Le baromètre conjoncturel chute au troisième trimestre

Communiqué, Institut CREA

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Le baromètre conjoncturel CREA pour la Suisse chute de 2,6 points au troisième trimestre pour se retrouver avec un écart de production négatif de presque 3% par rapport à l'équilibre.

Après être entré dans la zone de contraction au quatrième trimestre 2019 déjà et avoir perdu encore un peu plus de terrain au premier trimestre 2020, le baromètre conjoncturel CREA pour la Suisse chute de 2,6 points au troisième trimestre pour se retrouver avec un écart de production négatif de presque 3% par rapport à l'équilibre, écart le plus important depuis la fin de 2009. L'indice suisse est de 2 points inférieur à la valeur romande, ce qui constitue l'écart le plus élevé depuis le début de notre indice (1996).

Selon les récentes estimations du SECO, la croissance helvétique a baissé de 1,3% au premier trimestre, par rapport au même trimestre de l'année 2019, et, surtout, de 2,6% de trimestre à trimestre (croissance sous-jacente), le plus fort recul sur toute la période du PIB remontant à 1980. Cette chute marquée de la croissance sous-jacente laisse entrevoir un recul annualisé encore plus fort au deuxième trimestre. Les attentes pour les activités économiques sont dans le rouge vif, selon les principaux indicateurs industriels du KOF pour le premier trimestre 2020 et surtout pour le mois d'avril, que ce soit la marche des affaires ou l'entrée des commandes. L'indice Swiss PMI des directeurs d'achat a dévissé et le sous-indice de la production est même tombé sous la valeur observée lors de la crise financière de 2009. Selon le sondage pour le premier semestre de Switzerland Global Enterprise, 65% des PME exportatrices tablent sur un recul des leurs exportations au cours de la première moitié de l'année et encore 38% s'attendent à une autre baisse au cours de la deuxième moitié.

L'indice conjoncturel CREA pour la Romandie perd aussi du terrain au troisième trimestre 2020 et son écart de production par rapport à l'équilibre devient négatif. Il se maintient toutefois au-dessus de la valeur suisse, car tous les indices qui le composent sont également supérieurs à la valeur suisse, même s'ils se trouvent dans la zone de contraction. Les indices industriels du KOF pour les divers cantons chutent de façon notable en avril et s'enfoncent dans rouge vif.

La conjoncture en Suisse

L'indice conjoncturel CREA pour la Suisse est entré dans la zone de contraction au quatrième trimestre 2019 déjà et au premier trimestre de 2020 il perd encore un peu plus de terrain. Après une stabilisation, voire une petite remontée au deuxième trimestre – liée probablement à quelques indices encore assez positifs au trimestre précédent -, l'indice chute ensuite de 2,6 points pour se retrouver avec un écart de production négatif de presque 3% par rapport à l'équilibre, écart le plus important depuis la fin de 2009. L'indice suisse est également de 2 points inférieur à la valeur romande.

Les principaux indicateurs industriels du KOF pour la Suisse se sont dégradés, en particulier en avril, le premier trimestre ne captant pas encore l'essentiel de l'impact de la crise Covid. Après trois années dans le vert, l'indice global de la marche des affaires est devenu négatif au premier trimestre. L'indice des entrées de commandes se maintient au même niveau qu'au trimestre précédent, mais perd plus de 22 points en avril. A souligner que cet indice est négatif depuis le troisième trimestre, signalant que l'économie suisse était en ralentissement déjà avant la crise Covid. L'indice des carnets de commandes suit le même chemin que celui de l'entrée des commandes.

Les exportations suisses ont encore augmenté de 1,3% au premier trimestre, mais ont enregistré une chute marquée en avril-mai avec en moyenne -21%. Les exportations des produits des industries chimiques et pharmaceutiques, qui représentent plus de la moitié des exportations suisses, ont tiré leur épingle du jeu avec une hausse de 8,1% au cours des cinq premiers mois. En revanche, la branche de l'horlogerie et instruments de précision a vu ses exportations chuter de 30% et les exportations des produits MEM reculent de 16,6%. Les attentes des entreprises MEM se sont nettement détériorées, 70% des entreprises sondées tablent sur de nouvelles baisses des entrées de commandes de l'étranger. Selon le sondage pour le premier semestre de Switzerland Global Enterprise, 65% des PME exportatrices voient un recul des leurs exportations pour la première moitié de l'année et encore 38% s'attendent à une autre baisse pour la deuxième moitié. Le sondage tient compte à la fois des attentes pour le semestre et des ventes réalisées jusque-là. Le baromètre des exportations est tombé en avril à son niveau le plus bas depuis la crise financière et se trouve donc nettement sous le seuil de croissance. L'indice Swiss PMI des directeurs d'achat a dévissé et a perdu 10 points entre février et mai. Le sous-indice de la production est même tombé sous la valeur observée lors de la crise financière, mais il s'est ressaisi récemment et a grappillé quelques points tout en restant bien inférieur au seuil de croissance.

Le secteur principal de la construction résiste grâce à la hausse des réserves de travail au premier trimestre, en particulier dans le secteur public. Cependant les entrées de commandes sont en baisse de même que les projets de construction en avril-juin. Beaucoup de travaux ont été suspendus lors des mois de confinement et le secteur s'attend à une baisse de la production dans les mois à venir, le redémarrage devrait prendre du temps. L'indice suisse de la construction du CS pour le deuxième trimestre est à la baisse dans tous les secteurs.

Quant au marché du travail, l’indicateur des prévisions d’évolution de l’emploi de l’OFS s'est nettement détérioré et a reculé de 3,7% par rapport à l'année passée. Le baromètre de Manpower indique que 16% des employeurs sondés prévoient une réduction de leurs effectifs.

Les développements ci-dessus expliquent en grande partie la chute du baromètre pour la Suisse, mais chute probablement sous-estimée, vu que les calculs se basent sur les données du premier trimestre, comme mentionné en introduction.

La conjoncture en Suisse romande

L'indice conjoncturel CREA pour la Suisse romande perd 1,3 point au troisième trimestre 2020 et entre dans la zone de contraction, son écart de production par rapport à l'équilibre devenant négatif, avec -0,9%. Il continue d'évoluer au-dessus de la valeur suisse, pour le cinquième trimestre consécutif, et s'il se maintient au-dessus de la valeur suisse, c'est parce que tous les indices qui le constituent sont également supérieurs à la valeur suisse, même s'ils se trouvent dans la zone de contraction. L'indice genevois, qui a le poids le plus important dans l'indice romand, perd 1,5 point, tout comme les indices vaudois et valaisans. C'est l'indice jurassien qui perd le plus de terrain, avec 1,8 point, les indices fribourgeois et neuchâtelois perdent respectivement 0,3 et 0,9, mais sont parmi les plus bas de l'échantillon.

Les indices industriels du KOF sont à la baisse pour tous les cantons romands, excepté pour le canton du Valais dont l'indice va un peu à contresens. Si les indices moyens pour premier trimestre 2020 ne captent pas encore le plein effet de la crise sanitaire, ceux pour avril chutent en revanche de façon notable et s'enfoncent dans la zone rouge. Par rapport à janvier, l'indice de la marche des affaires recule le plus pour les cantons de Neuchâtel et de Vaud. En ce qui concerne l'indice pour l'entrée des commandes, Genève voit son indice dévisser de plus de 100 points entre janvier et avril, dont -77 points pour la seule période de mars à avril. L'appréciation de l'entrée des commandes s'est nettement détériorée en général, excepté pour le canton du Valais où l'indice reste positif, tout en reculant quand même de 15 points en avril. Dans la foulée, les carnets de commandes se désemplissent, les cantons les plus touchés étant Genève, Vaud et Neuchâtel.

Le secteur de la construction pour l'ensemble de la Romandie envoie quelques signes contradictoires. En effet, l'entrée des commandes a diminué de 15% au premier trimestre, par rapport au même trimestre de l'année passée, mais la hausse des réserves de travail (22,4%) et celle, plus modeste, des projets de construction en avril-juin (1,6%), laissent entrevoir une poursuite des activités de construction, certainement à un niveau moins élevé.

Après deux derniers trimestres de 2019 en hausse, les exportations romandes cèdent du terrain au cours des cinq premiers mois de 2020. Si elle n'ont reculé que de 2,7% au premier trimestre, les résultats pour avril-mai indiquent une chute de 51,5%. La branche des produits chimiques et pharmaceutiques tire son épingle du jeu avec une hausse, faible il est vrai, de 0,7% au cours des cinq premiers mois. Il n'en est pas de même de l'horlogerie et instruments de précision (46% des exportations totales), dont les exportations chutent de 36%.

GENEVE

L'indice conjoncturel CREA pour le canton de Genève s'est maintenu dans la zone avec une croissance au-dessus de l'équilibre au premier trimestre 2020, mais s'est replié par rapport au dernier trimestre de 2019. Jusqu'au troisième trimestre 2020, il perd en tout 1,6 point et atteint la valeur la plus basse depuis 2013. Son écart de production par rapport à l'équilibre se monte à -1%, mais il reste de 1,9 point au-dessus de la valeur suisse.

VAUD

Au premier trimestre de 2020, l'indice CREA pour le canton de Vaud a reculé de 1 point et s'est retrouvé tout juste au niveau critique séparant expansion et contraction des activités économiques. Après une brève remontée au deuxième trimestre, il perd 1,5 point au troisième trimestre et tombe dans la zone de contraction. Comme pour les autres cantons analysés ici, la valeur de l'indice vaudois reste cependant supérieure à la valeur suisse, avec un écart de 2,2 points, confirmant sa tendance, observée depuis le troisième trimestre 2019, à évoluer au-dessus de l'indice suisse.

FRIBOURG

L'indice CREA pour le canton de Fribourg est le seul à tomber dans la zone de contraction au premier trimestre déjà en perdant 0,9 point par rapport au quatrième trimestre de 2019. Ensuite il recule encore de 0,8 point au cours des deuxième et troisième trimestres et se retrouve avec la valeur la plus basse parmi les cantons sous revue ici et avec un écart de production négatif de 1,6%. Il se maintient toutefois au-dessus de l'indice suisse, mais avec l'écart le plus faible parmi les cantons sous revue.

NEUCHATEL

L'indice conjoncturel CREA pour le canton de Neuchâtel est l'indice qui, avec celui du Jura, perd le plus de terrain par rapport au dernier trimestre observé, soit le premier de 2020. Avec un recul total de 1,4 point, l'indice neuchâtelois se retrouve également dans la zone de contraction avec un écart de production négatif de 1,2% par rapport à l'équilibre. Il se trouve en avant-dernière position, juste devant l'indice fribourgeois. Comme les autres indices, il reste cependant également supérieur à l'indice suisse.

VALAIS

L'indice CREA pour le canton du Valais se comporte parfois à contresens des autres indices analysés ici. Ainsi, après un passage dans la zone de contraction au quatrième trimestre 2019, l'indice se redresse nettement au premier trimestre 2020, en gagnant 1 point, alors que les indices des autres cantons s'essoufflent. Il gagne même encore 0,8 point au deuxième trimestre, imitant en cela l'indice vaudois. Ensuite il perd cependant 1,4 point et repasse dans la zone de contraction, mais de peu. C'est l'indice qui affiche l'écart le plus important avec la valeur suisse, en l'occurrence +2,7.

JURA

L'indice CREA pour le canton du Jura reste solide au deuxième trimestre, mais se replie ensuite de 1,8 point, ce qui constitue le recul le plus important parmi les indices cantonaux sous revue ici. Il tombe dans la zone de contraction, pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2017. L'écart de production atteint 1,1% par rapport à l'équilibre. Tout comme pour les autres cantons, l'indice reste supérieur à la valeur suisse.

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