La Suisse doit se doter d’un système de contrôle des investissements étrangers dans les entreprises helvétiques. Le Conseil des Etats a accepté lundi d’entrer en matière sur cette loi par 29 voix contre 16, contre l’avis de la commission compétente et de la droite.
Le projet vise à instaurer un examen des achats par des investisseurs étrangers étatiques d’entreprises suisses actives dans un domaine critique. Il s’agit par exemple du matériel militaire, de la production d’électricité ou encore des hôpitaux.
Le Conseil fédéral y est opposé, mais a dû mettre en oeuvre une motion des Etats. Le Conseil national est lui favorable au projet et a même décidé d’aller plus loin en imposant ce contrôle non seulement à des entreprises étrangères étatiques, mais aussi aux privées.
Bureaucratie et coûts élevés
L’expérience montre que ces contrôles, chers et bureaucratiques, conduisent rarement à des interdictions d’investissements, a critiqué pour la commission Thierry Burkart (PLR/AG).
Les investissements directs étrangers qui ne posent pas de problème sur le plan stratégique seraient plus compliqués, alors qu’ils sont absolument nécessaires. Il faudrait aussi s’attendre à ce que la Suisse fasse l’objet de mesures de rétorsion d’autres pays si elle s’engage sur cette voie. Enfin, les infrastructures critiques sont en grande partie en mains publiques, le risque d’acquisitions indésirables d’un point de vue stratégique est donc limité.
Le conseiller fédéral Guy Parmelin, en charge du dossier, a déroulé les mêmes arguments. De plus en plus d’entreprises de pays émergents ou autoritaires investissent à l’étranger, c’est un fait. A ce jour, on ne connait toutefois aucune acquisition qui aurait mis en péril l’approvisionnement ou la sécurité de la Suisse.
De plus, le rapport entre l’utilité de l’instrument de contrôle et son coût doit être pris en compte, a poursuivi le Vaudois. Il y aura des charges administratives, des frais de procédure pour les entreprises, et possiblement des mesures et sanctions devraient être prononcées contre ceux qui ne se mettent pas en conformité: «l’attrait de notre place économique peut être en danger».
Contexte critique
Dans le contexte géopolitique actuel, une discussion s’impose et il faut agir, ont cependant pointé avec succès des sénateurs centristes et de gauche. Il n’existe actuellement pas d’instrument suffisamment efficace pour protéger la Suisse contre les investissements directs qui posent problème, a dit Peter Hegglin (Centre/ZG). Avec le retour de mesures protectionnistes au niveau international, les petits Etats comme la Suisse doivent prendre des précautions.
La Chine par exemple investit directement à l’étranger depuis quelques années dans un but de renforcement de ses intérêts étatiques géostratégiques, et pas dans une logique de marché, a abondé Carlo Sommaruga (PS/GE).
De nombreux pays de l’UE et de l’OCDE disposent déjà d’un tel système, a aussi rappelé Beat Rieder (Centre/VS), auteur de la motion ayant abouti à cette révision de loi. Il est possible d’améliorer encore le projet du Conseil fédéral, afin de l’encadrer strictement, mais pour cela il faut entrer en matière.
Et de signaler un paradoxe: le Parlement veut, avec la législation sur les ayants droit économiques, davantage contrôler les entrepreneurs suisses. Mais il refuserait de contrôler un minimum les investissements étrangers dans un secteur critique, s’est irrité le Valaisan.
Il ne s’agit toutefois pas d’aller aussi loin que le National, ce serait contre-productif, ont souligné la plupart des orateurs. Le dossier repart en commission pour être examiné.