Réduire efficacement le coût fiscal français d’une transmission d’entreprise

Jean-Luc Bochatay & Jérôme Bissardon, FBT Avocats

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Le dispositif «Dutreil» présente un attrait indéniable dans la mesure où il permet de réduire jusqu’à 75% (et parfois au-delà) la charge fiscale inhérente à la transmission d’une entreprise.

La localisation en Suisse d’une entreprise et de ses actionnaires fait parfois oublier que des droits de succession et de donation sont dus en France, alors même que le défunt (ou le donateur) n’y est pas domicilié, mais qu’en revanche l’un de ses héritiers (ou un donataire) l’est. 

Une convention fiscale conclue entre la France et la Suisse en matière de mutation à titre gratuit était autrefois applicable pour réduire le champ d’application «extensif» du droit fiscal français. Dénoncée avec effet au 1er janvier 2015, une absence de préparation d’une transmission d’entreprise aux enfants peut désormais s’avérer lourde de conséquences, jusqu’à 45% de droits de succession!

Dans ce contexte, le dispositif «Dutreil» prévu par l’article 787 B du code général des impôts français («CGI») présente un attrait indéniable dans la mesure où il permet de réduire jusqu’à 75% (et parfois au-delà) la charge fiscale inhérente à la transmission d’une entreprise par succession ou donation.

Conditions d’application du dispositif «Dutreil»

Il s’agira pour un chef d’entreprise de souscrire, pour une durée minimale de deux ans, un pacte «Dutreil» pour lui-même et ses ayants cause à titre gratuit, seul ou avec plusieurs associés (représentant au minimum 17% des droits financiers et 34% des droits de vote pour les sociétés non cotées et 10% et 20% pour les sociétés cotées) en bénéficiant ainsi d’un abattement de 75% sur la valeur des titres de sociétés éligibles (industrielles, commerciales, artisanales, agricoles, libérales) susceptibles d’être transmises par succession ou donation.

Les bénéficiaires de la transmission s’engageront à conserver individuellement les titres pendant une durée de quatre ans à compter de l’expiration du pacte, lequel devra être en cours au moment de la transmission. Pendant la durée du pacte et durant les trois années qui suivent la transmission, l'un des signataires du pacte ou l'un des bénéficiaires devra exercer dans la société une fonction de direction éligible ou son activité principale selon le cas.

Même si aucune donation n’est envisagée à court ou moyen terme, la conclusion d’un «pacte Dutreil» sera une précaution très utile.
Economie du dispositif « Dutreil »

En cas de décès, le dispositif «Dutreil» limitera le coût fiscal maximal à 11,25% de la valeur vénale de l’entreprise en cas de transmission entre un parent et un enfant (contre 45% maximum sans le dispositif).

Une donation du vivant du chef d’entreprise, en pleine propriété, avec dispositif «Dutreil», permettra de réduire de moitié les droits lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-dix ans, soit un coût fiscal maximal de 5,63%.

Enfin, en cas de donation de la seule nue-propriété – le donateur se réservant l’usufruit – la combinaison d’un démembrement avec le dispositif «Dutreil» réduira encore plus drastiquement la pression fiscale!

Cas d’application du dispositif «Dutreil» dans un contexte franco-suisse:
  • En cas de transmission d’une entreprise française par un chef d’entreprise résidant en Suisse. Le dispositif n’est en effet pas réservé aux seuls résidents fiscaux français.
  • En cas de transmission d’une entreprise suisse ou située dans un autre Etat par un chef d’entreprise résidant en Suisse, dont l’un ou plusieurs de ses héritiers, légataires ou donataires résident en France. Le dispositif «Dutreil» est applicable aux titres de sociétés établies en Suisse. Il faut souligner que les conditions posées par le législateur français sont parfois complexes à satisfaire et nécessitent une analyse comparative pour s’assurer de la conformité des mécanismes prévus par la législation suisse avec ceux qui encadrent le dispositif «Dutreil».
  • En cas de transmission d’une entreprise suisse par un chef d’entreprise domicilié en France. La mise en place d’un pacte «Dutreil» sera tout aussi efficace pour réduire le coût fiscal en France. Il en sera de même en cas de transmission à titre gratuit des actions d’une société holding française ou suisse, interposée entre le chef d’entreprise et une filiale opérationnelle suisse. L’exonération sera alors appliquée à proportion de la valeur vénale des titres de cette filiale, sauf le cas plus avantageux de la transmission des titres d’une société «holding animatrice» – laquelle peut aussi bien être française que suisse.
En conclusion

L’anticipation de l’impact fiscal en France d’une donation ou d’une succession n’est pas qu’une préoccupation de résidents français dans un environnement «hexagonal», mais concerne tous ceux dont la situation personnelle, familiale ou patrimoniale constitue un facteur de rattachement d’imposition en France.

Même si aucune donation n’est envisagée à court ou moyen terme, la conclusion d’un «pacte Dutreil» sera une précaution très utile et permettra de réduire opportunément (et parfois même supprimer!) les droits de succession en cas de décès prématuré. Cette mesure participe ainsi à protéger les héritiers.

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