Retour sur terre après l’euphorie

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Le 10 ans au-dessus de 4%: pas surprenant  

En 2023, nous nous étions quittés mi-décembre avec une chronique intitulée «un effet gueule de bois en janvier?» et la mini correction des premiers jours de 2024 sur les taux US est, à nos yeux, tout sauf une surprise. En novembre et décembre (depuis le 23 octobre si l’on veut être très précis), les marchés obligataires étaient en apesanteur. Il y avait un peu de quoi car quand une grande banque centrale comme la Fed change brutalement de fusil d’épaule, cela fait réfléchir. En effet, en quelques semaines, Jerome Powell était passé d’une certitude, aucune baisse de taux en 2024, à une (grande) porte ouverte, sans doute trois baisses de taux cette année. Les marchés avaient donc conclu que si la Fed devenait aussi dovish, il y avait sans doute des raisons cachées et les trois petites baisses de taux envisagées à travers les dot-plots s’étaient transformées en 175bp de détente des Fed funds en 2024 dans les contrats Futures. Le 10 ans est donc passé au-dessous de 4% et a même franchi à la baisse le niveau de 3,8% entre Noël et la Saint-Sylvestre.

Une fois le passage de fin d’année passé (et les performances 2023 figées), les marchés se sont tout de même penchés sur les minutes du dernier FOMC et ils ont écouté quelques membres de la Fed qui lançaient un appel au calme en affirmant notamment qu’il fallait oublier l’idée d’un premier geste accommodant en mars. Ainsi, nous sommes redescendus sur terre après ce voyage en apesanteur et janvier risque bien de remettre un peu l’église au milieu du village avec un 10 ans logiquement de retour vers 4,2%. Les chiffres de l’emploi de vendredi n’ont pas permis de renverser la vapeur. Avec 216'000 créations d’emplois en décembre, contre 175'000 attendues, le marché de l’emploi américain est toujours en pleine forme avec un taux de chômage stable à 3,7%. La légère révision du chiffre de novembre, de 199'000 à 173'000, a été ignorée par les intervenants de marché. Pendant ce temps, l’activité économique était toujours aussi robuste et de plus en plus de voix s’élèvent pour prédire désormais un no-landing en lieu et place du soft landing qui était (et qui reste tout de même) privilégié par la majorité des investisseurs.

Lendemain de fêtes sur les crédits

Tout aussi logiquement, les marchés de crédits sont également redescendus de la stratosphère. Mais étant donné leur parcours des deux derniers mois, il y avait également de la place pour une mini-correction. A titre d’exemple, notre portefeuille crédits hybrides non-bancaires en euros a terminé l’année avec une performance de 9,5% grâce à des performances mensuelles de 2,4% en novembre et en décembre. Ces marchés ont besoin de trouver un second souffle. Comme dans l’Investment Grade, les opportunités s’offriront lorsque le marché primaire redémarrera. Sur un plan plus fondamental, les spreads de crédits n’ont pas particulièrement de raison pour s’écarter significativement. Comme sur les marchés de taux gouvernementaux, nous sommes juste allés un peu trop vite et un peu trop loin et un retour vers des niveaux plus raisonnables serait le bienvenu.

Il faudra faire attention aux performances des indices obligataires en 2024. Certains risquent de nous réserver des surprises du même ordre que sur les marchés actions en 2023 lorsque les «magnificent 7» ont provoqué des divergences de performances notables entre indices «market weighted», indices «equally weighted» et Asset Managers de renom et de talent. Revenons sur les hybrides en euros: si nous avons réussi à battre les indices en 2023, c’est notamment grâce à notre forte conviction d’éviter à tout prix le secteur des REITS. Depuis quelques jours, ce dernier rebondit sur une idée simple voire simpliste. Les marchés se disent que la récession imminente en Europe va forcer les banques centrales à basculer en politique ultra-accommodante. Des taux plus bas vont donc sauver la vie de quelques REITS (notamment suédois et allemands) et il est sans doute temps de reconsidérer certains noms. Notre opinion sur ces émetteurs n’a que très peu varié, en tout cas pour l’instant. Nous allons donc prendre le risque de dévier des indices en misant, comme toujours, sur la qualité et en évitant tout pari spéculatif. Même si cela doit nous coûter quelques points de base de performance à court terme, nous avons de la marge grâce à notre surperformance de 2023.

Nos black swans 2024

En ce début d’année, nous ne résistons pas au plaisir de jouer au jeu des black swans. Alors lançons nous avec quelques idées farfelues dont certaines pourraient se révéler prémonitoires:

  • Crise au Royaume-Uni: abandon du Brexit par référendum
  • Faillite de Bayer, empêtré dans les scandales liés au glyphosate
  • L’Argentine adopte le Bitcoin comme monnaie nationale
  • BCE: démission de Christine Lagarde qui se lance dans la course à l’Elysée suite à la décision d’Emmanuel Macron de provoquer des élections anticipées
  • Football: la Suisse gagne l’Euro 2024 (notre préféré!)

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