Perspectives T1 de Saxo Bank: des modèles économiques obsolètes

Saxo Bank

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Pour Steen Jakobsen, «l’économie réelle n’est pas assez développée pour satisfaire les ambitions de la politique fiscale et monétaire, de la transformation verte et de la numérisation mondiale.»

Saxo, spécialiste du trading et de l’investissement en ligne, a publié aujourd’hui son Quarterly Outlook T1 2023 pour les marchés mondiaux, ainsi que ses principales idées de trading concernant les actions, le marché des changes (FX), les devises, les matières premières, les obligations et toute une série de thèmes macroéconomiques centraux ayant un impact sur les portefeuilles des clients.

Les modèles économiques et les hypothèses de fonctionnement des cycles du marché tablaient sur une récession aux États-Unis vers la seconde moitié de 2022. Il n’en a rien été, et le pays connaîtra probablement un «atterrissage en douceur» ou une légère récession. Dans ses perspectives trimestrielles, Saxo se demande si nous allons renouer avec les standards économiques mondiaux d’avant la pandémie et l’invasion de l’Ukraine, ou s’il est temps de s’adapter à un nouveau paradigme et d’abandonner des modèles obsolètes.

En effet, il est nécessaire de se détourner de l’économie numérique immatérielle au profit de l’économie réelle. Steen Jakobsen, directeur des investissements chez Saxo, déclare: «Dans le S&P 500, 90% de la valeur du marché est constituée d’actifs incorporels. Cela signifie que l’économie réelle n’est pas assez développée pour satisfaire les ambitions de la politique fiscale et monétaire, de la transformation verte et de la numérisation mondiale.

«Au premier trimestre, nous pensons qu’il faut se concentrer davantage sur la construction d’infrastructures, la production d’énergie moins chère et écologique, et l’amélioration de la productivité.

«L’économie réelle sera boostée par le revirement du président XI sur la politique zéro COVID, les entreprises de technologie et le logement. Ce changement de politique, peut-être l’événement le plus important de 2023, se traduira par un soutien renouvelé aux dépenses budgétaires – dont une grande partie dans les infrastructures – et au crédit immobilier, une augmentation des bilans des banques publiques et une réouverture de l’économie.

«Toutefois, les mois à venir seront probablement encore dominés par une situation fluctuant entre atterrissage en douceur et récession. Les modèles sont obsolètes, mais avant de changer, nous verrons probablement le marché s’établir encore selon un cycle «extend et pretend» (prolongement du statu quo en faisant semblant) au premier trimestre.»

Changement de phase douloureux pour les actions

En 2022, nous avons vu les entités prospères de la mondialisation entrer dans un changement de phase inconnu. Ce qui les attend de l’autre côté est difficile à prédire, mais Saxo est d’avis que ce qui a été fructueux pendant la mondialisation le sera moins dans un monde déterminé par la géopolitique, de plus en plus bipolaire et régi par deux systèmes de valeurs différents. Les modèles obsolètes, qui fonctionnaient très bien jusqu’à présent, seront mis à mal à l’avenir.

Peter Garnry, chef stratégiste en actions chez Saxo, déclare: «La numérisation – une force dominante sur les marchés des actions depuis la crise financière mondiale – a marqué le pas depuis les vaccins contre le COVID-19. La réouverture plus rapide que prévu a relancé la demande dans le monde réel. Les industries axées sur les actifs corporels en sont maintenant à leur troisième année de surperformance par rapport au secteur des biens immatériels. Et cette tendance ne fait que commencer.

«Les actions américaines vont également perdre leur domination sur leurs homologues européennes. Avec la démondialisation qui s’accélère, la guerre en Ukraine qui amplifie la crise énergétique et un monde qui a besoin d’actifs corporels, l’Europe a tout à gagner de cette évolution. Les marchés des actions européens comptent beaucoup plus d’entreprises qui prospéreront dans ce nouvel environnement, dans les domaines des technologies vertes, de l’exploitation minière, de l’automatisation, de la robotique et des composants industriels de pointe.

«Les entreprises qui sont préparées à des taux d’intérêt plus élevés, à un réajustement des salaires et à une inflation élevée sont celles qui fourniront un rendement élevé du capital d’investissement ou une marge d’exploitation élevée, combinés à des valorisations moins excessives des actions. «Au niveau national, les pays axés sur l’exportation, tels que l’Allemagne, la Corée du Sud et surtout la Chine, qui ont connu le succès au cours des décennies précédentes, commenceront probablement à perdre du terrain au profit de pays comme l’Inde, le Vietnam et l’Indonésie, ainsi que de régions comme l’Europe centrale, l’Europe de l’Est et l’Afrique du Nord, où l’industrie manufacturière trouve de nouveaux foyers.

«Les pays situés au sud du Sahara auront également le vent en poupe grâce à un boom des investissements dû à la soif d’énergie et de matériaux de l’Europe, la Russie étant exclue de l’équation. Plus près des États-Unis, le Mexique bénéficiera de l’industrie manufacturière et certains pays d’Amérique du Sud profiteront du cycle exceptionnel des matières premières.»

La réouverture de la Chine signifiera une nouvelle année faste pour les matières premières

Un trading prudent et défensif – à quelques exceptions près – caractérise au mieux le cours marché des matières premières début 2023; une année qui, espérons-le, sera moins dramatique et moins volatile que la précédente, au cours de laquelle l’indice Bloomberg Commodity Total Return s’est envolé pour enregistrer un gain de 38% au premier trimestre, avant de baisser pendant le reste de l’année et de clôturer sur un gain de 16%. Ce rendement était somme toute très respectable compte tenu de la hausse du dollar et de la crainte d’une récession qui n’a cessé de croître parmi les acteurs du marché tout au long du second semestre.

«L’événement macroéconomique clé qui déterminera l’évolution en 2023 s’est déjà produit. Le brusque changement de cap du gouvernement chinois, qui s’éloigne de sa tolérance zéro COVID pour rouvrir et relancer son économie, aura un impact majeur sur la demande de matières premières à un moment où l’approvisionnement de plusieurs matières premières clés, de l’énergie aux métaux en passant par l’agriculture, reste tendu», déclare Ole Hansen, chef stratégiste en matières premières chez Saxo.

«En outre, la propension au risque sera probablement soutenue par une baisse continue et généralisée du dollar, alors que l’inflation américaine continuera de s’atténuer, favorisant ainsi un nouveau ralentissement de la trajectoire de hausse des taux de la Fed.

«De plus, la probabilité croissante d’une récession qui ne se concrétiserait pas ou serait plus faible que prévu pourrait également déclencher une réaction des négociants de produits financiers et de matières premières, avec une reconstitution des positions et des stocks en prévision d’une demande plus forte.

«La hausse des prix dans le secteur des matières premières se poursuit et, même si elle va ralentir, l’offre des matières premières clés peinera à répondre à la demande pendant plusieurs années. Dans cette perspective, nous tablons sur une autre année positive pour les matières premières, qui se traduira par une hausse de plus de 10% de l’indice Bloomberg Total Return.»

L’euro et le yen pourraient s’avérer les valeurs refuges les plus sûres au premier semestre de l’année

Le quatrième trimestre a été marqué par un recul massif du dollar, le marché n’ayant pas tenu compte de la tentative de la Fed de maintenir le taux directeur «plus haut plus longtemps», ce qui a profondément inversé la courbe des taux américains. Pendant ce temps, la BCE a rattrapé son retard dans son cycle de resserrement et le yen a rebondi de façon spectaculaire lorsque la Banque du Japon s’est jointe au mouvement de resserrement au moment même où les autres banques centrales tentaient de l’interrompre. Le yuan chinois a également remonté la pente après un revirement politique désorientant.

John Hardy, chef stratégiste Opérations de change chez Saxo, commente: «L’année 2023 risque d’être difficile pour les devises si le marché baissier du dollar ne parvient pas à poursuivre son cours linéaire, avec l’euro et le yen qui pourraient surperformer.

«En ce début d’année, nous constatons que le marché croit de plus en plus à une issue désinflationniste pour les États-Unis. Malgré la stratégie persistante de la Fed «plus haut plus longtemps» et le fait que le FOMC ait placé la prévision médiane des taux des Fed Funds au-dessus de 5% pour cette année lors de sa réunion de décembre 2022, le marché est heureux de continuer à revoir à la baisse les attentes de la Fed d’ici la fin de l’année.

«Toutefois, Saxo estime qu’il est très improbable que le contexte désinflationniste puisse persister longtemps dans un monde en proie au sous-investissement qui s’efforce de s’affranchir des chaînes d’approvisionnement fragiles et mondialisées, de moderniser et de verdir son système énergétique et de s’armer pour faire face aux nouveaux impératifs de sécurité nationale.

«Ainsi, la croissance nominale ne ralentira que légèrement et accélérera à nouveau grâce au rebond de la demande de matières premières, à mesure que la Chine amorcera sa reprise. Dans l’intervalle, le dollar pourra connaître de temps à autre de forts rebonds si le marché doit reconsidérer la trajectoire attendue de la Fed l’année prochaine et si cet ajustement entraîne de nouveaux marchés baissiers pour les actifs risqués, notamment les actions américaines.

«Pour une liquidation durable du dollar, il faudrait un apport de liquidités par la Fed et un rebond mondial de la propension au risque, le second étant aussi important que le premier. Au cours des deux derniers cycles, les grandes liquidations du dollar n’ont eu lieu que lorsque la Fed a fourni des liquidités massives après une crise mondiale. Or, la Fed poursuit le resserrement.

«Une décélération des bénéfices des entreprises et les craintes de récession pourraient permettre au dollar de redevenir ici et là une valeur refuge au cours du premier semestre, même s’il n’atteint pas le sommet du cycle. À plus long terme, bien au-delà du premier trimestre, lorsque l’inflation reprendra, en dépit d’une éventuelle crainte de croissance à court terme et de l’actuelle baisse trompeuse de l’inflation, le dollar pourrait finalement baisser de manière significative, la Fed devant fournir des liquidités pour assurer un bon fonctionnement du marché des bons du Trésor, sans réduire significativement les taux voire même sans les réduire du tout. Pensez assouplissement quantitatif sans politique de taux d’intérêt zéro – un nouveau paradigme qui brise l’ancien modèle.»

La crise de l’énergie et les travailleurs pauvres caractérisent toujours une Europe en panne

La baisse des prix de l’énergie, l’absence de pannes d’électricité (résultant à la fois de la diversification de l’approvisionnement énergétique et de meilleures conditions météorologiques) et la résilience des données (notamment en Allemagne) poussent les prévisionnistes à revoir leurs prévisions de récession pour 2023. Le consensus sur le PIB de la zone euro pour 2023 passe de - 0,1% à 0,0% – un relèvement timide mais significatif. Christopher Dembik, chef analyste en macroéconomie chez Saxo, déclare: «Nous avons été trop pessimistes à propos de la zone euro».

«Chez Saxo, nous ne sommes pas aussi optimistes que certains. Cependant, nous sommes convaincus que la zone euro pourrait éviter une récession cette année avec un objectif de croissance du PIB avoisinant 0,3 ou 0,4%.

«Dans l’ensemble, nous pensons que le consensus était et reste trop pessimiste quant à la croissance du PIB de la zone euro en 2023. Ceci étant, l’Europe est toujours en panne.

«La crise énergétique reste un risque majeur pour l’hiver prochain – l’UE étant toujours réticente à l’énergie nucléaire et incapable d’avancer rapidement sur le projet de réforme du marché de l’électricité.

«Alors que la BCE prévoit une augmentation substantielle des salaires, nous constatons qu’en réalité, les travailleurs s’appauvrissent dans la plupart des pays. Plusieurs entreprises qui ont bénéficié des périodes anormales de taux d’intérêt négatifs vont à présent faire face à la réalité et beaucoup d’entre elles vont probablement faire faillite.»

Réparation du moteur de croissance en panne de la Chine

Les tentatives de la Chine de consolider son économie via la levée des restrictions liées au COVID, un soutien au secteur immobilier, la fin de la répression contre les sociétés de plateformes Internet et les tentatives de dégeler ses relations avec ses principaux partenaires commerciaux, augurent une reprise du cycle d’impulsion du crédit. «Les impacts combinés tendent à soutenir de nouveaux rebonds des actions chinoises au premier trimestre et à apporter un soutien aux matières premières et à la croissance mondiales», déclare Redmond Wong, stratégiste marché chez Saxo.

«Comme indiqué dans nos prévisions pour les troisième et quatrième trimestres 2022, la Chine a changé de paradigme dans son développement économique, se détournant du modèle à forte intensité de main-d’oeuvre, énergivore et axé sur l’exportation qui a constitué son épine dorsale au cours des décennies précédentes au profit des industries à forte valeur ajoutée, de l’autonomie et de la puissance nationale globale.

«Avec la paralysie de la croissance économique, le remise en état et la relance du moteur économique ont entraîné une rapide volte-face des politiques. En novembre 2022, les autorités sanitaires chinoises ont assoupli les directives nationales relatives aux mesures de lutte contre la pandémie, et décidé une série d’autres assouplissements ainsi que l’abandon subséquent de la politique zéro Covid dynamique en décembre 2022.

«Les investisseurs font abstraction à juste titre de l’onde de choc initiale de la pandémie de coronavirus à travers le pays en décembre et en début d’année, et regardent la réaccélération subséquente des activités économiques et de l’expansion du crédit. Les arguments en faveur des actions chinoises au premier trimestre sont solides.»

Les institutions pourraient sauver les cryptomonnaies avant que l’activité de détail ne disparaisse

Ces dernières années, les défenseurs du marché des cryptomonnaies n’ont cessé d’annoncer la participation sérieuse imminente des institutions. Le rejet de la cryptomonnaie largement répandu jusqu’en 2020 a pris fin avec l’arrivée d’institutions respectées, négociant le marché elles-mêmes, le proposant à leurs clients et, dans certains cas, exécutant diverses transactions directement on-chain.

«Bien que ce soit un pas dans la bonne direction, l’intérêt institutionnel pour les cryptomonnaies reste somme toute modeste et dominé par un petit nombre d’institutions. Par conséquent, il est peu probable que des institutions arrivent en force à court terme et compensent la sortie de la cryptomonnaie des particuliers, notamment pour les cryptomonnaies plus petites et moins liquides», explique Mads Eberhardt, analyste en cryptomonnaies chez Saxo.

«Néanmoins, la baisse de l’activité de détail peut conduire le marché vers un modèle moins spéculatif mais plus robuste et durable à long terme, même si la plupart des cryptomonnaies pourraient ne pas survivre au lessivage de l’activité spéculative. Afin de créer un modèle durable pour que le marché prospère à l’avenir, les cryptomonnaies doivent revenir à leurs racines en offrant des cas d’usage décentralisés uniques et devenir des actifs économiquement plus durables.

«Sur ce dernier point, l’année dernière a été encourageante en démontrant que les cryptomonnaies pouvaient être des actifs économiquement durables et générer des rendements de type dividendes, suite à la transition d’Ethereum de la preuve de travail vers la preuve d’enjeu l’année dernière.

«Espérons que d’autres cryptomonnaies et jetons suivront les traces d’Ethereum et se transformeront en actifs économiquement plus durables, réduisant ainsi la spéculation.»

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