Wanted! Marchés ayant du potentiel – Weekly note de Credit Suisse

Burkhard Varnholt, Credit Suisse

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Le rallye boursier actuel peut-il être qualifié d’«inhabituel»? Ou bien est-il comparable à des périodes de hausse antérieures?

Cette semaine, j’ai rencontré de nombreux investisseurs préoccupés par le niveau (trop?) élevé des indices de certains marchés. Nous avons également discuté de façon animée de la crainte selon laquelle les «bonnes nouvelles» pour les actions constituent souvent de «mauvaises nouvelles» pour les obligations. Nous avons en outre abordé le scepticisme largement répandu quant à la question de savoir si les perspectives économiques, monétaires ou géopolitiques sont vraiment favorables pour les placements et nous nous sommes demandés, dans l’affirmative, vers quoi les investisseurs devraient tourner leur regard. Autant de questions importantes. Nous prenons position ici en nous fondant sur un check-up du marché financier, nous mettons en évidence un thème de placement qui enregistre une bonne croissance dans un contexte de valorisations attractives, et nous exposons les décisions les plus récentes prises par le Comité de placement du Credit Suisse.

1. À quoi faut-il s’attendre? Check-up du marché financier

Le rallye boursier actuel peut-il être qualifié d’«inhabituel»? Ou bien est-il comparable à des périodes de hausse antérieures? Certains investisseurs s’étonnent du schéma classique qu’il suit. En effet, son comportement est tout ce qu’il y a de plus courant jusqu’ici: il est né dans une situation de crise (2009), comme toutes les hausses et, ces dix dernières années, il a surmonté au moins cinquante petites corrections et trois grandes (2011, 2015, 2018), lesquelles ont été suivies par des périodes de redressement qui ont régulièrement propulsé les indices à de nouveaux sommets. La bonne santé du rallye actuel tire profit du fait que les investisseurs continuent de l’aborder avec une attitude sceptique et défensive, à en juger par leurs quotes-parts d’actions. Parallèlement, les principaux acquéreurs sont des entreprises qui rachètent leurs propres titres, des opérations qui ont été soutenues jusqu’ici par le niveau réjouissant du bénéfice par action et par les intérêts à taux zéro. Compte tenu de cette situation, le rapport global cours-bénéfice de 14,2 ne semble absolument pas exagéré, et la prime de risque des actions de plus de 6% est attractive elle aussi. Jusqu’ici, pas de problème. Mais si ce rallye suit réellement les schémas classiques de la dynamique boursière, il va au-devant d’une phase d’euphorie des investisseurs. Celle-ci pourraitelle survenir en 2020? C’est bien possible. Mais ce qui devrait retenir notre attention à court terme, ce sont les prises de bénéfices inhabituellement élevées des investisseurs, un phénomène qui porte presque inévitablement préjudice à la nécessité d’opérer de nouveaux placements. Le graphique 1 représente le rapport entre les achats d’actions et d’obligations aux États-Unis. On a observé un recul comparable des prises de position en bourse en 2015 (chute du prix du pétrole à 35 USD le baril), 2011 (crise de la zone euro) et 2009 (crise financière mondiale). En résumé: nous nous trouvons encore dans un rallye boursier impopulaire.

D’après les fondamentaux, la bourse semble en bonne santé

Compte tenu des tendances contradictoires, il est intéressant de jeter un regard aux quinze indicateurs qui ont signalé par le passé le tournant d’un marché haussier vers un marché baissier trois à six mois avant qu’il n’intervienne:

Le check-up confirme ce que nos prévisions récemment publiées pour les marchés des capitaux ont mis en évidence: les actions sont les actifs qui offrent les rendements comparativement les plus intéressants parmi toutes les possibilités de placement. Et à court terme, trois aspects au moins parlent en faveur du maintien de la surpondération des actions telle qu’elle est prévue dans notre politique de placement: Premièrement, l’analyse technique suggère que la plupart des marchés boursiers pourraient enregistrer de nouvelles hausses de cours. Deuxièmement, la pression s’accroît sur les gestionnaires de fonds qui ont sous-pondéré les actions et ne peuvent pas se permettre de rester à l’écart si une hausse de fin d’année devait se produire. Troisièmement, les investisseurs espèrent un rallye pour le changement d’année sous l’effet du «window dressing» saisonnier et du dénouement des positions en produits dérivés, mais aussi de la puissance de la prophétie auto-réalisatrice.

Les institutions de prévoyance devraient augmenter leur pondération des actions à moyen terme

Selon des études réalisées par PensionsEurope1, les caisses de pension européennes ont conservé en portefeuille, en 2017, un fort pourcentage de placements à revenu fixe (44,4%) en dépit des rendements négatifs, sous-pondérant les actions (29,5%), les placements alternatifs (12,5%) et l’immobilier (9,7%). En Suisse, la part de l’immobilier est généralement le double environ et celle des placements alternatifs plus faible. Bien que la proportion d’actions en portefeuille se soit élevée cette année en raison de l’évolution du marché, elle semble nettement trop faible dans le contexte global étant donné a) l’horizon de placement à long terme de ces institutions et b) leurs engagements en matière de rendement qu’il leur est impossible d’honorer avec ce que rapportent les obligations locales.

Le besoin qu’ont les institutions de prévoyance d’investir en bourse n’est pas nouveau, mais il a été occulté ces dernières années par la baisse des taux d’intérêt ainsi que par l’appréciation des obligations et de l’immobilier qui en a découlé. Mais dès que la chute de ces taux s’arrêtera, ces revalorisations feront défaut, et la sous-pondération des actions deviendra manifeste. Dans un contexte de taux d’intérêt bas tel que nous l’anticipons, le maintien politique d’un taux de conversion de 6,8% éloigné de la réalité du marché contraindra donc à double titre les institutions de prévoyance suisses à relever leurs quotes-parts d’actions. En effet, quel que le soit le niveau des valeurs du marché, chaque emprunt sera remboursé à 100% au maximum. Et la plupart des réinvestissements obligataires dégageront, ces prochaines années, des rendements nettement inférieurs aux précédents.

Une pondération supérieure des actions serait-elle contraire aux dispositions réglementaires comme d’aucuns le prétendent parfois? Difficilement. Les caisses de pension suisses disposent pour la plupart d’une bonne marge pour étoffer leurs positions en bourse, notamment parce que plus de 84% d’entre elles affichent actuellement un confortable excédent de couverture moyen de près de 109%2. Quoi qu’il en soit, l’expérience passée révèle que plus vite elles exploiteront cette flexibilité stratégique, mieux elles pourront harmoniser leurs placements et leurs engagements. Mais d’ici-là, elles devront affecter, année après année, la majeure partie de leur performance au financement des rentes en cours, au détriment des cotisants actifs, en raison de la conjonction de facteurs bien connus que sont un taux de conversion trop élevé, la faiblesse des rendements du marché des capitaux et le vieillissement de la population. Tel est le cas en 2019 également: une fois encore, les rendements réjouissants de l’ordre de 8 à 10% dégagés par ces institutions serviront en majeure partie à payer les rentes actuelles, de sorte qu’il ne restera pas grand-chose pour les assurés actifs. Il est donc réaliste de penser qu’une augmentation de la part d’actions dans leurs portefeuilles n’est qu’une question de temps, un fait qui justifie les attentes de rendement des investisseurs en actions.

2. Consommation durable: les placements thématiques présentent du potentiel

Et quelle est la réponse à la question du «comment» que les investisseurs m’ont souvent posée cette semaine? À cet égard, je recommande d’associer un mandat de gestion de fortune diversifié (en tant qu’investissement principal ou noyau) à des placements thématiques dans des véhicules collectifs (en tant qu’investissements secondaires ou satellites). Ce principe noyau-satellites conjugue souvent une grande stabilité de valeur et de rendement avec le potentiel de revenu supérieur des placements thématiques.

Un thème de placement auquel nous attribuons un grand potentiel concerne le changement du comportement des consommateurs, lesquels se soucient davantage de la durabilité et développent un sens plus aigu des responsabilités. Notre étude intitulée «Le consommateur responsable» analyse certains aspects de cette évolution et ses implications pour la politique de placement. Bon nombre de facteurs déclencheurs sont connus. La croissance démographique et notre empreinte écologique ne s’arrêtent plus aux frontières depuis longtemps. Les consommateurs et les entreprises réalisent de plus en plus que la politique ne peut pas relever ces défis à elle seule. On assiste un peu partout à un changement d’attitude à l’égard de la consommation. Les générations jeunes et celles ayant un pouvoir d’achat particulièrement élevé attachent une importance croissante au développement durable, non seulement en ce qui concerne la production, le conditionnement et les chaînes d’approvisionnement, mais aussi la gestion des entreprises. Les sociétés qui répondent à ce besoin découvrent que durabilité et bénéfice ne sont pas en opposition et qu’ils peuvent au contraire se stimuler réciproquement s’ils sont bien pensés. En effet, un processus de création de valeur qui préserve l’environnement en utilisant moins d’électricité et d’eau ou en produisant moins de déchets est également bien plus économique. Et toute entreprise qui observe les normes sociales internationales (par exemple celles de l’Organisation internationale du travail) ne réduira pas seulement les risques qui la menacent, mais elle pourra aussi déclencher d’autres cercles vertueux, voire même se créer des avantages stratégiques en termes de compétitivité et gagner ainsi des parts de marché. En adaptant leurs modèles commerciaux en conséquence, des fabricants de vêtements de plein air tels que Columbia Sportswear ou Patagonia ont réussi à augmenter considérablement leur chiffre d’affaires et leurs bénéfices. De tels exemples font réaliser à un nombre croissant d’entrepreneurs et d’investisseurs qu’une gestion et des placements respectueux de l’environnement permettent également de dégager de meilleurs rendements à long terme. Il s’agit «d’une idée dont l’heure est venue», pour reprendre l’expression de Victor Hugo.

Comme ce thème est d’une actualité brûlante et que son utilité va de soi, un grand nombre d’investisseurs demandent des idées pour le mettre en oeuvre. Les placements collectifs spécialisés constituent des solutions idéales à cet égard. Par exemple, le Credit Suisse Responsible Consumer Fund, qui est le résultat d’un développement collaboratif avec des gestionnaires de fonds spécialisés de Lombard Odier Investment Managers, met l’accent sur les entreprises dites «pure play», pour lesquelles le thème de placement constitue le coeur de métier. Ce faisant, le fonds se concentre sur quatre marchés en croissance: alimentation, chaînes d’approvisionnement, modes de vie et systèmes urbains durables.

Trois exemples cités sans engagement mettent en évidence des entreprises qui tirent profit de ces marchés en croissance: L’Intertek Group est un leader mondial de la certification d’aliments produits de manière durable. Il voit son chiffre d’affaires et son bénéfice augmenter sous l’effet de la demande croissante de labels de durabilité contraignants à l’échelle internationale. Ce faisant, sa position dominante sur le marché renforce ses perspectives d’avenir, car il gère ses propres affaires de manière durable. La société suédoise Svenska Cellulosa fabrique du matériel d’emballage dont les composants, cultivés selon des méthodes durables, sont biodégradables. En outre, elle gère la plus grande exploitation de sylviculture d’Europe, laquelle absorbe annuellement plus de huit millions de tonnes de CO2. Grâce à sa stratégie commerciale axée sur le développement durable, cette entreprise tire profit de sa situation compétitive et d’un pourcentage important de revenus récurrents.

Enfin, le Sprouts Farmers Markets Inc. gère avec succès 326 magasins d’alimentation aux États-Unis, dont 90% au moins des produits sont cultivés de manière entièrement naturelle ou biologique. Cette entreprise, qui s’est engagée à atteindre le «zéro déchet» d’ici à 2020, occupe une solide position sur le marché avec un chiffre d’affaires supérieur à cinq milliards de dollars. Elle affiche une saine croissance et un rendement des capitaux propres de 24%.

3. Décisions récentes du Comité de placement du Credit Suisse

Ce qui prédomine dans notre estimation des chances et des risques à court et à moyen terme, c’est la santé fondamentale du rallye boursier actuel. Comme toutes les hausses, ce dernier a été parsemé de replis, mais les fortes corrections comme celles de 2011, 2015 et 2018 ont été un peu espacées dans le temps. Et la situation actuelle ne nous laisse pas envisager un nouvel effondrement dans l’immédiat. Au contraire, nous estimons plus probable, de manière globale, que la hausse des actions conserve ses soutiens à moyen terme également, à savoir i) la liquidité des banques centrales, des investisseurs et des entreprises, ii) la dynamique des acteurs du marché, lesquels sont en partie sous-investis, iii) les premiers signes d’une amélioration des perspectives de l’industrie et des bénéfices ainsi qu’une politique budgétaire favorable à la conjoncture, et enfin iv) diverses raisons relevant de la politique monétaire et économique qui empêchent pour l’instant les banques centrales d’interrompre le rallye de manière anticipée par des relèvements de taux. Désormais, nous mettons en oeuvre notre surpondération des actions en investissant également dans les titres des marchés émergents au vu de leurs valorisations attractives et de l’amélioration de leurs perspectives.

 

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