La guerre de l’octroi a bien eu lieu

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Déficit commercial dégradé, prix des produits importés en hausse, les consommateurs US paient la note de la guerre commerciale de Trump.

Avec un trou de 59,8 milliards de dollars en décembre, l’Amérique affiche un déficit commercial record de 621 milliards pour l’ensemble de l’année 2018, dont les deux tiers avec la Chine (419,2 milliards). C’est le pire résultat depuis une dizaine d’années. En cause, les échanges de marchandises qui, à eux seuls, creusent un trou de 891,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 10% par rapport à 2017. Au total, le déficit américain des échanges extérieurs s’établit à 3% du PIB, contre 2,8% en 2017. Pour le Président qui avait fait de la réduction des déficits commerciaux le cœur de sa campagne, c’est un échec cinglant et qui n’étonnera personne. Car la politique économique et la guerre commerciale de Donald Trump en sont bien directement responsables.

Tout d’abord, la conjoncture économique américaine et l’appréciation du dollar ont favorisé les importations américaines, tandis que la demande mondiale, notamment chinoise, ralentissait. La balance commerciale des Etats-Unis reflète ainsi leur différentiel de croissance avec le reste du monde. Le financement de la croissance à coup de déficits publics, ne fait qu’aggraver cette tendance. La balance commerciale résulte de la somme de l’épargne face aux besoins de financements de l’économie. La structure industrielle et commerciale des Etats-Unis favorise les importations de marchandises, tandis que la balance des services, bien qu’excédentaire, ne couvre pas ces dépenses.

La menace, avant même sa mise en œuvre effective, a provoqué
un afflux de commandes de la part des importateurs.

Il ne fait aucun doute que la politique commerciale du Président Trump, est directement responsable de cette dégradation: la menace, avant même sa mise en œuvre effective, d’une augmentation des tarifs douaniers sur des produits comme l’acier ou l’aluminium, a provoqué un afflux de commandes de la part des importateurs, inquiets de constituer des stocks au meilleur prix. Ainsi a-t-on assisté en début d’année à une envolée artificielle des prix de l’aluminium sur les marchés mondiaux.

Allons plus loin encore, le protectionnisme tarifaire est nocif et détruit de la valeur. Le CEPR (Center for Economic Policy Research1) vient de rendre publiques ses premières conclusions sur l’impact des hausses de tarifs douaniers imposées par l’Administration Trump. Le verdict est sans appel: ce sont bien les consommateurs américains qui ont payé la note. D’ailleurs ceux des pays qui ont fait de même à l’égard des produits américains ont encouru les mêmes conséquences.

Faisons le point: au cours de l’année écoulée, les Etats-Unis ont appliqué une surtaxe de 10% à 50% sur un peu plus de 280 milliards de dollars de produits importés. De leurs côtés, les partenaires commerciaux de l’Amérique, essentiellement la Chine, ont répliqué en imposant une hausse moyenne de 16% de surtaxes sur environ 120 milliards de dollars de produits américains. Ces mesures tarifaires sont les plus importantes mises en œuvre depuis la loi Smoot-Hawley de 1930, de triste mémoire, qui avait déclenché des fermetures tarifaires en cascade.

Les canaux de transmissions
de la guerre tarifaire sont multiples.

Les mêmes causes produisent bien les mêmes effets: les consommateurs des pays concernés payent la note. Les canaux de transmissions de la guerre tarifaire sont multiples. Les prix des catégories de produits concernés augmentent. La hausse de ces prix peut soit les éliminer du marché, quand les importateurs sont à la recherche de substituts, soit juste limiter l’offre disponible et renchérir tous les prix. La théorie suggère que les consommateurs sont bien directement touchés. La statistique le confirme. Dans le cas particulier des échanges avec la Chine, l’étude citée signale aussi que les groupes américains fortement implantés dans l’Empire du Milieu, subissent directement le contrecoup de ces modifications des chaînes d’approvisionnement. Car une bonne partie des productions du pays sont réexportées. Ceci risque de se traduire par des fermetures d’usines ici, des investissements ailleurs. Aux Etats-Unis? Pour certains producteurs peut-être, mais cela reste marginal.

Le CEPR estime ainsi que la hausse des tarifs douaniers a coûté aux américains 6,9 milliards de dollars sur les 11 premiers mois de 2018. A supposer que, grâce à ces hausses, le secteur manufacturier ait recréé 35’400 emplois (soit le nombre perdu dans les seules industries de l’acier et de l’aluminium au cours des 10 dernières années), le coût moyen par emploi serait de 195’000 dollars, soit bien au-delà d’un salaire de 52’500 dollars. Et quand bien même les tarifs douaniers permettraient de collecter plus de taxes pour le gouvernement, ou que les négociations en cours d’augmenteraient les royalties versées pour les transferts de technologies, l’étude conclut à une perte nette pour les consommateurs américains, par la hausse des prix, et la moindre distribution de valeur.

La politique du Président Trump a donc fourni une vérification empirique à la théorie: le protectionnisme tarifaire aboutit à une perte de richesse. Mais il y a loin de la statistique à la croyance. Beaucoup continueront de penser qu’il n’y a pas d’autre moyen pour se «protéger» et préserver sa richesse.

 

1 «The impact of the 2018 trade war on US prices and welfaire» Mary Amiti, Stephen J. Redding, David Weinstein

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