Dissonance entre marchés et banques centrales

François-Xavier Chauchat, Dorval Asset Management

2 minutes de lecture

L’idée de marchés complaisants aux prévisions des banques centrales semble en partie erronée aujourd’hui.

©Keystone

Avec une économie résiliente, les banques centrales se sentent relativement à l’aise pour maintenir la pression contre l’inflation. Les prévisions de taux d’intérêt du marché pour 2023 se réajustent à cette réalité. Mais pour ce qui concerne les anticipations à long terme, la Fed semble plus optimiste que les marchés.

La divergence entre les anticipations des marchés et le message des banques centrales inquiétait les observateurs en janvier. Cette divergence s’est très sensiblement réduite depuis le début février. Légèrement supérieurs à 5%, les taux Fed attendus par les marchés apparaissent désormais conformes aux indications des membres de la Fed publiées au mois de décembre. Cela correspond à deux dernières hausses de taux de 25 points de base en mars puis en mai. Pour les taux de la Banque centrale européenne, les marchés prévoient encore 100 points de base de hausse d’ici l’été, ce qui semble réaliste. Comme observé avec la Banque de Suède, qui a surpris par fermeté contre l’inflation alors que l’économie domestique semblait reculer, les banques centrales profitent d’un climat économique mondial plus favorable pour consolider leur crédibilité anti-inflationniste.

La question la plus ardue reste de celle de l’après. Jerome Powell répète souvent qu’il pense que la Fed n’envisage pas de rebaisser ses taux. On comprend qu’il ne veuille pas exalter l’optimisme, mais ce message entre en contradiction avec les propres prévisions de la Réserve fédérale. En décembre, la médiane des prévisions des membres de la Fed anticipait des taux terminaux à 5-5,25% en 2023, puis une baisse des taux à 4-4,25% en 2024 et à 3-3,25% en 2025. A long terme, ils voient même toujours le niveau normal des taux nominaux à 2,5%, ce qui peut paraître «complaisant»! Les marchés anticipent plus de baisses des taux en 2024, mais convergent avec la Fed pour le niveau des taux en 2025, et apparaissent moins optimistes pour le long terme.

Dans le contexte actuel, les banques centrales en sont moins à guider les prévisions de taux des agents économiques qu’à ajuster leur politique à une conjoncture complexe.

L’idée de marchés complaisants aux prévisions des banques centrales semble donc en partie erronée, les arguments pouvant même s’inverser. Mais au fond, tout cela montre les limites de la fameuse «forward guidance» des banques centrales, politique qu’elle déclare vouloir abandonner, mais dont elles ne parviennent pas vraiment à se dégager. Dans le contexte actuel, les banques centrales en sont moins à guider les prévisions de taux des agents économiques qu’à ajuster leur politique à une conjoncture complexe. Comme les investisseurs, elles s’adapteront aux circonstances.

Pour l’instant le scénario penche en faveur d’une résilience économique s’accompagnant d’un processus de désinflation. C’est sur ce dernier point que les choses se jouent. Nul doute que les prochains chiffres américains de prix à la consommation seront à nouveau disséqués pour tenter d’établir le rythme sous-jacent et la nature de cette désinflation. Les marchés de matières premières seront aussi scrutés.

En matière de fonds flexibles globaux, il faudra maintenir une exposition assez élevée au marché des actions, mais avec désormais quelques couvertures optionnelles. Il est à privilégier les thèmes de transition énergétique (panier de 40 valeurs équipondérées), de baisse du risque européen (petites valeurs) et des marchés émergents. Il faut continuer à engranger un rendement monétaire croissant en gérant très activement la partie cash de ses portefeuilles.

A lire aussi...