Pour Keith Skeoch, directeur d’Aberdeen Standard Investments, la gestion d’actifs doit mettre en valeur son utilité pour les clients et la société en général.
Pressions sur les marges, obligation de réaliser des économies d’échelle, concurrence des solutions de gestion tout ou en partie automatisées. Mis sous pression de toute part, comment les gérants d’actifs peuvent-ils aujourd’hui s’adapter à la transformation en cours de leur secteur d’activité? Le point avec Keith Skeoch, directeur de d’Aberdeen Standard Investments (ASI), qui s’exprimait dans le cadre d’une journée des médias organisée par le gérant d’actifs. Le Britannique a été directeur de Standard Life à partir de 2015, jusqu’à ce que la société fusionne avec son rival Aberdeen Asset Management en 2017, avant de devenir ensuite directeur d’ASI.
Non, il s’agit là d’une vision excessivement pessimiste à mon avis. Deux facteurs importants soutiendront cette activité au cours des prochaines années. D’une part, la gestion d’actifs n’est pas une activité qui souffrira d’une faible croissance au cours des prochaines années. Au contraire, les volumes d’épargne ne cessent d’augmenter à travers le monde. D’autre part, le nombre d’épargnants qui ont besoin de recourir à des services de gestion d’actifs professionnels va continuer de croître alors que la population vieillit dans les pays industrialisés et que les systèmes de retraite classiques ne suffiront plus, à eux seuls, pour assurer une rente suffisante aux personnes qui arrivent à la retraite. Et à cet égard, je pense que le secteur des services financiers, le gouvernement et les médias ont ici un rôle positif à jouer auprès de la population: il est important d’éduquer les gens à propos de l’importance d’avoir des investissements offrant davantage de consistance et moins de volatilité. De leur montrer comment il est possible de convertir l’épargne dans des investissements utiles pour l’économie et la société en général.
est une activité qui est toujours réglementée sur le plan local.
Par ailleurs, l’environnement économique actuel - caractérisé par une faible croissance, une inflation basse ou inexistante ainsi que des taux d’intérêt faible ou négatifs - nécessite plus que jamais de nouvelles solutions en matière de placements. Plus techniquement, on assistera aussi à un déplacement d’actifs détenus par des individus plutôt que par des grandes institutions.
Nous nous adressons directement à la clientèle de détail uniquement au Royaume-Uni. Il faut garder à l’esprit que la distribution de solutions d’investissement à la clientèle de détail est une activité qui est toujours réglementée sur le plan local. Par exemple, même si nous avions le meilleur fonds en actions suisses, la distribution de ces fonds devrait être conforme à la réglementation helvétique. Nous ne pourrions pas le distribuer de la même manière que nous le faisons ailleurs en Europe ou au Royaume-Uni. C’est pourquoi, je pense que nous sommes meilleurs à «fabriquer» des produits qui sont ensuite distribués par d’autres, par exemple des banques privées, plutôt que de tenter de les commercialiser nous-mêmes.
Je dirais que la gestion d’actifs doit avoir un sens de sa raison d’être et de sa valeur, à la fois vis-à-vis de ses clients et de la société en général. La gestion d’actifs a une responsabilité vis-à-vis de la société car la manière avec laquelle elle alloue ses actifs a à son tour aussi un impact sur la création d’emplois, sur l’allocation des ressources dans l’économie, l’essor et le déclin de certaines activités. Aujourd’hui, on peut dire que la gestion d’actifs est véritablement placée au cœur du secteur financier.
contrôle du capital et indépendance dans la prise de décision.
De plus, je pense qu’il y a aussi un alignement des intérêts entre les gérants d’actifs et le reste de la société. Le meilleur exemple qui l’illustre est celui de l’essor de l’investissement d’impact, de l’investissement socialement responsable (ISR) ou des obligations vertes.
Je pense qu’il est possible qu’un gérant d’actifs soit contrôlé par une plus grande institution financière, telle qu’un groupe d’assurance ou une banque, mais à condition que le gérant d’actifs dispose d’un très haut degré d’autonomie. Quand j’étais à la tête de Standard Life, j’avais l’habitude de dire que nous appartenions à 100% à un groupe d’assurance mais que nos décisions d’investissement étaient indépendantes à hauteur de 99%! Aujourd’hui, il est indispensable qu’il y ait une séparation claire entre ces deux aspects – contrôle du capital et indépendance dans la prise de décision. La crise financière a encore renforcé cette nécessité.