2022 – L'année des mauvaises surprises

Arthur Jurus, ODDO BHF

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2022 est derrière nous. L’année a été marquée par des évènements géopolitiques, politiques, économiques et financiers de premier plan.

Un premier constat est d’abord social: les manifestations de masse se sont accentuées, partout dans le monde. En 5 ans, plus de 400 protestations anti-gouvernement se sont produites dans 132 pays et leur nombre s’accroit de 9% par an. En Iran, les manifestations se sont notamment multipliées en réaction à la mort de Mahsa Amini. En Chine, les manifestations anti-Covid auront finalement conduit les autorités à supprimer les règles de confinement. Mais ce sont surtout les manifestations motivées par les enjeux économiques qui ont fortement progressé. 59 évènements ont été recensés en 2022 dont 50 en réaction à la forte inflation. C’est deux fois plus que lors des précédentes années.

Cet environnement social a contribué à faire évoluer le paysage politique dans de nombreux pays. En Chine, Xi Jinping s’est affirmé comme un chef permanent en entamant un troisième mandat comme Secrétaire Général – une première depuis Mao Zedong. Aux Etats-Unis, Joe Biden doit désormais gouverner avec un Sénat majoritairement républicain et une Chambre des Représentants majoritairement démocrate. Au Royaume-Uni, trois Premiers Ministres se sont succédés, soit autant que lors des 10 dernières années. En France, le Président ne dispose plus que d’une majorité relative au Parlement, une première depuis 1988. En Italie, l’extrême-droite de Giorgia Meloni a pris la tête du gouvernement, une première pour la période de l’Après-Guerre.

Sur la scène internationale, le risque géopolitique a augmenté. Les menaces et les escalades liées à des conflits préexistants ont été nombreuses. En Ukraine, l’attaque par la Russie a conduit les pays libéraux à se coordonner pour fournir des armes et du matériel. Les Etats-Unis ont ainsi adopté un revirement de leur stratégie de désengagement, accéléré par le retrait d’Afghanistan en 2021, en soutenant massivement l’Ukraine mais aussi en s’opposant diplomatiquement aux revendications chinoises concernant Taïwan. Enfin, les guerres civiles et les violences se poursuivent en Ethiopie, au Yemen, au Myanmar, en Syrie, en Afghanistan et à Haïti.

 Le conflit en Ukraine maintiendra l’attention, tout comme son impact sur les prix de l’alimentaire et de l’énergie.

La situation économique mondiale a considérablement évolué. Après le choc de demande négatif de 2020, la reprise économique mondiale en 2021, l’an dernier a été marquée par un choc inflationniste et un ralentissement de la croissance. Les hausses des prix ont ainsi atteint un pic à 11,1% au Royaume-Uni, 10,6% dans la zone euro, 9,1% aux Etats-Unis et 3,5% en Suisse durant l’année. Sur le vieux-continent, le choc d’offre sur l’énergie et l’alimentaire a été la principale raison de cette accélération des prix. Aux Etats-Unis, l’inflation est désormais généralisée. En réaction, les banques centrales ont entamé un cycle de durcissement monétaire, rapide, important et sans précédent depuis les années 1970. La Réserve Fédérale Américaine a augmenté son taux directeur de 425 points de base ces 9 derniers mois. L’appréciation du dollar s’est accentuée de 16% depuis 2 ans et de 8% en 2022. En Suisse, la BNS a augmenté son taux de 175 points de base en 6 mois. L’inflation de 3% n’accélère plus mais reste toujours supérieure à l’objectif de moyen terme de 2%. En zone euro, le taux directeur a augmenté de 250 points de base et la tendance se poursuivra cette année. L’impact de ces décisions monétaires a conduit au ralentissement économique en 2022 et pourrait prochainement faire plonger la zone euro en récession. Ces dynamiques pénalisent davantage les marges des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages.

Les investisseurs n’ont donc pas été épargnés en 2022. La performance des obligations souveraines américaines à 10 ans a été la pire de l’histoire (-16,5%). Celles des actions américaines (-19,4%) est la 7ème plus mauvaise année depuis 1929. La baisse cumulée des actions et des obligations ne s’était jusqu’alors produite qu’en 1931, 1941 et 1969. Durant l’année 2022, une séance sur quatre du S&P 500 s’est ainsi soldée par une baisse d’au moins 1%. La volatilité a donc été plus importante par rapport à la dernière décennie. Les fondamentaux financiers des entreprises se sont dégradés. En excluant le secteur de l’énergie, les bénéfices ont baissé de 3% depuis 1 an aux Etats-Unis. Cette tendance pourrait se prolonger avec le ralentissement économique en cours. En Europe, le Stoxx 600 (-13,1%) ou le SMI (-16,7%) n’ont guère fait mieux. Par secteur, seuls ceux de l’énergie ou des services aux collectivités ont affiché des performances positives. Enfin, l’once d’or en USD (+0,1%) aura finalement bien résisté.

Ces problèmes ne seront pas tous résolus en 2023. Le conflit en Ukraine maintiendra l’attention, tout comme son impact sur les prix de l’alimentaire et de l’énergie. La transition énergétique restera un fil directeur alors que les énergies fossiles sont chères et que les investissements restent insuffisants pour favoriser l’émergence d’une économie verte. Même si l’inflation pourrait diminuer ces prochains mois, la croissance des prix restera supérieure à l’objectif de 2%. Les banques centrales maintiendront donc leur taux directeur à des niveaux élevés. La récession est attendue par la majorité des analystes en Europe et ne surprendrait personne si elle advenait aussi aux Etats-Unis. En Asie, l’Inde deviendra le pays le plus peuplé au monde. La Chine sera reléguée au second rang et confrontée à ses problèmes sociaux internes et au ralentissement de son activité économique. Face à ces différents enjeux, le Congrès américain restera divisé et les blocages entre les deux partis se multiplieront alors que Donald Trump a déjà lancé sa campagne pour la Présidentielle de 2024.

L'époque des taux d'intérêt bas, nuls voire négatifs semble être derrière nous. Les obligations, en particulier celles des entreprises, offrent de nouveau un rendement acceptable. La prime de risque par rapport aux emprunts d'État est devenue nettement supérieure à la moyenne sur le long terme. Ces rendements compensent les risques de cours encore existants. Par ailleurs, le marché des actions offre également des opportunités. En Europe, le niveau de valorisation est devenu plus avantageux. Nous restons néanmoins prudents. Étant donné que l'incertitude concernant l'ampleur des hausses de taux d'intérêt à venir des banques centrales est élevée, que la croissance économique devrait continuer à ralentir et que la pression sur les marges bénéficiaires des entreprises s'est accrue, nous continuons pour l'instant à naviguer à vue. Nous sommes toutefois convaincus que des opportunités d'investissement intéressantes se présenteront plus tard en 2023, lorsque la fin des hausses de taux et la stabilisation de l'activité économique seront perceptibles.

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