Des villes (suffisamment) intelligentes

Salima Barragan

2 minutes de lecture

Partie 2. D’ici 2024, l’usage en temps réel du big data devrait augmenter de 63%. Pour le meilleur et pour le pire.

Dans une série en trois parties consacrées aux «smart cities», une expression qui serait sortie pour la première fois de la bouche de Bill Clinton en 2005, Allnews aborde dans ce deuxième épisode certains des risques encourus par des villes ultra-connectées, envahies par un big data omniprésent. Dans une dernière partie, nous nous intéresserons aux opportunités d’investissement du marché de la mobilité automatique.

Big data is watching you

Le big data est le fuel de la transformation numérique via l’IoT (internet des objets). La plupart des grandes villes en dépendront très vite… D’ici 2021, l’utilisation de ces précieuses données en temps réel augmentera de 63% et elles alimenteront des programmes d’intelligence artificielle, comportementale et prédictive.

A Seattle, le programme de surveillance des ports
a été stoppé net par une action citoyenne.

Des capteurs qui explorent l’environnement physique et nourrissent en données les services municipaux, c’est en principe très bien.  Mais la population - et c’est compréhensible - , voit d’un mauvais œil l’utilisation des données personnelles. Ainsi, à Seattle, le programme de surveillance des ports (par capteurs et caméras) élaboré conjointement avec la police, a été stoppé net par une action citoyenne.

D’ailleurs, qu’adviendrait-il si ces données tombaient entre les mains de sociétés privées? Quayside, la ville imaginée en lisière de Toronto par SideCity Lab, une filiale d’Alphabet, détiendra, par exemple, pléthore d’informations relatives aux piétons. Même si la maison mère de Google affirme que les données recueillies seront anonymisées, rien ne l’empêche de les utiliser à des fins publicitaires. Ce que le groupe fait depuis longtemps avec son incontournable moteur de recherche. De son côté, Bill Gates projette la création de Belmont, un véritable hub de données et de véhicules autonomes implanté au milieu de l’Arizona. Ces modèles de surveillance urbaine séduiront-ils?

Le flop de Songdo

Songdo, une oasis high tech sud-coréenne créée à partir de zéro, est une ville ultra-connectée et surcontrôlée, disposant de 500 caméras de surveillance, où chaque bouche d’égout est reliée à une centrale de contrôle. Mais avec 60% des surfaces résidentielles et commerciales vacantes, «le ghetto des riches», comme l’a surnommé «Le Monde», n’a pas su convaincre (malgré sa politique de bas carbone…).

On peut s’interroger sur le «bien-être» d’une population
vivant sous des cieux grouillant de drones.

En juillet, la Corée du Sud a annoncé qu’elle testera un service postal de livraison par drones (du matériel médical dans un premier temps) «pour le bien-être de ses habitants». S’il est exact que ces engins permettent de réduire les charges de transport des biens physiques, un peu comme internet a supprimé le coût du cheminement de l’information, on peut s’interroger sur le «bien-être» d’une population vivant sous des cieux grouillant de drones. D’autant qu’une flotte de drones de surveillance est également prévue pour monitorer les grands axes routiers.

Quid des libertés individuelles

On l’aura compris: le flot de données personnelles ainsi récolté par des villes truffées de capteurs, de senseurs et de caméras sont de précieux atouts pour les entreprises désireuses de s’approprier les habitudes des consommateurs.  

En théorie, les Etats sont censés être garants des libertés individuelles. Mais en pratique, la sous-traitance des services numériques à des entreprises privés a mis en lumière certaines dérives. La ville de New York s’est dotée d’un réseau de plus de 7'500 points d’accès sans fil. Ce service était initialement dirigé par Qualcomm, spécialiste de la technologie mobile, puis racheté par Alphabet dont le modèle commercial consiste à géolocaliser les utilisateurs à des fins publicitaires. 

En Suisse, la transformation numérique peinerait à s’imposer
en raison de la tradition du respect de la sphère privée.

En Europe, depuis 2018, le RGPD (acronyme de règlement général sur la protection des données) stipule que toute donnée recueillie requière le consentement de l’utilisateur concerné. Mais comment transposer cette règle à la vie quotidienne, lorsqu’un «utilisateur» se promène dans un lieu public? En Suisse, la transformation numérique peinerait à s’imposer en raison de la tradition helvétique du respect de la sphère privée.

Une vulnérabilité accrue au cyberterrorisme

L’IoT, un système de dispositifs communiquant entre eux en permanence, ouvre de nouvelles vulnérabilités potentielles aux cyberattaques. Celles des réseaux électriques sont devenues un enjeu politique majeur depuis la panne électrique qui a touché le réseau ukrainien fin 2016, due, selon le département de la Sécurité intérieure américaine, à une manipulation par des hackers. Imaginez le piratage des services d’éclairage et des feux de signalisation routière d’une ville comme Tokyo? Un chaos total. 

Deuxième volet d’une série de trois articles. Prochaine et dernière parution: lundi 26 août.
Lire le premier volet en cliquant ici.

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