Unis. L'Europe a désormais un déficit commercial substantiel avec la Chine, et ce depuis cinq ans. Même l'Allemagne, qui avait une balance commerciale équilibrée avec la Chine jusqu'en 2020 environ, a désormais une balance commerciale substantiellement négative avec Chine. Nos problèmes en Europe sont en fait les mêmes que ceux que les Américains ont avec la Chine. Nous devrions nous unir. Il n'y a pas d'autre solution. Si nous voulons survivre économiquement à long terme en Europe, nous ne pouvons pas le faire avec la Chine.
Y a-t-il des secteurs où vous pensez que les temps seront plus difficiles à l’avenir ou à l’inverse plus favorables?
Les deux secteurs ou industrie au sujet desquels nous sommes le plus optimistes sont les banques et la défense. Pour le premier, nous considérons les banques comme un mécanisme de transmission essentiel en Europe. Si 80% de l'ensemble de nos besoins de financement en Europe sont couverts par les banques, aucune réglementation, aucune politique ne peut être efficace à long terme contre les banques.
Toutes les mesures dont nous avons parlé au début, notamment celle concernant le marché de la titrisation, ne peuvent pas fonctionner sans les banques. On a besoin des banques. En outre, depuis plus de dix ans, nous n'avons connu en Europe qu'une augmentation des exigences en matière de capital, une augmentation de la réglementation. Depuis deux ans et demi, cela évolue latéralement. C'était d'abord pour s'assurer que nos banques pourraient résister à la prochaine crise financière. Ensuite, pour éviter la prochaine crise de l'euro. Puis, il y a eu le Covid, la guerre en Ukraine.
Il s'agissait toujours avant tout de garantir que nos banques puissent résister à la prochaine crise financière. Les exigences imposées aux banques n'ont fait qu'augmenter. C'est le premier point.
Le deuxième point est justement la fonction d'un mécanisme de transmission, où les banques sont essentielles et où les réglementations deviennent toutes positives.
Le troisième point est que les banques européennes affichent des valorisations attrayantes. Nous avons aussi un environnement de taux d'intérêt positif. Nous avons aussi une courbe de rendement de forme positive. C’est le cas notamment grâce à ces programmes d’investissement dans les infrastructures en Allemagne qui ont poussé les taux longs allemands vers le haut et, parallèlement, tous les autres taux longs en Europe vers le haut. Nous avons donc une bonne capacité d'emprunt des banques, en plus d'une bonne position de capital. Et pourtant, les banques se négocient actuellement à une valorisation nettement plus avantageuse que leur propre moyenne historique, que le marché européen dans son ensemble, que les compagnies d'assurance européennes et que les banques américaines. Cette disparité de valorisation n'a aucun sens pour nous.
Ainsi, les banques sont notre première «long conviction». Notre deuxième «long conviction» la plus élevée concerne la défense.
Pourquoi la défense ?
Parce que sur la base des estimations pour 2028, les entreprises actives dans la défense se négocient à un prix inférieur à celles qui produisent des biens industriels plus large, celles des «Capital Goods» au sens plus large. Cela n'a pas de sens, parce que pour les biens d'équipement, les perspectives sont très incertaines. Nous ne savons pas comment toutes les choses vont évoluer à court terme. En revanche, le secteur de la défense dispose de visibilité jusque dans les années 2030.
En général, il y a trop peu de visibilité pour les entreprises à cause du conflit commercial en ce moment. Comment y faire face?
Il est tout à fait possible que le différend commercial continue d’évoluer en faisant un pas en avant, un pas en arrière, jusqu'à ce que l'on parvienne à une solution. Mais nous devons être réalistes, les deux parties ont des intérêts très forts. Ce sont des négociations très complexes, des deux côtés – non seulement avec les États-Unis, mais aussi avec la Chine.
Il y aura des jours avec de bonnes nouvelles sur le marché. Mais il y aura aussi des jours avec de très mauvaises nouvelles sur le marché. Jusqu'à ce que tout cela soit probablement clarifié dans quelques mois, l'incertitude sur les marchés restera très élevée. Et cela signifie aussi qu’il y aura de l'incertitude dans l'économie réelle. Cette incertitude conduira à une retenue dans le secteur de la consommation, mais aussi à une retenue des grands investissements dans les équipements. Nous voyons les entreprises être prudentes d'une manière générale - elles vont d'abord examiner leurs dépenses d'un œil critique, réfléchir à ce qui a du sens et à ce qui n'en a plus.
Cela conduit à une sorte de retenue - qui n'est typiquement pas bonne pour l'économie dans son ensemble et en particulier pour les Consumer Discretionary, mais aussi pour les biens industriels.
Le troisième domaine dans lequel nous sommes prudents, ce sont toutes les entreprises ayant une exposition importante à la Chine. Jusqu'à présent, l'Europe ne s'est pas encore défendue contre le déferlement de produits chinois. Mais si l'Europe commence à se défendre, la Chine réagira immédiatement.
Lorsqu’on lit différents articles sur des blogs ou des sites financiers, depuis avril, il y a toutes sortes de conseils qui affirment que c'est le bon moment pour investir. Pensez-vous que c'est une bonne stratégie pour continuer à investir? Ou faut-il plutôt s'abstenir jusqu'à ce que les marchés se calment?
Je répondrais à cette question de deux manières. Premièrement, le pic de volatilité, tel que l'on a vu début avril, ne correspond souvent pas au point le plus bas sur les marchés boursiers. Il est normal qu'il y ait ensuite une phase où la volatilité se calme un peu, tout en restant élevée. Dans une perspective historique, la volatilité reste restée élevée, même si elle n'est plus aussi extrême qu'en avril.
Le pic de volatilité n'est donc pas nécessairement synonyme de point le plus bas du marché. En ce sens, d'un point de vue tactique, je serais peut-être prudent. D'un point de vue fondamental, je suis convaincu que les négociations seront compliquées des deux côtés. Cela va encore perturber les marchés pour l'une ou l'autre chose. Je ne serais donc pas surpris de voir des épisodes de volatilité dans les semaines à venir, durant lesquels les marchés pourraient subir un recul.
Globalement, je dirais que, dans le contexte historique, c'est le bon moment pour regarder l'Europe. Mais il faut savoir garder son souffle. Et il ne faut pas non plus mettre toutes ses cartes sur la table d'un seul coup. Il y aura d'autres possibilités qui se présenteront, je pense.
Que pensez-vous de l'annonce faite début juin par l'administration Trump de doubler les droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium, passant de 25 à 50%? Quel impact sur les négociations entre les Etats-Unis et l'UE?
La perspective que les Etats-Unis imposent à eux seuls des droits de douane de 50% sur les importations d'acier et d'aluminium en provenance de l'UE n'augmente pas de manière significative la probabilité d'une correction sur les marchés boursiers européens dans les mois à venir. Depuis le mois d'avril, les marchés boursiers européens ont connu un rebond exceptionnel et réalisé leur meilleure performance depuis des décennies - l'indice DAX atteignant un nouveau record. Le fait que les liquidités soient restées faibles pendant la reprise indique qu'une correction des cours sur les marchés ne peut pas être techniquement exclue. En même temps, nous restons optimistes quant au fait que l'UE parviendra finalement à un accord viable avec les Etats-Unis, même si la tactique de négociation des deux parties est source de grande incertitude et de confusion.