Habituée depuis toujours à évoluer dans un environnement réglementaire normé, la finance fait face, ces dernières années, à un durcissement des réglementations, en particulier s’agissant des questions d’investissements durables.
Ce mouvement s’accompagne de critiques croissantes à l’égard du monde financier à qui certains prêtent parfois la mauvaise intention du «greenwashing». Lors d’un récent sondage1, plus de la moitié des clients bancaires interrogés pensent que le «greenwashing» est un phénomène répandu.
S’ajoute un troisième facteur, sous la forme d’une idée reçue qui se répand de façon grandissante: les investissements durables ne seraient pas rentables et les investisseurs encouragent les sociétés de gestion à se concentrer uniquement sur la performance.
Bien sûr, il faut réglementer pour protéger l’investisseur; bien évidemment il faut dénoncer le «greenwashing»; bien entendu, un fonds est destiné en priorité à servir un rendement à un investisseur. Mais prenons garde aux excès. Après avoir sauté à pieds joints dans le train de l’investissement durable, plusieurs grands investisseurs ont récemment menacé d’abandonner cette politique, devenue trop contraignante, et peu appréciée par le président américain. Dans ce cas, ils ne déstabiliseront pas seulement l’équilibre économique d’une partie de l’industrie financière. Ils affaibliront surtout l’économie réelle, en réduisant des financements clefs pour les entreprises qui tentent de développer des solutions durables. Ce qui ne serait bon ni pour l’économie, ni pour la planète.
Dans ce contexte difficile, le Private Equity offre de l’optimisme. A condition de savoir transformer ces contraintes en opportunités, c’est-à-dire en ayant recours à l’investissement à impact. Cela impose en premier lieu de se rappeler le principe de base de la finance: le temps est le meilleur ami de la rentabilité. Seul un investisseur de long terme a les capacités d’anticiper les crises, de se protéger au mieux des différents aléas. Trop d’acteurs l’ont oublié ces dernières années, marquées par un environnement de taux nuls ou négatifs, qui poussait à la rentabilité facile sur le court terme. Maintenant une seule règle doit nous guider: ce qui n'est pas rentable n'est pas durable, l'inverse étant vrai également. Or l’impact, justement, ne se mesure et ne se perçoit que sur le temps long.
L’investissement à impact, très simplement, consiste à s’assurer de l’utilité sociale et environnementale du projet que l’on finance. L’investisseur n’est plus seulement un financier, un comptable. Il doit raisonner en industriel, en ingénieur et même, parfois, en sociologue ou en géologue.
Prenons l’exemple de l’étalement urbain. De nombreuses villes se retrouvent aujourd’hui avec, en leur centre ou à leur frontière, des milliers d’hectares de terrain sur lesquels on trouve de vieilles usines ou des friches abandonnées. Ces terrains, fortement pollués la plupart du temps, n’intéressent pas les promoteurs car ils ne peuvent pas facilement être financés par le recours à l’endettement. Seule une finance axée sur le long terme et guidée par l’impact peut, au contraire, racheter ces terrains, prendre le temps de les assainir, de négocier avec les entités publiques pour obtenir des droits qui permettent de régénérer les villes, ramener la vie dans des endroits abandonnés, construire d'une manière efficiente des bâtiments, ramener le commerce et l'activité, et in fine faire revivre des quartiers. Un moyen de créer de la valeur environnementale, sociale.
L’investissement à impact, justement, transforme la manière d’aborder les questions de rentabilité en invitant à raisonner différemment. De quelle rentabilité parlons-nous, in fine? S’agit-il d’une rentabilité à deux chiffres ayant recours à de l'ingénierie financière, à l'effet de levier, à la création artificielle de valeur aboutissant à beaucoup de cyclicité dans les performances? Non! Cette rentabilité-là est forcément mauvaise, car elle ne permet pas de passer les cycles de crise, elle n’est pas durable. Ou bien s’agit-il de la rentabilité réelle, qui découle d’une juste valorisation des gains permis par la réduction des externalités négatives. Un «rendement raisonnable», qui témoigne d’une vraie création de valeur, financière et sociétale. Ce bénéfice «immatériel» s’ajoute au rendement financier pour former la vraie rentabilité de l’investissement. Là aussi, le Private Equity permet cette approche. En s’inscrivant dans une logique de long terme, le Private Equity ne se contente pas uniquement de financer des entreprises, il les accompagne dans la construction d’une économie plus résiliente et durable. Allier impact et rendement n’est plus une alternative, mais une nécessité: c’est ainsi que nous créerons une valeur qui traverse les cycles, bénéfique tant pour les investisseurs que pour la société et les générations futures.