Les US vont-ils dans le mur?

Thomas Fonsegrive, Marigny Capital

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Analogie de l’exposé de Richard Branson pour devenir millionnaire: pour devenir la deuxième puissance mondiale, il suffit d’être la première puissance mondiale et de faire n’importe quoi.

Dans les années 1980, Richard Branson avait exposé sa méthode pour devenir rapidement millionnaire: «Pour devenir millionnaire, il suffit d’être milliardaire et de créer sa propre compagnie aérienne». Analogie: «Pour devenir la deuxième puissance mondiale, il suffit d’être la première puissance mondiale et de faire n’importe quoi».

Vous me ferez remarquer à juste titre que quand on est tout en haut, il n’y a de la place qu’en dessous. Mais comment ne pas être sidéré par l’ampleur et la vitesse du changement?

Pour le président américain tout est une transaction. Son mandat a commencé la veille de son investiture (intronisation?) par un crypto actif douteux. Aujourd’hui il promet la protection des US au Canada à condition de devenir le 51e Etat.

Du point de vue économique et diplomatique, puisque les deux sujets n’en font plus qu’un désormais, il estime que le fait de vendre des biens aux US est un privilège pour les exportateurs, en contrepartie duquel il conviendrait donc de s’acquitter d’une taxe : les fameux «tariffs» que sont les droits de douane.

Or, comme le sait toute personne qui a reçu un colis en provenance de Grande Bretagne depuis quelques années, les droits de douane ne sont pas payés par les pays exportateurs, mais par les consommateurs qui souhaitent acquérir ces produits en provenance de l’étranger.

Pour faire très court, une hausse des droits douane oriente la consommation des ménages vers les biens exemptés de ces droits, c’est-à-dire ceux fabriqués localement, puisqu’ils sont moins chers. En tout cas au départ puisqu’en pratique une hausse des droits de douane augmente naturellement les prix et fait baisser la qualité: les producteurs locaux augmentent leurs prix pour être positionnés juste sous les biens importés, sans devoir démontrer une qualité au moins équivalente au bien taxé. Pour le consommateur cela enlève une concurrence qui participe à améliorer la qualité des biens et à tirer les prix vers le bas.  Les droits de douane sont donc par nature inflationniste.

Certes me répondront les défenseurs de cette stratégie, mais l’administration en place prévoit d’annuler l’impôt sur le revenu pour les ménages, «y compris ceux gagnant moins de 150k USD par an» comme l’annonçait le secrétaire d’Etat au Commerce Howard Lutnickle 13 mars 2025. C’est effectivement une mesure de nature à assurer la popularité du président mais la réalité est que cette baisse d’impôt, en plus de participer à l’inflation, ne suffira pas à compenser la hausse du coût de la vie résultant de la hausse des droits de douane pour ces ménages. Ils verront leur pouvoir d’achat diminuer sous l’effet de l’inflation, et ne pourront plus compter sur les services de l’état fédéral qui auront été supprimé ou privatisé.

Le marché action US en forte baisse

La réaction des marchés actions est intéressante. De nombreux analystes avait indiqué en début d’année que les actions européennes pourraient surperformer les actions US. Ce trade est un marronnier chaque début d’année et systématiquement les US écrasent la concurrence de janvier à décembre. Cependant après une hausse des marchés post élection en novembre 2024, les dernières semaines leur ont donné raison puisque les marchés US corrigent fortement pendant que l’Europe résiste.

Performance comparée du S&P500 et de l’EuroStoxx50 depuis l’élection présidentielle US


(source : Bloomberg et Marigny Capital)

 

Il faut bien avouer que le pouvoir exécutif US donne l’impression, avec ses multiples volte faces et effets d’annonce contradictoires parfois dans la même journée, de ne pas avoir de ligne directrice. Les conséquences de cette politique sont toutefois assumées puisque le fracas de la destruction des alliances historiques sur fond de tariffs et de menace d’annexion isole les Etats-Unis de ses voisins et de ses (ex) alliés. Cet environnement est par nature créateur d’incertitude, et les marchés n’aiment pas beaucoup ça comme on peut le mesurer en regardant l’évolution du Vix.

Evolution du Vix depuis l’élection US


(source : Bloomberg et Marigny Capital)

 


Et donc les valeurs les plus chères sont celles qui sont vendues le plus rapidement. Donc la tech est en souffrance, et le marché action US se trouve confronté au risque politique comme rarement dans son histoire.

Et pour l’investisseur, que faire en 2025?

En réponse à la transformation du régime politique aux Etats-Unis l’Europe se voit aujourd’hui dans l’obligation d’évoluer. Pour faire face à la menace russe les premiers jalons d’une défense européenne ont été posés la semaine dernière, avec des investissements au niveau européen et des aménagements pour les budgets des états. Cela pèsera sans doute sur les taux d’emprunt souverain pendant les prochains mois, mais c’est une étape nécessaire.

Alors que le premier trimestre n’est pas encore terminé, j’encouragerai les investisseurs européens à se concentrer sur les valeurs du vieux continent pour profiter de la volatilité actuelle, du niveau des taux et des points d’entrée attractifs sur des valeurs significativement moins chères que leur équivalent yankee. C’est simple voire simpliste, mais au milieu de ce maelstrom d’informations lunaires l’Europe, sans être parfaite, ressemble à un phare de sagesse et de stabilité. C’est un marché de 450 millions d’habitants qui aspirent à vivre en paix avec leurs voisins, en plus d’être la troisième économie du monde. Elle est en mesure de grandir davantage et de défendre ses valeurs maintenant que l’heure a sonné. C’est en tout cas l’avis du marché depuis le début de l’année.

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