Le défi de l’électrification: l’exemple de la France

Bruno Allain, Quaero Capital

2 minutes de lecture

Chaque pays se trouve face à un double défi: décarboner son mix électrique tout en augmentant sa capacité de production afin de répondre à la demande née de l’électrification.

Entre autres transformations, la transition énergétique impliquera l’électrification d’un nombre croissant d’usages. Pour que cette évolution ait un sens, il faudra que l’électricité utilisée ait été produite sans recourir aux énergies fossiles. Chaque pays se trouve dès lors face à un double défi: décarboner son mix électrique tout en augmentant sa capacité de production afin de répondre à la demande née de l’électrification. Ce deuxième point est loin d’être anecdotique comme l’illustre le cas de la France.

RTE tire (déjà !) le signal d’alarme

Il y a tout juste un an paraissait «Futurs énergétiques 2050», document de référence qui a contribué au revirement pro-nucléaire du gouvernement et d’une partie de l’opinion publique.

En juin dernier, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français (RTE) a publié un rapport  qui, sans verser dans le catastrophisme, souligne l’immense défi qui attend le pays. Le rapport confirme la hausse des besoins futurs et souligne que l’augmentation de la demande d’électricité risque d’être encore plus forte qu’anticipée d’ici 2035, ce qui «implique d’activer de manière simultanée l’ensemble des leviers disponibles».

Révision à la hausse de la consommation d’électricité attendue en 2035 en France

Plusieurs facteurs justifient le relèvement de la prévision de consommation d’électricité:

  • Une accélération notable du rythme de l’électrification dans le domaine de la mobilité mais également du chauffage (fort développement des alternatives aux chaudières à fioul et au gaz)
  • Des prévisions plus ambitieuses au niveau de la mobilité lourde (camions, fret, etc.)
  • Une demande plus importante que prévue du côté de l’industrie justifiée par l’électrification des processus mais aussi par la relocalisation (dans un souci de souveraineté et d’indépendance accru)

RTE anticipe désormais une demande comprise entre 580 et 640TWh en 2035, contre une consommation française de 460TWh l’an passé, soit une hausse supérieure à +2%/an sur la période. Si ce pourcentage peut sembler faible, il s’agit en réalité d’un taux de croissance qui n’a plus été atteint depuis les années 80. Faire face à cette demande constituera un redoutable défi industriel.

Comment la France pourra-t-elle répondre à cette hausse de la demande?

RTE insiste sur le fait que la France a les moyens d’alimenter les besoins électriques croissants d’ici 2035 par une production quasi-intégralement bas carbone. Deux leviers permettront d’atteindre cet objectif:

  1. L’augmentation de la production nucléaire notamment via une remontée du taux d’utilisation et l’extension de la durée de vie du parc existant (les projets de nouveaux réacteurs annoncés récemment ne participeront pas à la production avant 2035)
  2. L’accélération du rythme de développement des renouvelables, dont la production devra au moins doubler d’ici 2035. D’ici la fin de la décennie, c’est principalement de l’éolien terrestre et du solaire que viendra la hausse, tandis qu’au-delà de 2030, l’éolien offshore prendra le relais

RTE note qu’augmenter la production électrique ne suffira vraisemblablement pas à faire face à la hausse de la demande et que la sobriété et l’efficacité énergétique devront également gagner du terrain.

De nombreux pays font face aux mêmes problématiques

En Belgique, le gestionnaire du réseau Elia a publié quelques jours après RTE un rapport aux conclusions similaires  et note que «l’électrification de la société se produit à la fois plus tôt et plus rapidement que prévu». Le même jour, Engie a annoncé avoir signé un accord avec le gouvernement pour redémarrer deux centrales nucléaires fermées, dans le but de renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité.

La même semaine, la Suède a abandonné son objectif de mix «100% renouvelables» pour évoluer vers un objectif «100% décarboné» (100% fossil-free). Un changement sémantique qui annonce un retour au premier plan du nucléaire dans le mix et une petite révolution pour un pays qui avait planifié sa sortie du nucléaire dès 1980.

Conclusion: l’électrification fait déjà bouger les lignes

Dans les pays où cette source d’énergie joue un rôle, le regain d’intérêt pour le nucléaire se traduit désormais dans les faits.

Dans le même temps, les gestionnaires de réseaux de transmission alertent aussi les pouvoirs publics et l’opinion sur le besoin d’augmenter le rythme du développement des renouvelables et d’investir dans les réseaux électriques eux-mêmes et les capacités de stockage.

Autant de thématiques qui recèlent nombre d’opportunités d’investissement pour le court comme le très long terme.

A lire aussi...