Mouvement de plaques tectoniques et allocation raisonnable

Benjamin Melman, Edmond de Rothschild Asset Management

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Le ralentissement de l’inflation mondiale s’essouffle, particulièrement aux Etats-Unis, en raison des incertitudes liées au programme de la nouvelle administration Trump.

©Keystone

 

Trop d’incertitudes pèsent en ce moment dans un contexte de valorisation peu attrayant pour chercher à s’exposer au-delà du nécessaire aux grands risques de marché. A ce titre, nous restons neutres sur les deux grandes classes d’actifs actions et obligations, tout en conservant une légère surexposition aux actions chinoises. Cette stratégie s'explique principalement par l’atténuation conséquente du risque de récession aux Etats-Unis et par la résistance de l'économie mondiale, meilleure que prévu, qui incite à maintenir à niveau les expositions actions.

  • Le ralentissement de l’inflation mondiale s’essouffle, particulièrement aux Etats-Unis, en raison des incertitudes liées au programme de la nouvelle administration Trump.
  • Les actions européennes ont largement surperformé leurs homologues américaines bénéficiant d'une correction du pessimisme excessif envers l'Europe suite à l'élection de Donald Trump.
  • Les obligations de la zone euro offrent désormais plus de valeur que celles des États-Unis, en raison du risque

Incertitude sur l’inflation

A l’heure où le ralentissement de l’inflation mondiale montre des signes de stagnation, en particulier dans le secteur des services aux Etats-Unis, et où les prix du pétrole, du gaz naturel, des matières premières et des biens agricoles sont orientés à la hausse, la nouvelle présidence Trump ajoute une couche supplémentaire d'incertitudes avec son programme de tarifs douaniers et sa politique d'expulsions massives d'immigrants. Bien que ces tarifs puissent être utilisés comme des leviers de négociation pour obtenir des concessions, et que la mise en œuvre à grande échelle des expulsions soit techniquement complexe, il est trop tôt pour tirer la moindre conclusion après seulement une semaine de la nouvelle administration à la Maison-Blanche. Cependant, même si M. Trump ne mettait en œuvre ces mesures inflationnistes que de façon limitée, voire pas du tout, on ne peut totalement écarter un scénario de réveil de l’«animal spirit» américain sous l’impulsion des espoirs de déréglementation et de baisses d’impôts. Ces facteurs risqueraient de relancer l’économie et l’inflation de manière plus conventionnelle dans un contexte où l’output gap de l’économie américaine est déjà positif.

Incertitudes sur l’IA

Le choc disruptif engendré par une petite société chinoise a mis en exergue avec DeepSeek la possibilité de fabriquer de puissants outils d’IA rivalisant avec l’offre américaine à un coût nettement inférieur, en consommant moins d’énergie et selon elle sans dépendre des puces du plus haut standard. Ce qui pointe les dangers d'une concentration excessive des investissements sur la technologie pure, surtout quand elle est sujette à des évolutions rapides. Au regard du poids de Nvidia dans les indices (plus de 4,5% pour le MSCI World), ces disruptions peuvent avoir des répercussions substantielles sur les grands indices, sans même considérer l'impact sur d'autres valeurs (comme celles qui doivent satisfaire à cette supposée demande supplémentaire d’électricité). 

Le débat consiste maintenant à savoir si cette nouvelle concurrence ne va pas faire baisser les prix de l’IA d’une façon telle que son adoption n’en sera que plus forte et rapide au point que l’effet volume pourrait compenser l’effet prix. Le marché attendra vraisemblablement de pouvoir mesurer ces effets avant de se prononcer, ce qui devrait tempérer l’éventuel retour de Nvidia sur sa trajectoire parabolique. Il convient de rappeler que nous considérons les entreprises du secteur de la technologie liée à l'IA comme survalorisées. Nous privilégions ainsi les entreprises disposant de données solides, capables de se démarquer grâce à l'intelligence artificielle.

Retour en force des actions européennes

Le retour en force des actions européennes en janvier, qui ont largement surperformé leurs homologues américaines, semble davantage lié à une correction des excès de pessimisme sur l'Europe enregistrés dans la foulée de l'élection de Donald Trump. En effet, les statistiques économiques européennes se révèlent nettement moins dégradées que ce que le narratif actuel suggère. Avec un PMI Composite de la zone euro à 50,2, l'économie est loin de la récession. De plus, jusqu'à présent, le Président Trump n'a pas mentionné l'Europe dans la liste des pays sous la menace d’une hausse des tarifs. Le potentiel de rebond des actions européennes est-il déjà consommé? Nous pensons que la perspective de changement gouvernemental en Allemagne suite aux élections législatives du 23 février pourrait servir de catalyseur supplémentaire pour une politique budgétaire plus favorable. 

Parallèlement, les questions soulevées par DeepSeek pourraient modérer durablement le dynamisme du marché américain. Ainsi, nous ne voyons toujours pas de raison de sous-pondérer les actions européennes au profit du marché américain. Au sein des actions, nous maintenons une légère surpondération sur le marché chinois malgré son caractère spéculatif et volatil, car nous pensons que celui-ci pourrait bénéficier de la résolution progressive de la crise immobilière qui touche peut-être à sa fin, ainsi que de la volonté manifeste des autorités de redonner des couleurs au marché actions. Sur les marchés obligataires, nous continuons à trouver plus de valeur en Europe, où les risques liés aux anticipations d'inflation nous paraissent moins prononcés qu'aux Etats-Unis. Nous privilégions principalement les stratégies de portage, qui sont particulièrement adaptées dans un contexte où la rémunération du monétaire est appelée à chuter cette année

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