Les banques de gestion suisses présentent de bons résultats pour 2024. L’argent frais continue d’affluer. Dans un environnement international troublé, Rothschild & Co Bank, dirigée depuis 2016 par Laurent Gagnebin, fait également preuve de résilience. Les actifs sous gestion ont crû de 17,3% à 35,1 milliards de francs en 2024 et l’argent frais s’élève à 1,3 milliard de francs. Si le bénéfice net a diminué de 20%, il le doit au recul des produits d’intérêts, mais la marge opérationnelle atteint 20,3%. Laurent Gagnebin, CEO d’un établissement de 460 employés (447 en 2023) employés, répond aux questions d’Allnews:
Est-ce que les résultats de 2024 signalent un retour à la normale?
A l’image d’autres banques, la marge d’intérêts a diminué en 2024, ce qui a réduit nos revenus de 21,6 millions. Nous sommes particulièrement satisfaits par l’augmentation des commissions de 13,6% qui illustre la bonne santé de nos affaires. La collecte est très bonne, mais il est difficile de se battre contre la baisse des taux. L’impact de la marge d’intérêts devrait se prolonger en 2025.
Est-ce que la hausse des commissions devrait se poursuivre en 2025?
Cela dépendra du marché. Nous restons assez positifs sur les marchés financiers malgré l’abondance de bruits médiatico-politiques. Je ne suis pas devin, mais la tendance devrait demeurer haussière. Il n’est toutefois pas certain que les gains soient de la même ampleur que l’an dernier.
Les actifs gérés augmentent de 17%. Quand la division du groupe gérait 100 milliards d’euros, vous aviez prévu de doubler ce montant. Quand la barre des 200 milliards d’euros sera-t-elle franchie?
Nous avons fait le quart du chemin. Les actifs du métier Wealth and Asset Management de Rothschild & Co atteignent aujourd’hui environ 125 milliards d’euros. L’échéance fixée en 2023 pour le doublement des actifs était à 2030-2032. Pour nous, en Suisse, la barre est placée à 45 milliards (contre 35 milliards de francs à la fin 2024). Nous sommes sur la bonne voie si nous considérons l’afflux de nouveaux clients et la collecte positive de nos banquiers. Notre taille demeure petite sur plusieurs marchés, comme l’Israël, l’Espagne, l’Allemagne ou même la Suisse. Le potentiel de croissance est donc réel.
«Notre taille demeure petite sur plusieurs marchés, comme l’Israël, l’Espagne, l’Allemagne ou même la Suisse.»
D’où vient la croissance organique?
Pour la banque suisse, la croissance vient des clientèles suisse onshore et de l’Europe de l’Ouest ainsi que de l’équipe engagée mi-2023 pour gérer l’Europe centrale et orientale. En mettant l'accent sur l'accumulation et la préservation du patrimoine à long terme, nous attirons un certain type de clients. Il s'agit, par exemple, de familles qui souhaitent structurer leur patrimoine de manière optimale et le transmettre d'une génération à l'autre. Les personnes ayant des besoins en matière de pension s'adressent également à nous de plus en plus souvent. Un autre groupe de clients en expansion est celui des personnalités entrepreneuriales. Grâce à notre étroite collaboration avec la division Global Advisory, qui conseille les entreprises en matière de financement, nous avons pu renforcer notre position dans ce domaine.
Après avoir ouvert à Dubaï, le groupe est présent dans 49 pays et 69 villes. Avez-vous l’intention d’ouvrir des succursales en 2025?
Dans la gestion de fortune, l’expansion géographique devrait être limitée. Nous ne devrions pas ouvrir de nouvelles succursales en 2025. Mais comme mentionné nous voyons du potentiels de croissance dans tous nos marchés-clés..
Où en est la banque dans ses différentes étapes de développement?
Nous maintenons notre stratégie de développement, en essayant de le faire toujours un peu mieux et avec davantage de personnel. Dans notre vision à cinq ans, nous n’ouvrirons pas de nouveaux bureaux dans d’autres pays. Nous continuerons d’accroître la taille des bureaux récemment inaugurés, à Dubaï, Tel Aviv, Madrid ou aussi àHambourg et Francfort. En Suisse, il n’est pas impossible que nous ouvrions un nouveau bureau, mais ce n’est pas impératif.
Notre premier objectif consiste à présenter une bonne performance pour nos clients. Du fait de la percée des ETF, les performances sont de plus en plus transparentes.
Nous continuerons aussi de profiter des synergies créées par Rothschild & Co. Notre situation est assez unique dans le sens où elle permet des synergies avec la banque d’affaires et ouvre la possibilité de co-investir avec Five Arrows, la branche de gestion alternative du groupe.
Dans la gestion de fortune de vos clients, avez-vous présenté une surperformance en 2024?
En 2024, notre portefeuille équilibré en francs s’est placé dans le deuxième quartile et sur 3 et 5 ans, il se situe dans le meilleur quartile. Toutes les banques ont été confrontées au même défi en 2024, celui d’une forte concentration des performances sur quelques titres américains: 53% de la performance de l’indice S&P 500 est venue de 7 actions. Nous en avions 4 sur 7 et nous sommes contents de notre performance.
«Je reste positif sur la place financière suisse, mais il faut qu’elle évite les autogoals».
Quelle est la taille de l’asset management au sein de Rothschild & Co?
Environ un quart des actifs de la division Wealth and Asset Management est géré par les équipes de l’asset management.
La croissance future sera-t-elle dérivée de la banque privée ou de l’asset management?
En Suisse, elle viendra davantage de la banque privée. Il s’agit de deux métiers très différents. L’avantage de l’asset management réside des effets d’échelle. Dans la gestion de fortune, la relation avec les clients est beaucoup plus proche, durable et solide.
Qu’en est-il en ce qui concerne les marchés privés?
Les clients ont beaucoup plus envie d’investir dans les marchés privés. Ils sont davantage intéressés à parler de sociétés privées dans lesquelles ils ont investi que des grandes capitalisations comme Nestlé ou Novartis. Nous avons la chance de disposer au sein de Rothschild & Co de Five Arrows, avec 28 milliards d’euros sous gestion dans les marchés privés. Nous offrons l’accès à ces derniers, mais nous voulons aussi développer une offre supplémentaire avec d’autres managers spécialisés dans les marchés privés. Notre expertise porte surtout sur le private equity et la dette privée.
Sur le plan stratégique, est-ce que les nouvelles relations transatlantiques voulues par Donald Trump modifient les perspectives de la place de gestion de fortune suisse?
La politique menée par Donald Trump modifie de nombreuses perspectives. Les mesures prises par le gouvernement américain relèvent les anticipations d’inflation aux Etats-Unis, et améliorent les gains des banques sur les revenus d’intérêts. Malheureusement, elles créent de l’incertitude au sein de la clientèle.En général, une augmentation de l’incertitude en Europe est malheureusement positive pour la place financière suisse.
Si le gouvernement américain impose aussi des droits de douane à la Suisse, les banques suisses seront impactées dans leurs relations avec les industriels suisses. Mais dans la gestion de fortune, la politique de Donald Trump, par l’incertitude qu’elle occasionne, n’est pas négative pour les banques suisses, du moins pour l’instant.
L’an dernier, vous aviez déclaré ne jamais avoir été aussi positif pour la place suisse. Est-ce que vous persistez sur cette voie?
Je reste positif sur la place financière suisse, mais il faut qu’elle évite les autogoals. Nous devons nous concentrer sur nos propres actions, éviter de prendre de mauvais clients ou d’avoir des problèmes avec les régulateurs.
Votre rapport annuel évoque les risques liés à la valorisation élevée des marchés. Quelles dispositions prenez-vous à cet égard?
Nous profitons de la baisse de la volatilité pour acheter des protections, en l’occurrence des options put sur les marchés au sein des portefeuilles discrétionnaires. Le coût de la protection est assez bon marché.
Il y a un an, vous étiez très surpondérés en or et en Big Tech. Est-ce toujours le cas?
Nous avons réduit la surpondération aux actions et sommes neutres à leur égard. Et nous avons réduit la pondération américaine au profit des actions européennes.
Nous sommes également positifs pour l’or. Nos clients ont un intérêt significatif pour les métaux précieux.