Chine: la saga de deux mondes

Stuart Dunbar, Baillie Gifford

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L’économie chinoise connaît un changement radical à grande échelle, un moment opportun pour investir sur le long terme.


Investir en Chine n’a pas été de tout repos ces dernières années, le marché chinois ayant eu une performance inférieure à celle de la plupart des autres marchés. A juste titre, peut-être.  Cependant, la Chine enregistre un boom industriel et une transition économique impressionnants, ce qui offre des opportunités pour les investisseurs en titres de croissance.

La politique intérieure, pivot de la croissance

Alors que les marchés se focalisent sur la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, il ne faut pas perdre de vue l’important pour les entreprises chinoises, à savoir les décisions de politique économique intérieure de Xi Jinping. 

Depuis septembre 2024, elles ont radicalement changé:  le gouvernement a annoncé un plan qui vise à stabiliser les secteurs économiques clés et à relancer la croissance. Par ailleurs, les décideurs politiques ont également pris de sérieuses mesures pour restaurer la confiance dans le secteur privé, en particulier dans les secteurs des services internet et de la technologie.

L’émergence de DeepSeek constitue également un tournant. En rendant l’IA plus facile d’accès et moins chère, elle transforme l’industrie liée à internet et permet d’espérer des gains d’efficacité, de nouvelles sources de revenus, un engagement utilisateur plus important et une amélioration de la rentabilité. Des entreprises telles que Tencent, Alibaba, PDD, Meituan et ByteDance sont bien placées pour bénéficier de ce changement.

Ce qui importe, c’est le changement à grande échelle

Il faudra du temps pour réorienter une économie d’une telle envergure et la faire passer d’un modèle axé sur les infrastructures et l’endettement à un modèle alimenté par l’innovation et la consommation intérieure. Cependant, pour les investisseurs qui sélectionnent les titres avec une vision à long terme, cette transformation à grande échelle importe bien plus que la croissance globale qu’elle induit.

Pour la première fois depuis deux ans, les flux d’investissements étrangers vers les valeurs chinoises sont redevenus positifs au quatrième trimestre 2024.

Prenons l’exemple de la consommation des ménages. Elle présente une dichotomie intéressante avec, d’un côté, une demande des consommateurs aisés qui reste soutenue pour des marques de luxe telles que Kweichow Moutai et de l’autre, une demande forte pour les produits à prix réduits proposés sur la plateforme de commerce en ligne Pinduoduo (PDD). On constate également le retour des achats basés sur l’expérience client.

Le marché chinois représente 3% de l’indice MSCI World. Mais si l’on se concentre sur les entreprises dont la croissance annuelle du chiffre d’affaires est attendue a plus de 20% ces trois prochaines années, 35% de ces entreprises sont chinoises ! Aucun autre pays n’enregistre un changement aussi radical et à une telle échelle.

Innovation: un géant ignoré 

Pendant des décennies, la Chine a été considérée comme une «imitatrice». Cette vision est de plus en plus dépassée. Les entreprises chinoises sont à l’origine de percées majeures dans de nombreux secteurs et leurs innovations séduisent toujours davantage les consommateurs du monde entier. BYD est totalement absent du marché américain des véhicules électriques, par contre, il augmente sa part de marché en Asie du Sud-Est et en Amérique latine ainsi que sur des marchés plus matures tels que l’Australie ou la Norvège. Le «fabriqué en Chine» devient «inventé en Chine».

Géopolitique: toujours un sujet d’actualité?

Même si les droits de douane et la géopolitique représentent toujours un risque pour la classe d’actifs, il faut souligner le recul de l’interdépendance des économies chinoise et américaine. Proportionnellement, depuis la première guerre commerciale, les exportations chinoises vers les Etats-Unis ont diminué et il en a été de même pour les importations américaines en provenance de Chine. Bon nombre d’exportateurs chinois ont diversifié la destination de leurs exportations et créé des centres de production en dehors de la Chine.

En outre, la majorité des entreprises chinoises réalisent la majeure partie de leur chiffre d'affaires sur le marché intérieur et on observe une évolution structurelle vers les fournisseurs locaux dans le secteur des hautes technologies. Par exemple, AMEC et Naura intensifient leurs efforts pour combler le vide créé par les contrôles américains à l’exportation sur les équipements destinés à la production de semi-conducteurs. Horizon Robotics est en passe de devenir la «réponse chinoise à NVIDIA» pour la fabrication de puces électroniques.

La voie à suivre

A l’international, le sentiment des investisseurs vis-à-vis de la Chine a évolué: le pessimisme extrême s’est transformé en une volonté de regarder plus loin que les grandes valeurs technologiques américaines. Pour la première fois depuis deux ans, les flux d’investissements étrangers vers les valeurs chinoises sont redevenus positifs au quatrième trimestre 2024.

Une expérience de plus de 30 ans dans l’investissement en Chine nous a enseigné ceci: lorsque ce pays connaît des changements, ces derniers sont remarquablement rapides et ils se produisent à très grande échelle. Or, c’est souvent durant les phases de changement et d’incertitude que les opportunités les plus intéressantes se présentent. En outre, ce qui est tout aussi important, le changement intervient à un moment où de nombreuses entreprises chinoises en croissance affichent des valorisations qui ne reflètent pas leur potentiel à long terme. Il y a donc de quoi être vraiment optimiste.

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