Départ du patron de Julius Baer, éclaboussé par Signa

AWP

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La banque tire les conséquences de la débâcle de l’empire immobilier autrichien. Philipp Rickenbacher et cinq autres membres de la direction ne toucheront pas de bonus. L’action grimpe.

Eclaboussé par la retentissante faillite de l’empire immobilier de l’Autrichien René Benko, Julius Baer en a tiré les conséquences. Son patron Philipp Rickenbacher a été remercié, des bonus coupés et le gestionnaire de fortune a abandonné l’activité risquée avec les prêts privés à sa clientèle fortunée.

«Nous avons tiré la conclusion commune (avec le conseil d’administration) qu’il est dans le meilleur intérêt de la société que je démissionne», a admis M. Rickenbacher, cité jeudi dans un communiqué. Le ressortissant suisse avait rejoint le gestionnaire de fortune en 2004, avant de faire un bref passage chez les gestionnaire d’actifs GAM en 2008, de revenir en 2009 et de prendre les commandes en 2019.

L’actuel directeur général adjoint Nic Dreckmann assurera l’intérim et une «recherche externe» a été lancée pour lui trouver un successeur. L’administrateur David Nicol ne se représentera pas. La banque a également annoncé des réductions «substantielles» des rémunérations variables de ses dirigeants. Le patron et cinq autres membres de la direction impliqués dans l’affaire ne toucheront pas de bonus.

Parmi les mesures prévues pour redresser la barre, le groupe a annoncé l’abandon des activités «Private debt» - les crédits privés accordés à ses riches clients - qui représentent encore des engagements de 800 millions, soit 2% du total des 38,9 milliards de crédits accordés par la banque. Cette dernière va concentrer ses activités de prêt sur les crédits lombards et hypothécaires.

«Nous avons pris des mesures importantes pour supprimer toutes les incertitudes liées à notre activité ‘Private debt’ et aux répercussions futures de cet incident sur nos résultats financiers», a souligné le président Romeo Lacher.

Dans l’immédiat, la banque a vu ses résultats lourdement pénalisés par cette affaire. Entre janvier et décembre 2023, le groupe zurichois a vu le produit d’exploitation se contracter de 15,9% à 3,24 milliards. Ce repli est la conséquence d’une perte nette sur crédits de 606,3 millions de francs ayant occasionné un amortissement de 586 millions et qui est liée au crédit défaillant accordé à M. Benko.

Fin novembre 2023, Julius Baer avait fait état d’une importante exposition de 606 millions, répartie en trois prêts accordés «à des entités différentes au sein d’un conglomérat européen» non identifié. Cette dernière est liée à René Benko, avait indiqué une source à l’agence AWP. La banque avait alors annoncé une provision sur crédits de 82 millions, dont 70 millions pour cette exposition à risques.

Le groupe autrichien en faillite Signa co-détient en Suisse, via plusieurs filiales, les grands magasins Globus.

Objectif d’économies relevé

Malgré des dépenses quasiment stables, le résultat avant impôts a du coup été divisé par deux à 513,8 millions et le bénéfice net (IFRS) part du groupe a chuté de 52,2% à 454 millions de francs.

La banque a néanmoins profité d’importants afflux nets d’argent nouveau de 12,5 milliards de francs l’année dernière, après 8,7 milliards en 2022. Les avoirs sous gestion ont pour leur part progressé de seulement 0,8% à 427,4 milliards à fin décembre dernier, en raison de l’effet négatif des taux de changes.

Ces chiffres clés sont inférieurs aux prévisions des analystes interrogés par l’agence AWP. L’établissement a notamment clairement manqué le coche au niveau du bénéfice net (IFRS) anticipé à 802 millions par le marché.

Les actionnaires recevront malgré tout un dividende inchangé de 2,60 francs par action.

La direction a partiellement revu ses objectifs à l’horizon 2025, tablant désormais sur des économies de 130 millions de francs, 10 millions de plus que précédemment annoncé. Dans ce cadre, 250 postes seront supprimés sur les 7435 personnes que comptait le groupe à la fin de l’année dernière.

Les autres cibles financières ont été confirmées avec une marge ajustée avant impôts de 28-31 points de base et un rapport ajusté entre les coûts et les dépenses «inférieur à 64%». Le bénéfice ajusté avant impôts doit afficher une croissance annuelle supérieure à 10% et le rendement ajusté des fonds propres (CET1) doit s’établir à au moins 30%.

A la Bourse, les investisseurs ont apprécié ces annonces. L’action Julius Baer a terminé en hausse de 0,8% à 47,72 francs, dans un SLI en baisse de 0,8%. En cours de séance, le titre a grimpé jusqu’à 50 francs, bondissant de plus de 5%.

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