Né en Afrique du Sud avant de s’établir en Australie au milieu des années 1990, Manny Pohl a co-fondé et travaillé pour différentes sociétés d’investissement basées en Australie. Ingénieur électricien de formation, le co-fondateur d’ECP Asset Management en 2012 s’est d’abord focalisé sur le marché des entreprises de taille moyenne. Il a ensuite lancé un fonds global – pour lequel la Suisse est un marché de distribution clé - qui met toujours l’accent sur des entreprises de taille moyenne. Le fonds ne se fixe pas de restrictions, ni sur le plan sectoriel, ni d’un point de vue géographique. Manny Pohl explique pourquoi il vaut mieux selon lui miser sur un portefeuille de titres relativement concentré, basé sur une sélection ultrarigoureuse, plutôt que de viser une diversification la plus large possible.
Pouvez-vous expliquer, dans les grandes lignes, quelle est l’approche d’investissement utilisée par ECP Asset Management?
Quel que soit l’environnement de marché ou la période considérée, j’ai toujours analysé les actions sur la base d’une approche allant du bas vers le haut, ou «bottom-up» comme on l’appelle en anglais. Chez ECP Asset Management, nous préférons aussi investir dans des entreprises qui évoluent dans des économies qui se trouvent en phase d’expansion et nous préférons nous en tenir à un portefeuille de titres relativement concentré. La diversification est souvent l’excuse donnée pour justifier un examen insuffisant. Nous préférons être certain du profil de croissance des sociétés dans lesquelles nous investissons, être certain de sa capacité à préserver son capital et, surtout, être sûrs de nos prévisions concernant une entreprise. C’est pourquoi nous concentrons notre portefeuille autour d’un nombre relativement limité de titres d’environ 30 à 45 sociétés. Nous préférons aussi investir dans des sociétés qui sont capables de croître sur la base d’une croissance organique plutôt que par le biais d’acquisitions. Lorsqu’une entreprise procède à une acquisition qui représente à une part importante de sa valeur, par exemple plus de 30%, nous préférons même parfois revendre la position car il se peut que cela change la nature de son activité.
«Nous n’achetons jamais une action uniquement parce qu’elle semble bon marché.»
Quels sont les secteurs que vous privilégiez ou au contraire préférez éviter?
Nous ne tenons pas du tout compte des secteurs, en tant que critère d’investissement, lorsque nous sélectionnons des actions d’entreprises. Il y a certes certaines branches dans lesquelles nous ne sommes pas investis actuellement – comme les services aux collectivités (utilities), l’énergie ou l’immobilier. Mais cela est le résultat de notre processus d’investissement, non pas un choix délibéré ou un parti pris d’avance d’investir ou non dans tel ou tel secteur.
Vous assumez un biais «mid-cap» dans votre choix de titres, en mettant l’accent sur un style d’investissement de type qualité ou croissance. Pourquoi?
Si vous voulez vous différencier et générer une performance supérieure à celle d’un indice de référence, comme le MSCI World, vous avez plus de chances d’y parvenir en vous intéressant à des entreprises de petite et moyenne taille qui ne sont pas excessivement couvertes par les grandes banques et maisons de recherche. Si vous vous plongez dans l’analyse dans ces sociétés, il y a des chances que vous parveniez à trouver des informations que d’autres analystes ou gérants n’auront pas nécessairement relevées. En outre, nous avons aussi des limites de capacités – ECP Asset Management dispose d’une équipe de huit professionnels de l’investissement que nous voulons faire croître.
En optant pour un univers d’actions réparti au niveau mondial, il se peut qu’une entreprise performe bien mais que la devise dans laquelle celle-ci est principalement cotée perte de sa valeur. Comment intégrez-vous les risques de change?
Ayant grandi en Afrique du Sud, je suis particulièrement conscient des risques pouvant être liés à de soudaines variations de change. Une solution peut être d’éviter complètement d’être exposé à certaines monnaies ou certains pays. Une autre peut consister à recourir à des outils de protection contre les variations de change. Chez ECP Asset Management, nous ne considérons pas les variations comme une donnée externe à notre activité d’analyse mais celles-ci sont directement intégrées dans les calculs prévisionnels de l’IRR de chaque entreprise. Nous établissons des prévisions non seulement concernant le modèle d’affaires de chaque société nous intégrons aussi des prévisions concernant les devises avec lesquelles les entreprises travaillent principalement.
«La durabilité est un aspect qui doit être pris en compte de manière globale – non pas en cochant des cases dans des questionnaires.»
Sélectionnez-vous aussi des actions sur une base opportuniste – par exemple suite à une forte baisse de cours qui vous semblerait exagérée?
Le prix d’une action est certainement le dernier aspect que nous regardons quand nous décidons d’investir ou non dans une entreprise. Nous n’achetons jamais une action uniquement parce qu’elle semble bon marché.
Bien sûr, il peut arriver, après que nous avons déjà commencé à analyser une société – par exemple, parce que nous jugeons son modèle d’affaires ou ses perspectives comme intéressantes – que sa valeur boursière chute entretemps, rendant ainsi le titre plus attrayant en comparaison de nos estimations concernant son rendement futur. Mais, encore une fois, nous n’achèterons jamais un titre uniquement parce que son cours a baissé, même si cette baisse a été excessive.
Un autre aspect incontournable du moment est la durabilité et la prise en compte des critères ESG. Comment intégrez-vous cette dimension dans votre approche d’investissement?
La durabilité fait partie intégrante de notre processus de sélection et d’analyse. Même avant que les critères ESG aient été autant mis en évidence qu’aujourd’hui, nous nous sommes assurés que les entreprises dans lesquelles nous investissons aient des pratiques durables. La durabilité est un aspect qui doit être pris en compte de manière globale – non pas en cochant des cases dans des questionnaires.
Aujourd’hui, à l’approche de chaque saison des résultats, il y a des investisseurs qui veulent s’assurer que les droits de vote soient correctement exercés lors des assemblées générales, en vérifiant que les critères de gouvernance d’entreprises soient bien pris en compte. De mon point de vue, si je pense que la qualité de la gouvernance d’une entreprise n’est pas suffisante, alors je préfère tout simplement ne pas investir dans cette société-là. Si vous n’êtes pas sûr que les pratiques d'une entreprise soient correctes, n’achetez tout simplement pas les titres de cette entreprise! Plutôt que de tenir compte des seuls critères ESG, nous utilisons une approche d’analyse plus large appelée PESTEL, qui tient compte de critères à la fois politiques, économiques, sociétaux, technologiques, environnementaux et légaux.