L’Allemagne en crise va suspendre son plafond de déficit

AWP

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Suspendu déjà entre 2020 et 2022 en raison de la pandémie de Covid, ce frein à l’endettement devait de nouveau être respecté cette année. Ce ne sera plus le cas.

L’Allemagne se prépare à suspendre pour la quatrième année consécutive sa règle de stricte limitation du déficit public pour tenter de résoudre une grave crise budgétaire et politique nationale, suite à un rappel à l’ordre des juges constitutionnels.

Le gouvernement «va présenter un collectif budgétaire» pour «sécuriser» les dépenses prévues cette année, a indiqué jeudi à la presse le ministre libéral des Finances, Christian Lindner.

Il a ajouté sur son compte X (ex-Twitter) vouloir pour cela invoquer «une situation d’urgence» en 2023, condition requise pour à nouveau suspendre la règle constitutionnelle dite du «frein à l’endettement», qui limite le déficit public du pays à 0,35% du PIB.

Suspendu déjà entre 2020 et 2022 en raison de la pandémie de Covid, ce frein à l’endettement devait de nouveau être respecté cette année. Ce ne sera plus le cas.

Berlin doit en effet faire face à une profonde crise provoquée par un arrêt retentissant de la Cour constitutionnelle la semaine dernière.

La plus haute juridiction du pays annulé le transfert de 60 milliards d’euros de crédits inutilisés - provenant notamment d’un fonds lié à la pandémie de Covid-19 - dans un programme dédié à des investissements verts et un soutien à l’industrie.

Cette décision a plongé la coalition gouvernementale menée par le chancelier social-démocrate (SPD) Olaf Scholz dans le désarroi, de nombreux projets clés d’avenir se retrouvant menacés, notamment la transition énergétique du pays.

Frein aux prix de l’énergie

La solution qui s’est imposée - un nouveau dépassement du plafond de déficit national - constitue un revers notamment pour le ministre des Finances, qui avait promis en début d’année que la rigueur budgétaire était de retour cette année.

Le frein à l’endettement «n’est pas seulement une exigence de la Loi fondamentale, mais aussi un signal de politique budgétaire clair pour lutter contre l’inflation adressé aux marchés et aux partenaires européens», claironnait le ministre après l’adoption du budget initial de la première économie européenne.

Ses plans sont désormais caducs et le budget complémentaire prévu désormais inclura principalement des dépenses voulues par son collègue, le ministre de l’Economie et vice-chancelier, Robert Habeck, du parti des Verts, à savoir un très coûteux mécanisme pour freiner les prix de l’électricité et du gaz pour les ménages et entreprises.

Cet élément est jugé vital pour l’économie allemande, qui a prospéré pendant des années grâce aux importations d’énergie russe bon marché, aujourd’hui stoppées.

Ces dépenses ont été pour le moment gelées par le ministère des Finances suite au rappel à l’ordre des juges suprêmes. Le gel ne s’applique pas en revanche au fonds spécial doté depuis février 2022 de 100 milliards d’euros pour moderniser l’armée allemande, suite à la guerre d’invasion russe en Ukraine.

Les deux chambres du Parlement devront encore approuver la nouvelle initiative budgétaire du gouvernement de coalition.

Nouvelles élections?

La priorité du ministre des Finances est désormais de vouloir «clarifier les choses» pour l’année en cours afin de pouvoir clore les discussions sur le budget 2024.

Ces dernières, dans une impasse, ont été repoussées sine die mercredi par le gouvernement.

Sur le plan politique, ces déconvenues budgétaires ne font qu’amplifier le climat de défiance d’une partie croissante de l’opinion envers le gouvernement regroupant sociaux-démocrates, écologistes et libéraux (droite), qui vient seulement de passer le cap du mi-mandat.

Des voix dans l’opposition parlementaire, à l’extrême gauche (Linke) et l’extrême droite (AfD) notamment, réclament la tenue de nouvelles élections. Cette option est favorisée par 46% de la population, selon un récent sondage de l’institut Forsa.

Le soutien de l’opinion pour les partis de gouvernement ne cesse de fondre, au produit des conservateurs et de l’extrême droite.

Selon un récent sondage pour la chaîne RTL-Allemagne, 66% des Allemands ne pensent pas que le chancelier Olaf Scholz sera capable de surmonter la crise que traverse le pays.

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