Chronique des taux de la banque Eric Sturdza

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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La semaine sera cruciale pour les taux.

Les matières premières font monter les taux

La semaine s’annonçait calme, avec un Bund et un 10 ans US respectivement à peine au-dessus de 0,5 et 0,8%. C’était sans compter sur le rebond des matières premières suite à la nouvelle vague de sanctions américaines contre la Russie. Ces sanctions ont fait bondir l’aluminium de 14,8% entre lundi et jeudi dernier. Le nickel a grimpé de 12,1% sur la même période alors que le palladium a «seulement» progressé de 7,4%. Le pétrole a suivi le mouvement avec un WTI passant de 65,5 à 69,5 dollars (+6,1%).

Ce spectaculaire rebond des matières premières a remis au goût du jour les scénarios inflationnistes et la crainte de voir un baril de brut atteindre le niveau de 80 dollars a refait surface. Dans ces conditions, les rendements des emprunts d’états ont intégré ces nouveaux éléments et, alors que les partisans du 10 ans US au-dessus de 3% commençaient à capituler, le taux du Treasury 2028 est passé de 2,81% à 2,99%. Le Bund, qui était brièvement passé sous la barre des 0,50% mercredi dernier a grimpé à 0,63%.

«L’aluminium a rebaissé de 9% et le 10 ans US
n’a pas franchi la barre symbolique des 3%.»

Puis, coup de théâtre hier quand les Etats-Unis ont déclaré renoncer à leurs sanctions contre le producteur d’aluminium Rusal à condition que l’oligarque actionnaire majoritaire de la société, lui-même sous sanctions, vende ses actions. L’aluminium a rebaissé de 9% et le 10 ans US n’a pas franchi la barre symbolique des 3%.

Rappelons que ce niveau est seulement psychologique, les spécialistes obligataires scrutant plutôt le niveau-clé de 3,0516% atteint le 2 janvier 2014.

Des statistiques économiques à surveiller

Le début de semaine avait été favorable aux taux allemands avec la publication d’un indice ZEW très décevant, marqué par la chute brutale de la composante «expectations» de 5,1 à -8,2 (alors que le consensus attendait -1), niveau le plus bas atteint depuis fin 2012. Les craintes de chute de l’activité due à la guerre commerciales ne sont pas un vain mot outre-Rhin. Pour en savoir plus, nous scruterons avec la plus grande attention la publication de l’indice IFO ce matin à 10 heures.

«L’activité économique outre-Atlantique
est souvent imprévisible au premier trimestre.»

Du côté des Etats-Unis, la publication du PIB du premier trimestre vendredi à 14 heures 30 sera riche d’enseignements, même si nous savons tous que l’activité économique outre-Atlantique est souvent imprévisible au premier trimestre. Elle est souvent influencée (en bien ou en mal selon les années) par les conditions météorologiques et il est dangereux d’en tirer des enseignements valables pour les trois prochains trimestres.

Il n’en reste pas moins vrai que si ce chiffre est bon, nous dirons «ce qui est pris est pris» et s’il est décevant, ce sera un retard à rattraper d’ici la fin de l’année, ce qui n’est jamais bon.

Le Président Trump à la rescousse des marchés obligataires?

Par deux fois, en une semaine, le Président des Etats-Unis s’est exprimé sur des thèmes économiques et géopolitiques. Tout d’abord, il a révélé qu’il ne souhaitait pas que les sanctions contre la Russie soient trop dures. Elles ne doivent pas selon lui mettre la Russie à genoux car une récession provoquerait une panique sur les marchés émergents, un retour de la volatilité sur tous les marchés et une crainte de ralentissement mondial.

Le revirement soudain des Etats-Unis sur le cas Rusal hier après-midi est sans doute la conséquence de deux phénomènes, la réaction des marchés et la prise en compte des critiques de Messieurs Trump et Macron qui craignent que les occidentaux aillent trop loin.

«Le Président Trump a mis en garde l’OPEP
contre un jeu dangereux.»

Le Président Trump a également déclaré que les prix du pétrole doivent se stabiliser et a mis en garde l’OPEP contre un jeu dangereux. Un baril en hausse ferait pourtant l’affaire des Etats-Unis qui cherchent à éviter un ralentissement économique en 2019-2020 et soulagerait la Russie qui, grâce aux revenus tirés du pétrole, maintiendrait son économie à flot en attendant la levée des sanctions.

La prudence de la BCE au cœur des débats

Cette semaine folle pour les taux et les matières premières a fait passer au second plan une information que nous estimons pourtant de première importance. Une majorité d’économistes interrogés par Bloomberg estime que la Banque Centrale Européenne songerait à ne pas stopper son programme d’assouplissement quantitatif en septembre. La raison principale serait la crainte de répercussions négatives de la guerre commerciale sur l’activité économique en Europe, à mettre sans doute en relation avec le niveau de l’indice ZEW.

Il est peu probable que Monsieur Draghi donne des indications claires jeudi mais nous serons attentifs à toute inflexion dans son discours. Ce qui est probable c’est que la communication de la BCE sur son calendrier soit repoussée du 14 juin au 26 juillet. Aujourd’hui, le consensus s’attend toujours à un arrêt des achats mensuels avant la fin de l’année, à une hausse du taux de dépôt au deuxième trimestre 2019 et à une hausse du taux Refi au troisième trimestre 2019.

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