Le Conseil fédéral veut privatiser PostFinance

AWP

2 minutes de lecture

Le gouvernement suisse souhaite que le bras financier de La Poste soit autorisé à octroyer des crédits et des hypothèques. L'ASB évoque «un pas dans la bonne direction».

PostFinance doit devenir une banque commerciale à part entière. Le Conseil fédéral veut privatiser la filiale de La Poste. Concrètement, le géant jaune ne devra plus détenir la majorité des voix et des actions de son bras financier. L’accueil du projet est mitigé.

Le Conseil fédéral souhaite que PostFinance soit autorisée à octroyer des crédits et des hypothèques. Pour ce faire, l’établissement doit être séparé du groupe Poste et privatisé, a indiqué mercredi le gouvernement. Avec des dépôts clientèle qui se montent à environ 120 milliards de francs, PostFinance est l’un des principaux établissements financiers de Suisse.

A l’origine, le Conseil fédéral avait proposé de lever l’interdiction pour PostFinance d’octroyer des hypothèques et des crédits et d’ouvrir son actionnariat. Mais lors de la consultation, une proportion importante des milieux concernés a estimé le projet inabouti.

Des doutes ont été exprimés, notamment au sujet de la constitutionnalité, de la neutralité concurrentielle, du fédéralisme et de la stabilité des marchés financiers. Toutes ces préoccupations sont liées au contrôle de l’Etat sur PostFinance.

Le Conseil fédéral a tenu compte des critiques. Il entend donc biffer de la loi l’exigence selon laquelle La Poste doit détenir la majorité des voix et des actions de PostFinance. Cela ouvrirait la voie à son développement en tant que banque commerciale à part entière axée sur le marché intérieur.

La Confédération en soutien

Cela suppose une révision des dispositions de la loi sur la poste (LPO) régissant le service universel. Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (Detec) d’élaborer cette année et en concertation avec le Département fédéral des finances (DFF) des propositions concrètes concernant l’évolution du service universel dans le domaine des services postaux et des services de paiement.

Enfin, le gouvernement a décidé d’ajouter une disposition qui permettrait à la Confédération de soutenir La Poste dans la mise en oeuvre de la législation «too big to fail». En tant que banque d’importance systémique, PostFinance doit satisfaire à des exigences accrues en matière de fonds propres.

En raison de leur capacité de rendement réduite, La Poste et PostFinance ne peuvent pas fournir dans les délais et intégralement les fonds propres supplémentaire exigés par le gendarme des marchés financiers (Finma).

C’est pourquoi la Confédération, en tant que propriétaire indirect de PostFinance, doit garantir qu’elle comblera le découvert restant de fonds propres en cas de faillite. Cette garantie de capitalisation devra être d’une durée et d’un montant limités et rémunérée aux conditions du marché.

Réactions mitigées

Les réactions ont été variées. Le Parti socialiste (PS) rejette le projet, souhaitant que l’établissement soit transformé «en une banque du climat au service du bien commun». Le parti estime que pour un service public fort, PostFinance doit rester à 100% en mains de La Poste. «Notre pays n’a pas besoin d’un géant bancaire supplémentaire qui ne s’intéresserait qu’à la maximisation de ses profits», a déclaré Valérie Piller Carrard, conseillère nationale (FR), citée dans un communiqué.

Pour le Parti libéral-radical (PLR) par contre, la privatisation de PostFinance est la seule et bonne façon de garantir une concurrence loyale sur le marché du crédit et des hypothèques, a expliqué Marco Wölfli, responsable de la communication du parti, à la demande Keystone-ATS.

Le Centre (ex-PDC) souhaite quant à lui que PostFinance présente une stratégie claire montrant l’avenir de l’entreprise avec et sans privatisation partielle. Sur cette base, le parti prendra ensuite sa décision pour ou contre.

L’Union syndicale suisse (USS) a pour sa part jugé «inacceptable» la privatisation. La Poste possède un mandat de prestations de base que le Conseil fédéral sape avec sa proposition, a écrit l’USS dans un communiqué. Une telle privatisation entraînerait la scission de l’ensemble du groupe de Swiss Post, a averti l’USS.

Quant à l’Union suisse des arts et métiers (Usam), elle a également rejeté ce projet qui «ne sert que les propres intérêts de PostFinance». L’Usam a estimé qu’il «ne s’agit pas d’une véritable privatisation», le Conseil fédéral étant obligé de combler les lacunes en matière de fonds propres. Le marché hypothécaire et du crédit en Suisse est suffisamment bien desservi et n’a pas besoin d’un nouvel acteur.

L’Association suisse de banquiers Swissbanking a par contre évoqué «un pas dans la bonne direction», dans une brève prise de position envoyée à AWP.

Les remarques des établissements cantonaux ont été prises en compte par le Conseil fédéral, a constaté l’Union des Banques Cantonales Suisses dans une réaction. L’accès au marché hypothécaire et des crédits doit être obligatoirement accompagné d’une privatisation, a ajouté la fédération. Cette dernière demeure cependant «sceptique» quant à la diversification régionale des acteurs financiers et la stabilité du secteur bancaire.

A lire aussi...