Italie: le jeu politique plus instable que le cap politique

Philippe G. Müller & Matteo Ramenghi, UBS

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La date butoir pour la convocation d'élections anticipées en septembre est passée sans incident. Mais le M5S reste englué dans les disputes.

La semaine dernière, la date butoir pour la convocation d'élections anticipées en septembre est passée sans incident. Mais le gouvernement M5S-Ligue du Nord reste englué dans les disputes: entre le gouvernement et la Commission européenne, entre les deux partis qui forment la coalition et entre des ministres clés et la Ligue du Nord.

Le dernier accrochage est intervenu à la suite d'informations parues dans la presse faisant état d'une rencontre entre des présumés responsables russes et le président de l'association Lombardie-Russie, réputé proche du chef de la Ligue du Nord, Matteo Salvini. Ce dernier a réfuté tout financement d'origine russe, mais le M5S et les partis d'opposition ont demandé une audition parlementaire sur cette question. L'élection de la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, soutenue par le M5S, mais non par la Ligue du Nord, a également mis en évidence les divisions au sein de la coalition.

Obligations souveraines peu impactées

Néanmoins, ces problèmes n'ont pas eu d'impact sur les rendements souverains. Après plusieurs mois de tensions et d'augmentation des spreads, le rendement des BTP (Buoni del Tesoro Poliannuali – Bon du Trésor italien) à dix ans est retombé à environ 1,6%, contre 2,7%en mai.

La réduction du déficit s'explique à la fois par une baisse
des dépenses et sur des recettes plus élevées que prévu.

La perspective d'un assouplissement de la politique de la Banque centrale européenne (BCE) a certainement contribué à la diminution des rendements dans toute la zone euro, mais l'écart de rendement par rapport aux Bunds allemands s'est réduit de manière encore plus marquée en raison du solde budgétaire meilleur que prévu de l'Italie et de la poursuite de la consolidation budgétaire approuvée par le gouvernement.

Pas de procédure en vue pour déficit excessif

Après avoir recommandé, dans un premier temps, l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif à l'encontre de l'Italie en raison de l'importance de sa dette, la Commission européenne a revu sa décision après le point semestriel du gouvernement italien sur l'exécution du budget 2019.

La réduction du déficit avoisine 7,6 milliards d'euros (soit 0,4% du PIB de l'Italie) et s'explique à la fois par une baisse des dépenses (notamment sur la question du revenu de base) et sur des recettes plus élevées que prévu (en raison de la facturation électronique et de la lutte contre l'évasion fiscale). La Commission européenne a jugé ce train de mesures suffisant.

Il s'agit d'une bonne nouvelle car Rome a ainsi échappé à une procédure pour déficit excessif. Malgré le volontarisme affiché précédemment, le gouvernement a tranché en faveur d'une approche réaliste et s'est plié aux exigences de la Commission européenne. C'est la deuxième fois que le gouvernement actuel renonce à une politique budgétaire plus expansionniste. La première fois, c'était lorsqu'il avait relevé sa prévision de déficit budgétaire pour l'exercice 2019.

Objectifs ambitieux sans réforme fiscale

Il subsiste des obstacles considérables à surmonter. Le ministre des Finances italien entend poursuivre la consolidation budgétaire en 2020 sans relever le taux de la TVA et en allégeant l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

Les dirigeants du M5S sont de plus en plus sous pression
en raison de l'érosion de la cote de popularité du parti.

Il sera difficile d'atteindre ces trois objectifs en l'absence de réforme fiscale, qui impliquerait probablement des mesures impopulaires comme la suppression de déductions fiscales, la réintroduction d'impôts sur la résidence principale ou le relèvement des droits de succession.

Compte tenu des objectifs ambitieux et des rivalités politiques, la tension devrait s'accentuer avant la présentation du budget 2020, prévue le 15 octobre. Cette date butoir mettra sans doute la coalition au pouvoir à rude épreuve, car des factions au sein de la Ligue du Nord et du M5S appellent à une rupture. Les dirigeants du M5S sont de plus en plus sous pression en raison de l'érosion de la cote de popularité du parti et des divergences avec la Ligue du Nord, notamment en matière d'immigration.

La Ligue du Nord en pole position

Les récentes élections européennes et les derniers sondages d'opinion suggèrent que la Ligue du Nord est en mesure de doubler son score par rapport aux élections de l'an dernier et pourrait être tentée de faire tomber le gouvernement de coalition pour capitaliser sur sa popularité lors de nouvelles élections. En fait, à en juger par les sondages actuels, elle pourrait obtenir une majorité absolue de sièges au Parlement en faisant alliance avec le centre droit (Forza Italia et Fratelli d'Italia/FdI).

Des élections en septembre sont exclues dans la mesure où elles auraient dû être convoquées au plus tard en juillet, mais la Recherche d’UBS table toujours sur des élections anticipées l'an prochain. Au final, les investisseurs pourraient saluer une telle décision, mais une campagne électorale mouvementée ne serait pas de tout repos pour eux.

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