L’usine à CLO fait une pause

Elena Rinaldi, TwentyFour Asset Management

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Les marchés des actions et des obligations ont connu un début d’année très volatil.

© Keystone

En 2021, le marché des CLO s’est distingué par des niveaux d’offre élevés qui ont totalisé plus de 100 milliards d’euros pour les nouvelles émissions et les refinancements. Avec des prévisions de 75 milliards d’euros pour cette année, les investisseurs s’attendaient donc à un démarrage solide des émissions sur le marché primaire en 2022. Les perspectives dans le secteurs des prêts à effet de levier sont assez favorables grâce à une activité de F&A soutenue, et les cas de défaut devraient rester rares ces douze prochains mois. Toutefois, les fluctuations brutales des actions et des obligations, accentuées par les déclarations offensives des banques centrales et la montée des tensions en Europe de l’Est, ont rendu les conditions difficiles pour les gérants de CLO. Le programme d’émissions chargé a d’autre part incité les investisseurs à démarrer l’année prudemment, nombre d’entre eux estimant la valeur relative en suivant l’activité sur le marché secondaire. En conséquence, aucune nouvelle émission de CLO n’a eu lieu au mois de janvier et nous n’avons assisté qu’à des opérations de refinancement à hauteur de 2,5 milliards d’euros.  

La performance des prêts a fait obstacle aux CLO

En parallèle, si l’on observe le marché des prêts à effet de levier – principal type de garantie des CLO – il n’est pas surprenant de voir que les prêts ont remarquablement bien résisté aux turbulences jusqu’à présent. En tant que produits à taux variable avec des coûts de portage élevés, les prêts bénéficient de flux réguliers au détriment d’autres marchés à taux fixe, comme on peut s’y attendre dans un environnement d’inflation et de hausse des taux d’intérêt. Par conséquent, les prix des prêts se sont fermement maintenus durant les trois premières semaines: l’indice European Leveraged loan Index (ELLI) s’est rapproché de ses plus hauts post-crise à 99 points de base avant de se replier à 98.88 la semaine dernière. Dans l’ensemble, les prêts à effet de levier ont dégagé des rendements positifs de 0,4% depuis le début de l’année avec une vague de vente particulièrement forte pour les titres notés CCC. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande a certes soutenu la performance des prêts mais entravé la progression des portefeuilles sur les plateformes de CLO, ce qui contribue à expliquer que l’offre du marché ait été plus faible que prévu en janvier.

Les catalyseurs susceptibles de modifier le sentiment à l’égard du risque existent certes toujours et les CLO ne sont sans doute pas immunisés contre eux.

Jusqu’ici, la situation semble plutôt favorable: un environnement caractérisé par un faible taux de défaut, la liquidité toujours abondante dont disposent les entreprises et les taux variables qui caractérisent ces prêts devraient fournir un soutien significatif aux CLO. Pour nous, la question cruciale est de savoir si ce tableau reflète ce que nous avons connu sur notre marché jusqu’à présent.

En partie, oui. Malgré un début hésitant sur le marché primaire, l’activité sur le marché secondaire a été soutenue tout au long du mois et a bien absorbé les chocs avec peu d’impact sur les niveaux des rendements, ce qui montre que la demande existe bel et bien dans le secteur des CLO. Pendant ce temps, les spreads des tranches spéculatives, plus sensibles au risque crédit et davantage corrélés à la volatilité au sens large, se sont légèrement détendus la semaine dernière. Les profils à duration longue ont le plus pâti de cette évolution. Les catégories notées BB se sont toutefois négociées avec des rendements aux alentours de 6,5%, non loin des niveaux observés fin 2021.

Solides opportunités en vue pour les CLO

Dans l’intervalle, quatre nouvelles émissions devraient voir leur prix fixé cette semaine et des annonces sont prévues pour quatre autres. Certains indices nous semblent d’ores et déjà augurer une forte demande pour les tranches investment grade qui paraissent bien couvertes. La plupart des tranches AAA sont ainsi dotées d’un coupon de 92 points de base, soit un resserrement de quatre points de base par rapport aux spreads du T4 2021. Nous avons en outre entendu qu’un plus grand nombre de banques du Trésor et de nouveaux investisseurs étaient entrés sur le marché cette année, ce qui a encore renforcé la demande. Dans le même temps, les tranches BBB se négocient à des coupons de 325-330 points de base, tout juste conformes aux niveaux de décembre, tandis que l’incertitude domine davantage sur les tranches spéculatives en raison de la volatilité globale.  L’intérêt du marché semble néanmoins bien présent pour les catégories BB avec des rendements autour de 6,4-6,5%, ainsi que pour les tranches B qui évoluent entre 9,35 et 9,5%, en ligne avec les niveaux du T4 21.

Les catalyseurs susceptibles de modifier le sentiment à l’égard du risque existent certes toujours et les CLO ne sont sans doute pas immunisés contre eux, surtout pour les tranches situées dans le bas de la structure du capital. Néanmoins, l’environnement actuel en termes de taux d’intérêt et de cas de défaut devrait soutenir le marché, et nous pensons que les tranches investment grade continueront à bénéficier d’une forte demande. De leur côté, les spreads des tranches spéculatives pourraient s’élargir dans le sillage de la volatilité globale. Si c’est le cas, nous pensons que les investisseurs sauront faire les bons choix et trouver des opportunités attrayantes. Dans ce contexte, les CLO devraient faire partie des classes d’actifs les plus performantes en 2022. 

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