Donation (mixte) d’un bien immobilier et imposition du gain

Michel Abt, FBT Avocats

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L’imposition du gain immobilier est différée lorsque le bien est transféré par donation. Un arrêt récent du Tribunal fédéral en précise les contours.

Il est courant que des propriétaires transmettent leurs biens immobiliers à des proches dans une perspective d’anticipation successorale. Une telle transmission implique de réfléchir à l’imposition du gain immobilier.

Sur la base des règles d’harmonisation prévues par le droit fédéral, un impôt cantonal doit être perçu sur les gains immobiliers privés. Ces mêmes règles fédérales prévoient que l'imposition est différée en cas de transfert de propriété par succession (dévolution d'hérédité, partage successoral, legs), avancement d'hoirie ou donation (art. 12 al. 3 let. a LHID). Les cantons sont tenus par cette liste.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la notion de donation est harmonisée et le report de l'imposition à ce titre doit être admis non seulement en cas de donation pure, mais également en cas de donation mixte. En général, une donation mixte est admise lorsque la contreprestation est 25% inférieure à la valeur vénale du bien immobilier. Dans un tel cas, a fortiori entre proches, on considèrera que le vendeur avait l’intention de donner partiellement le bien.

Les parties courent un risque supplémentaire que la transaction ne soit pas qualifiée de donation au titre de l’impôt sur les gains immobiliers et que le gain immobilier soit taxé.

Illustrons le propos. Dina, domiciliée dans le canton de Genève, vend son bien immobilier à son neveu, Max, au prix de 1'900'000 francs, correspondant à la valeur vénale du bien. Dans ce cas, Dina paie l’impôt sur le gain immobilier; celui-ci est calculé selon la durée de détention de Dina. En revanche, si Dina souhaite favoriser son neveu et lui vend le même bien immobilier au prix de 1'200'000 francs, il s’agit d’une donation mixte. Dina n’est pas imposée sur le gain immobilier ; le gain immobilier sera imposé lors de la revente du bien par Max. En revanche, Max qui bénéficie des largesses de sa tante sera imposé au titre de donation sur la différence entre la valeur vénale et le prix payé. Comme la donation s’élève à 700'000 francs dans ce cas, Max devra payer un impôt d’un peu plus de 191'000 francs.

Les choses se compliquent lorsque la contreprestation en espèces est complétée par d’autres «prestations». Un cas assez fréquent réside dans le fait que l’acquéreur confère un usufruit à l’aliénateur. Il arrive également que l’acquéreur reprenne la dette hypothécaire.

Dans sa loi (art. 58 LCdir-NE), le canton de Neuchâtel a défini de manière automatique certains cas (réserve d’usufruit ou reprise de dette) comme des donations, sans examiner s’il y a disproportion entre la valeur du bien et la contreprestation. Selon le Tribunal fédéral, cette approche viole le droit fédéral.

L’arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 9C_22/2024 du 21 mars 2025) précise que la reprise de la dette hypothécaire est toujours une contreprestation. Cette reprise de dette doit être incluse pour déterminer si on se trouve, ou non, dans un cas de donation mixte.

La réserve d’usufruit constitue une difficulté supplémentaire car elle n’est pas appréhendée de la même manière dans tous les cantons. Le fisc est susceptible de considérer que la valeur vénale du bien est réduite de la valeur de l’usufruit ou de partir d’une valeur vénale non réduite et de considérer l’usufruit comme une contreprestation. Si le fisc procède comme ceci, il augmente la valeur des contreprestations. Par conséquent, les parties courent un risque supplémentaire que la transaction ne soit pas qualifiée de donation au titre de l’impôt sur les gains immobiliers et que le gain immobilier soit taxé.

Lorsqu’une personne donne son bien immobilier à un tiers en échange de la reprise de la dette hypothécaire et de l’octroi d’un usufruit, il existe un risque qu’un gain immobilier soit tout de même taxé. Comme le donateur a «donné» la nue-propriété du bien, il n’a pas encaissé de prix, si bien que la taxation du gain immobilier peut éventuellement lui poser un problème de trésorerie.

En conclusion, le gain immobilier n’est certes pas taxé en cas de donation… mais il n’est pas toujours simple de savoir si l’on se trouve bien dans un cas de donation. Une réflexion préalable approfondie est indispensable avant de conclure la donation. Selon les circonstances, un ruling sera utile pour écarter toute incertitude.

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