Le yen est descendu jeudi à son plus bas niveau depuis cinq mois, pénalisé par la communication prudente de la Banque du Japon, qui a repoussé jusqu’à nouvel ordre la poursuite de son durcissement monétaire.
Vers 19H30 GMT, la devise nippone abandonnait 1,72% par rapport au billet vert, à 157,52 yens pour un dollar. Plus tôt, elle avait reculé jusqu’à 157,81 yens, une première depuis fin juillet.
La Banque du Japon (BoJ) a maintenu inchangé, jeudi, son taux directeur, à 0,25%, conformément aux attentes des analystes.
La BoJ a notamment justifié cette décision par l’accalmie sur le front de l’inflation et le gouverneur Kazuo Ueda a plaidé pour la patience, dans l’attente de nouvelles données macroéconomiques.
Il pourrait ainsi falloir «un certain temps» pour que l’institution monétaire s’assure que le raffermissement des salaires, un des objectifs clefs de la banque centrale japonaise, se confirme.
Après avoir accéléré jusqu’à 4,5% sur un an en juin, la hausse moyenne des salaires a ralenti et n’était plus que de 2,6% en octobre.
Marquée par une longue période de déflation puis de croissance molle, la BoJ compte sur les revalorisations de salaires pour alimenter la consommation et dynamiser l’activité économique japonaise.
Le gouverneur Ueda a aussi évoqué, à l’appui du statu quo monétaire, l’incertitude relative à la politique économique, commerciale et migratoire de Donald Trump une fois le promoteur immobilier investi.
Le président américain élu a menacé plusieurs grands partenaires commerciaux des Etats-Unis de leur imposer de nouveaux droits de douane, de baisser les impôts et d’expulser des millions de sans-papiers.
Toutes ces mesures seraient de nature à relancer l’inflation aux Etats-Unis, de l’avis général des économistes, mais aussi à handicaper la croissance mondiale, au détriment d’autres pays, comme le Japon.
«La Banque du Japon envoie des messages contradictoires depuis un moment, tour à tour offensifs et accommodants, et il est très difficile d’arriver à saisir quel est leur point de vue», a commenté Shaun Osborne, de Scotiabank.
Les intervenants ont ainsi longtemps parié sur une hausse de taux à l’issue de la réunion de mercredi et jeudi, avant de se raviser peu avant l’événement.
«S’ils ne proposent pas une ligne de pensée plus cohérente, ils risquent de perdre une partie de leur crédibilité», a averti l’analyste.
Quant à anticiper la trajectoire monétaire de la BoJ, «il faudra peut-être attendre le deuxième trimestre avant qu’ils se sentent assez à l’aise pour relever les taux», selon Shaun Osborne, même si «les données justifieraient une hausse» dès maintenant.
«Ces développements vont inciter à davantage de +carry trade+ et mettre encore plus de pression sur le yen», prévient Carl Weinberg, de High Frequency Economics.
Le «carry trade» consiste à emprunter dans une monnaie dont la banque centrale pratique des taux d’intérêt bas, comme le Japon, pour le placer dans la monnaie d’un pays où les rendements sont élevés, comme les Etats-Unis, le Brésil ou le Mexique.