0DTE: la percée risquée de l’ultra-spéculation

Olivier Wurlod

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Encore limitées aux indices, les «Zero Day Options» pourraient bientôt s’étendre aux grandes capitalisations boursières comme Nvidia ou Tesla. Le point avec Valérie Noël, Banque Syz.

 

Les options à ultra-court terme, connues sous le nom de «Zero Day Options» (ou 0DTE), sont des options qui expirent le jour même de leur achat. Contrairement aux options classiques, dont la durée peut aller de quelques jours à plusieurs mois, ces 0DTE permettent aux investisseurs de miser sur les mouvements de marché sur des périodes très courtes. Pour le moment, elles portent principalement sur les grands indices boursiers, mais l’envie de les étendre aux grandes capitalisations boursières comme Nvidia ou Tesla se répand et pourrait se concrétiser en 2025. Avec quels risques? Le point avec Valérie Noël, responsable du trading à la Banque Syz.

Quels sont les avantages de ces fameuses «Zero Day Options»?

Utilisées principalement par des traders à haute fréquence (High Frequency Trading) et des «retail  investors» (particuliers), ces options offrent des perspectives de profit quasi-immédiat et relativement élevé, mais avec un niveau de risque tout aussi important. L’idée est d’exploiter les variations intrajournalières des indices pour générer des profits rapides – une tactique qui séduit particulièrement ceux qui cherchent à capitaliser sur des mouvements soudains.

Dès leur arrivée sur les marchés, ces options ont connu un énorme succès. Est-ce toujours le cas?

Depuis leur lancement en 2022, les 0DTE ont en effet rencontré un succès impressionnant, représentant parfois jusqu'à 50% du volume total des options sur le S&P 500, selon les données de JPMorgan. Ce succès se maintient encore aujourd’hui, bien que des nuances apparaissent. Par exemple, lors de la chute de 3% du S&P 500 le 7 août dernier, les investisseurs ont préféré les options à plus long terme, voyant dans ces dernières une protection plus fiable pour affronter une volatilité prolongée. La part des 0DTE dans le volume d’options a ainsi chuté à 26% pendant cette crise, contre une moyenne annuelle de 48%. Ce phénomène montre que, malgré leur popularité, ces options ultra-courtes ne sont pas considérées comme un outil de couverture idéal dans des conditions de marché stressées.

La crainte originelle était que la volatilité extrême de ces options vienne à perturber la bonne fonctionnalité des indices concernés. Verdict?

Les 0DTE sont intrinsèquement volatiles, et certains experts craignent qu’elles ne puissent, dans des circonstances spécifiques, affecter la stabilité des indices majeurs comme le S&P 500. Jusqu’à présent, les perturbations n’ont pas été aussi prononcées que certains l’avaient redouté, mais la prudence reste de mise. Certains analystes mettent en garde contre le potentiel de ces options à amplifier la volatilité en cas de crise de marché. Par exemple, la combinaison d’une forte adoption des 0DTE et d’autres produits comme les ETF 0DTE pourrait déclencher une crise de volatilité semblable au «Volmageddon» du 5 février 2018. Pour mémoire, cette journée fut marquée par une hausse soudaine de la volatilité des marchés ayant entraîné une perte de plus de 90% de la valeur de certains produits ETP à volatilité courte. En d’autres termes, si ces produits sont utilisés de manière disproportionnée dans des contextes de panique, ils pourraient aggraver les mouvements de marché au lieu de les stabiliser.

Aujourd’hui, on parle d’étendre ces actifs à des entreprises privées comme Nvidia ou Tesla. Est-ce vraiment une bonne idée?

Contrairement aux indices, qui sont diversifiés par nature, les actions de ces entreprises sont plus sensibles aux fluctuations soudaines. Les 0DTE appliquées à des actions individuelles pourraient augmenter significativement la volatilité de ces titres, surtout pour des entreprises déjà connues pour leur sensibilité aux mouvements de marché, comme Tesla. Un pic de volatilité pourrait entraîner une instabilité non seulement pour le cours de leurs actions, mais aussi pour la perception qu’en auraient les marchés – un facteur crucial pour les entreprises à forte capitalisation qui doivent maintenir la confiance des investisseurs et une certaine stabilité. Cela pose la question de la pertinence de proposer ce type d'options sur des titres individuels à risque élevé.

Existe-t-il des gardes-fous nécessaires pour éviter des répercussions sur les marchés et les sociétés ciblées? Ou faut-il absolument en créer?

Des mécanismes comme des limites sur le volume des transactions ou des restrictions en cas de volatilité élevée pourraient aider à prévenir des événements de type «flash krach» ou des fluctuations violentes qui pourraient nuire à la stabilité des marchés. Par ailleurs, les régulateurs pourraient envisager d’imposer des limites sur la quantité de 0DTE pouvant être échangées en période de volatilité extrême pour minimiser les risques d’effet boule de neige en cas de crise. Cela permettrait d’atténuer l’impact potentiellement déstabilisant de ces options sur les titres sous-jacents.

Alors que le court-termisme est déjà la cible de critiques, comment est perçue cette expansion de l’ultra-court-termisme?

Ce type d’option nourrit des stratégies centrées sur les gains rapides et accroît la volatilité, ce qui peut rendre les marchés plus fragiles. Les critiques estiment que cela accentue la spéculation excessive, au détriment d’une vision à long terme, posant des défis tant pour les entreprises que pour les investisseurs sur le long terme. En fin de compte, la perception de cette tendance vers l’ultra-court-terme est mitigée: elle répond aux besoins des spéculateurs mais inquiète ceux qui craignent que les marchés deviennent de plus en plus sujets à des instabilités.

Avec les «Zero Day Options», n’a-t-on pas ouvert la boîte de Pandore, source de futurs flash krachs dévastateurs sur les marchés?

Ces options, en raison de leur rapidité et de leur fort effet de levier, pourraient effectivement, dans certaines circonstances, déclencher des flash krachs. Par exemple, si une masse critique d’investisseurs décide de vendre ou de racheter des 0DTE dans un contexte de panique, cela pourrait entraîner des réactions en chaîne sur le marché. Avec la montée en puissance des technologies de trading haute fréquence, le risque d’effets boule de neige est accentué, ce qui souligne l’importance d’une réglementation et d’une surveillance accrues pour encadrer ces produits. Les autorités devront probablement examiner de plus près ce segment pour garantir que l’innovation ne compromet pas la stabilité globale du système financier.

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