Bons baisers de Russie – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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La bourse russe a réalisé cette année l’une des meilleures performances au plan international.

«Cap à l’Est!» Cette semaine, j’ai présenté notre publication internationale «Investment Outlook 2020» à Berne, Zurich, St-Gall, puis à Moscou, où les investisseurs sont satisfaits, car la bourse russe a réalisé cette année l’une des meilleures performances au plan international, sans oublier le fait qu’elle a également surpassé l’indice mondial des pays émergents pendant quatre des cinq dernières années. À l’Est, la vie est néanmoins plus difficile pour les emprunteurs que pour les investisseurs.

La publication Investment Outlook 2020 du Credit Suisse, qui sort tout juste de presse et vient de vous être envoyée, est une lecture que je recommande. Elle donne un aperçu clair de notre House View, laquelle a régulièrement rendu de bons services aux investisseurs ces dernières années. Ses analyses ont été étudiées attentivement et ont trouvé un grand écho à l’échelle mondiale.

Par ailleurs, les statisticiens de Neuchâtel ont observé des tendances favorables en Suisse et communiqué des nouvelles réjouissantes cette semaine également. Cerise sur le gâteau: The Irishman, un chef-d’oeuvre cinématographique à l’ancienne au casting prestigieux.

1. Impressions de la Moskova

From Russia with Love ou Bons baisers de Russie: les images de ce grand classique de 1963 tiré du roman de Ian Fleming et mettant en scène le célèbre James Bond m’ont traversé l’esprit lorsque je me suis envolé pour Moscou avec la compagnie Aeroflot il y a quelques jours. Bien des choses ont changé dans la capitale russe ces dernières années, mais d’autres restent immuables, à l’instar de l’hiver, qui y est toujours aussi rude! C’est sous un ciel étoilé, par une température de -10°C et dans la neige poudreuse que j’ai fait mon jogging matinal de dix kilomètres, partant du Kremlin scintillant sous l’éclairage nocturne, longeant les petites cathédrales qui jalonnent les rives de la Moskova jusqu’à l’imposante Université Lomonossov fondée en 1755, avant de rentrer en traversant le vaste Parc Gorki. Moscou est une ville merveilleuse, jeune et cultivée. Vers la fin de la présidence de Gorbatchev, j’y ai donné des cours d’introduction à la théorie monétaire et des taux de change en tant que jeune doctorant.

Cette fois, je m’y suis rendu pour présenter notre publication internationale «Investment Outlook 2020» à des investisseurs réunis dans le musée des impressionnistes russes ouvert il y a trois ans. Au cours de la soirée, nous avons également abordé des questions relatives au franc suisse, à la bourse et à l’économie helvétiques. Il en est ressorti que la récente visite du président de la Confédération, Ueli Maurer, avait rencontré un écho très favorable, les bonnes relations entretenues jusqu’ici avec la Suisse étant appréciées. Un invité m’a demandé si le marché financier helvétique, au regard des taux d’intérêt négatifs, ne serait pas plus intéressant pour les emprunteurs que pour les investisseurs russes. J’ai répondu qu’il était attrayant «dans les deux cas». D’une part, le capital est nettement plus cher en Russie qu’en Suisse. Les emprunts d’État russes à dix ans (que nous surpondérons par rapport à ceux d’autres pays émergents) rapportent 6,4% actuellement, un rendement inférieur à celui des entreprises. Il n’est donc pas étonnant que le taux d’endettement de la Russie (14% seulement de la performance économique en 2018 selon Statista.com) compte parmi les plus faibles du monde. Et il n’y a probablement rien d’étonnant non plus à ce que les chemins de fer de l’État russe aiment se financer par des emprunts en francs suisses, dont le rendement est inférieur à 1% dans cette devise. Néanmoins, les fluctuations des taux de change (appréciation du rouble cette année) peuvent faire de tels emprunts en monnaie étrangère une opération périlleuse.

Mais ce qui est réjouissant pour les investisseurs en Russie comme en Suisse en 2019, c’est la performance exceptionnelle de leurs marchés respectifs: tandis que la bourse helvétique (MSCI Switzerland), avec une hausse de 27% depuis le début de l’année, a surpassé la plupart des marchés de l’UE, le MSCI Russie enregistre la meilleure performance du monde avec une progression de 35% (juste derrière le marché grec, qui a fait légèrement mieux). Mais il y a plus encore: sur quatre des cinq dernières années, il s’est nettement mieux comporté que l’indice mondial des pays émergents, et ce même sans le soutien des cours de l’énergie.

2. Prévisions émanant de Zurich: Investment Outlook 2020

Credit Suisse Investment Outlook 2020, notre publication annuelle la plus importante de l’année peut-être, est sortie de presse cette semaine. Elle est à votre disposition dans notre succursale la plus proche de chez vous, mais elle peut aussi être consultée en ligne et devrait vous parvenir par la poste dans son format relié. Il s’agit d’une publication très dense et bien conçue qui formule notre «House View» de manière claire en l’étayant de bonnes illustrations et la conjugue avec nos attentes pour l’année à venir. Autant de raisons de vous présenter quelques points importants de nos prévisions confiantes en matière de placements.

Géopolitique

Il est probable que les tensions géopolitiques vont s’apaiser et que les incertitudes actuelles pesant sur les marchés des capitaux tendront à se tasser en 2020. Quoi qu’il en soit, les négociations du Brexit prendront fin l’année prochaine. Aux États-Unis, la campagne électorale est susceptible d’accroître l’importance de la politique intérieure et l’attention qui lui est portée, reléguant ainsi les problèmes géopolitiques au second plan. Une telle évolution pourrait favoriser une détente des relations sino-américaines, temporairement tout au moins. Dans l’UE, l’appartenance à la zone euro semble être actuellement un point moins controversé qu’il ne l’a été parmi les États membres.

Économie mondiale

Une reprise modérée de l’économie mondiale dans un contexte de faible inflation – reprise soutenue par le pouvoir d’achat des consommateurs, la santé globalement bonne des bilans des entreprises, une activité de construction toujours dynamique, une politique monétaire accommodante, un accès bon marché aux capitaux et des mesures de relance budgétaire dans un nombre croissant de pays – constitue le fondement de nos perspectives de placement.

Inflation

L’inflation restera faible à travers le monde en 2020 également. En Europe et au Japon, la conjoncture modérée n’exerce guère de pression inflationniste. Aux États-Unis, l’affermissement de l’économie pourrait ramener temporairement le renchérissement dans la fourchette de plus de 2% ciblée par la politique monétaire. Parallèlement, une disparition structurelle de l’inflation s’observe dans la plupart des pays émergents, fortement affectés par la concurrence tarifaire, le vieillissement démographique et l’élévation de l’endettement.

Taux d’intérêt

En l’absence de menace inflationniste ou de surchauffe économique, les banques centrales du monde entier n’auront guère de raisons de relever leurs taux directeurs l’année prochaine non plus. C’est d’autant plus vrai aux États-Unis du fait de la campagne électorale. Il en va de même dans la zone euro, en Suisse ou au Japon. Et dans certains pays émergents tels que la Chine, le Brésil ou la Russie, les taux directeurs devraient même baisser encore.

Rendements sur les marchés obligataires et des capitaux

En dépit du niveau bas des taux directeurs, les rendements à long terme des marchés des capitaux sont susceptibles d’augmenter légèrement en 2020, par anticipation d’une reprise économique modérée. Une telle évolution pourrait annuler les faibles rendements obligataires. C’est pourquoi ceux des emprunts investment grade des pays industrialisés seront maigres l’année prochaine. En revanche, les obligations des marchés émergents et les obligations de second rang des pays développés seront plus attrayantes.

Immobilier et placements alternatifs

Ils offriront de précieuses possibilités de diversification en 2020 également, le contexte de taux bas étant à la fois une bénédiction et une malédiction pour eux: d’une part, celui-ci soutient la demande de biens immobiliers, de hedge funds et de private equity; d’autre part, il complique la sélection des placements sur un marché où la concurrence se durcit d’année en année.

Actions

Ce sont actuellement les actions qui offrent les primes de risque les plus élevées et les caractéristiques les plus attrayantes pour les investisseurs. Pourtant, ceux-ci sont majoritairement sous-investis en bourse. En 2020, la progression des bénéfices sera d’autant plus importante que la base de comparaison de 2019 est faible, et elle tirera en outre profit d’un potentiel de croissance disruptif, comme nous l’avons décrit dans nos Supertrends thématiques. Le niveau élevé des primes de risque et des revenus en dividende ainsi que la pentification des courbes de rendement devraient être favorables aux actions financières. Dans des pays émergents tels que la Chine, une désescalade de la guerre commerciale, des valorisations avantageuses et de généreux dividendes seront des éléments positifs pour les marchés boursiers.

Monnaies

Le dollar américain pourrait dépasser son zénith en 2020 tandis que l’euro est susceptible de s’apprécier au second semestre. Comme le franc suisse demeure robuste, le potentiel de relèvement des taux reste faible en Suisse. Un Brexit consensuel devrait permettre à la livre sterling de s’apprécier par rapport à presque toutes les autres monnaies.

Récapitulatif

3. Bonnes nouvelles de Neuchâtel

Cette semaine également, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié depuis son siège neuchâtelois plusieurs bonnes nouvelles pour la Suisse. Le taux d’emploi n’a jamais été aussi élevé au troisième trimestre1. Les salaires réels et minimaux ont affiché une progression réjouissante de respectivement 1,1% et de 0,8% cette année2, signalant ainsi la poursuite de la hausse des revenus réels des ménages amorcée en 20153. Et comme les primes d’assurance maladie n’ont augmenté que d’une manière inférieure à la moyenne en 2019, le pouvoir d’achat réel des Suisses n’a pas diminué4.

Au troisième trimestre 2019, le secteur secondaire (construction et industrie) a vu sa production augmenter de 6,3% par rapport au trimestre précédent. Son chiffre d’affaires a, quant à lui, progressé de 4,7%. Cette hausse est ininterrompue depuis le premier trimestre 20175. Le transport de marchandises en Suisse a, quant à lui, augmenté de 2,1% par rapport à 20186. Les apprentis et les diplômés universitaires qui ont rejoint le marché du travail il y a cinq ans s’y sont bien intégrés et se disent pour la plupart satisfaits de leurs conditions d’emploi7.

Enfin, selon l’enquête menée sur la santé des Suisses, la part des personnes qui boivent quotidiennement de l’alcool a pratiquement diminué de moitié depuis 1992, passant de 20 à 11%8. En outre, ce qui est réjouissant pour la santé de la population ne doit pas inquiéter les producteurs de boissons alcoolisées, car leur marché à travers le monde devrait continuer de croître de 3,1% par an environ (un taux légèrement supérieur à celui de l’expansion économique mondiale) en raison des tendances sociodémographiques, c’est ce que révèlent des études de marché indépendantes9. Que de bonnes nouvelles, n’est-ce pas?

4. Cerise sur le gâteau: The Irishman

Le dernier film de Martin Scorsese est une saga familiale monumentale qui analyse avec subtilité et perspicacité les cycles de la vie ainsi que les questions concernant le sens de celle-ci, l’amitié, la vie et la mort sous la forme d’une rétrospective autobiographique de l’ex-tueur à gage Frank Sheeran surnommé «The Irishman». Il s’agit d’un chef d’oeuvre cinématographique à l’ancienne, au casting prestigieux, qui tient le spectateur en haleine pendant plus de trois heures.

 

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