La Finma tance Credit Suisse dans l’affaire Greensill

AWP

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Le régulateur annonce la clôture de la procédure «d’enforcement» ouverte à l’encontre de la banque concernant sa relation d’affaires avec le financier Lex Greensill et ses sociétés. Mais lui impose plusieurs mesures correctives.

L’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a adressé à Credit Suisse de lourds reproches en matière de surveillance dans le cadre de sa relation d’affaires avec le financier britannique Lex Greensill et ses sociétés, et lui a imposé plusieurs mesures correctives.

Tout en annonçant la clôture de son enquête approfondie («enforcement») ouverte au printemps 2021 à l’encontre du numéro deux bancaire helvétique, le régulateur souligne mardi dans un communiqué que l’établissement a «gravement manqué à ses obligations prudentielles en matière de gestion des risques et d’organisation adéquate».

«Il manquait une vision d’ensemble ainsi qu’une réflexion régulière et cohérente sur les risques liés à Greensill au plus haut niveau», estime la Finma. La société de gestion d’actifs de Credit Suisse «disposait dans l’ensemble de peu d’informations et de contrôle sur les créances» de la société d’affacturation britannique, à qui elle laissait le soin d’examiner et de sélectionner ces dernières.

Le régulateur rappelle notamment qu’un cadre supérieur avait enjambé la recommandation d’un gestionnaire des risques de la banque de ne pas accorder un crédit-relais à Greensill dans le cadre d’un projet d’introduction en Bourse (IPO).

A l’avenir, Credit Suisse devra évaluer sur une base périodique ses relations d’affaires les plus importantes - environ 500 selon le gendarme des marchés - et définir dans un document les domaines de responsabilité de ses quelque 600 plus hauts dirigeants.

Bonus sucrés au menu

Ces derniers doivent être sanctionnés par l’établissement, qui peut par exemple sabrer leur bonus, «s’ils n’organisent ni ne gèrent leur secteur de manière à éviter autant que possible les comportements fautifs». Un chargé d’audit sera désigné par le régulateur pour vérifier le respect de ces mesures prudentielles.

La Finma a par ailleurs ouvert quatre procédures d’enforcement à l’encontre d’anciens hauts responsables de la banque aux deux voiles, dont elle n’a toutefois pas révélé l’identité.

Dans une prise de position écrite, la direction de Credit Suisse se félicite de la conclusion de l’enquête de la Finma. Cette dernière a «étayé bon nombre des conclusions de l’examen indépendant initié par le conseil d’administration et souligne l’importance des mesures que nous avons prises ces dernières années pour renforcer notre culture du risque et de la conformité», estime son directeur général (CEO) Ulrich Körner.

Et de souligner que la Finma n’a pas ordonné la moindre confiscation de bénéfices dans le cadre de la procédure, et que la mise en oeuvre des mesures prudentielles ne devrait pas déboucher sur des «coûts significatifs» pour la banque.

Au printemps 2021, Credit Suisse avait annoncé la liquidation de quatre fonds de financement gérés conjointement avec Greensill. La banque a depuis récupéré 7,4 milliards de dollars sur les quelque 10 milliards de fortune initiaux et en a reversé à ce jour 6,80 milliards aux investisseurs concernés, selon le dernier décompte remontant à début février.

Navigation à l’aveugle

L’annonce du régulateur montre de manière effrayante Credit Suisse naviguait «quasiment à l’aveugle» dans ses activités avec Greensill, s’émeut la Banque cantonale de Lucerne (LUKB) dans une note.

«De toute évidence, l’affaire n’est pas close», estime pour sa part Arthur Jurus, stratégiste Senior auprès du courtier Oddo BHF, soulignant que l’ensemble des fonds n’a pas encore été récupéré, et que l’issue est imprévisible, d’autant plus que des poursuites risquent encore d’être engagées.

Le coup de semonce du jour n’a eu qu’un impact éphémère sur le cours de l’action, qui a bouclé la séance sur un gain de 0,6% à 2,85 francs après avoir visité les tréfonds du classement à la mi-journée. Le SMI, lui, a terminé en repli de 1,08%.

Il y a moins d’une semaine, le titre avait atteint un nouveau plus bas historique à 2,522 francs dans le sillage de spéculations concernant l’ouverture d’une enquête de la Finma à l’encontre du président Axel Lehmann, suspecté d’avoir enjolivé certains chiffres l’automne dernier. En 2022, le titre avait déjà perdu deux tiers de sa valeur.

«Credit Suisse reste un gros chantier», conclut la LUKB, qui souligne que le recentrage stratégique du numéro deux bancaire helvétique prendra du temps. L’action reste pour l’heure la chasse gardée des spéculateurs, et les investisseurs en quête de stabilité seront mieux servis en jetant leur dévolu sur le concurrent UBS (+1,3% à 20,59 francs).

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