La Suisse reste un lieu privilégié pour les investissements en private equity

Yves Hulmann

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Claudia Kobler, partenaire chez Bain & Company, observe qu’en Europe germanophone, le volume des transactions s'est élevé à près de 33 milliards de dollars en 2024, soit presque le double de l'an précédent.

 

 

La société de conseil Bain & Company a publié cette semaine son étude consacrée aux investissements dans le private equity sur le plan mondial en 2025. Le point sur les tendances pour le marché suisse et mondial avec Claudia Kobler, partenaire chez Bain & Company à Zurich et experte du domaine du capital-investissement (private equity).

Comment caractériseriez-vous le marché suisse du private equity?

Le marché suisse du private equity se caractérise par une grande stabilité et une forte attractivité. Grâce à un environnement économique robuste, à la stabilité politique et à un secteur financier bien développé, la Suisse reste un lieu privilégié pour les investissements en private equity. La présence de nombreuses entreprises innovantes, notamment dans les secteurs de la technologie et de la santé, offre en outre de multiples opportunités d'investissement.

Comment le marché suisse du private equity a-t-il évolué l'année dernière et quelles sont vos prévisions pour cette année?

L'année dernière, le volume des opérations de rachat a augmenté dans le monde entier. L'accumulation de la demande de transactions («deals») et la baisse des taux d'intérêt y ont contribué. En Europe germanophone (Suisse, Allemagne, Autriche), le volume des transactions s'est élevé à près de 33 milliards de dollars en 2024, soit presque le double de l'année précédente. Le nombre de transactions a également bondi en 2024, dépassant légèrement les 200. 

Pour 2025, nous prévoyons une nouvelle évolution positive du marché des deals. Les conditions macroéconomiques et les évolutions politiques joueront un rôle majeur. Dans l'ensemble nous constatons que les investisseurs institutionnels ont tendance à accroître leurs allocations dans les placements alternatifs, y compris le private equity. En outre, les investisseurs privés fortunés contribueront de manière déterminante à la croissance des placements alternatifs dans les années à venir.

«Dans l'ensemble nous constatons que les investisseurs institutionnels ont tendance à accroître leurs allocations dans les placements alternatifs, y compris le private equity.»

Au niveau mondial, qu’est-ce qui ressort du dernier rapport Bain & Company?

En bref, le private equity est de retour. Après deux années moroses la reprise du secteur en 2024 a commencé à prendre forme. La hausse des activités d'investissement et le succès des ventes de participations sont déterminants à cet égard. Mais les distributions restent faibles, ce qui a des répercussions sur les liquidités et la collecte de fonds. En 2024 la collecte de fonds est restée en deçà de l'année précédente. L'incertitude quant à l'évolution future des taux d'intérêt, de l'inflation, des conflits commerciaux et géopolitiques continuera elle aussi d'influencer l'évolution du marché. Si les liquidités reviennent et que la reprise du marché se poursuit, les fonds de private equity qui affichent une stratégie claire et différenciée et des performances cohérentes sur le long terme feront partie des gagnants.

Quels chiffres pouvez-vous fournir en comparaison avec les années précédentes?

Le volume des transactions de rachat a s’est envolé de 37% dans le monde en 2024 pour atteindre 602 milliards de dollars, ce qui résulte non seulement de l'accumulation de la demande, mais aussi de la baisse du niveau des taux d'intérêt. Parallèlement, le marché des cessions de participations, qui était gelé ces derniers temps, a connu un regain d'activité. Ainsi, le volume global des sorties des fonds de rachat a grimpé de 34% l'année dernière pour atteindre 468 milliards de dollars US. Cette valeur reste toutefois nettement inférieure à la moyenne sur cinq ans, il y a dans le monde un arriéré d'environ 29 000 candidats potentiels à la vente.

«Le secteur technologique est et reste la colonne vertébrale du marché du private equity. A l'échelle mondiale, il a représenté l'an dernier 33% du volume des rachats d'entreprises et 26% des transactions.»

Quels sont les secteurs les plus importants et les plus rentables pour les années 2024 et 2025?

Le secteur technologique est et reste la colonne vertébrale du marché du private equity. A l'échelle mondiale, il a représenté l'an dernier 33% du volume des rachats d'entreprises et 26% des transactions. Le secteur de l'intersection de la technologie et de la santé, où l'on a récemment observé une activité accrue, se développe en outre de manière particulièrement dynamique. Parmi les autres secteurs, le secteur des services financiers a enregistré en 2024 une hausse de 92% de la valeur des transactions en glissement annuel, tandis que le secteur industriel a enregistré une croissance de 81%.

Pourquoi la levée de fonds a-t-elle diminué en 2024? Quelle sera la situation en 2025?

En raison du retard pris par les sorties, les possibilités pour les fonds d'associer leurs investisseurs à leur succès sont limitées. La part des distributions dans la valeur de toutes les participations est tombée à 11% en 2024, soit le niveau le plus bas de ces 10 dernières années. C'est l'une des raisons pour lesquelles les investisseurs sont plutôt réticents à investir dans de nouveaux fonds. 

L'année dernière, le secteur du private equity dans son ensemble a levé 1,1 billion de dollars américains, ce qui représente environ un quart de capital en moins par rapport à l'année précédente. Et le fait que les fonds de rachat mettent actuellement en moyenne 20 mois pour être clôturés, au lieu de 11 mois avant la crise pandémique du Corona, souligne le défi que représente la levée de nouveaux fonds dans le contexte actuel. La pression croissante sur les marges renforce la concurrence. Les économies d'échelle gagneront en importance à l'avenir, et les fusions dans le secteur du private equity devraient également se multiplier. En outre, la base d'investisseurs change : en plus des investisseurs essentiellement institutionnels dans le domaine du private equity, les fonds souverains et les investisseurs privés fortunés contribueront à la majeure partie de la croissance des placements alternatifs au cours des dix prochaines années. 

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