Le groupe italien UniCredit accentue la pression sur Commerzbank en augmentant sa participation au capital de la seconde banque allemande, au grand dam de Berlin qui dénonce une opération inamicale en pleine période de turbulences politiques.
Banquier à l’appétit insatiable, le PDG d’UniCredit, Andrea Orcel, multiplie les fronts, en Italie où il vient de lancer une offre sur une autre banque de la péninsule, Banco BPM, et en Allemagne où il convoite Commerzbank, l’un des principaux établissements du pays.
Mercredi, la banque transalpine a annoncé être montée à 28% du capital de la deuxième banque allemande, dont elle contrôlait déjà 21%.
Une nouvelle fois, le patron italien bouscule le jeu car son offensive sur Commerzbank avait semblé marquer le pas ces dernières semaines devant la résistance affichée du groupe de Francfort, soutenu par le gouvernement allemand.
UniCredit avait affirmé «publiquement qu’elle ne souhaitait plus agir avant les élections fédérales», s’est agacé un porte-parole de la chancellerie en référence au scrutin législatif du 23 février en Allemagne.
Berlin n’a pas mâché ses mots qualifiant la manoeuvre «d’inappropriée», «non concertée» et «inamicale».
«Vide politique»
Le gouvernement d’Olaf Scholz avait déjà été pris de court, en septembre, lorsqu’UniCredit s’était invité au capital de Commerzbank annonçant l’acquisition d’une part de 9% dans le groupe recapitalisé à grands frais par l’Etat allemand après la crise financière de 2008.
Orcel avait profité de la mise en vente d’une participation publique de 4,49% et le gouvernement allemand avait été critiqué pour son manque de vigilance ayant permis à ces actions de tomber entre les mains d’un investisseur stratégique.
Une dizaine jours plus tard, UniCredit avait annoncé porter sa participation à 21% et viser jusqu’à 29,9%, ce qui placerait l’établissement milanais tout près du seuil de 30% au-delà duquel il devrait déposer une offre de reprise.
Il s’agirait d’une des fusions les plus ambitieuses en Europe depuis la crise financière.
L’annonce de la montée à 28%, via des options et sous réserve du feu vert de la Banque centrale européenne (BCE), «rend plus que claire l’intention d’UniCredit et envoie un signal clair à Berlin», estime Jochen Stanzl, analyste chez CMC Markets.
Détenant encore 12% des parts de Commerzbank, l’Etat allemand ne pourrait bloquer directement une reprise, souligne-t-il.
Andrea Orcel serait toutefois mal inspiré de «vouloir profiter du vide politique à Berlin», où la formation d’un nouveau gouvernement prendra des mois, pour lancer l’estocade finale, selon l’analyste.
Car les responsables allemands disposent d’autres leviers «pour bloquer ou du moins ralentir une OPA» qui nécessite l’accord de plusieurs institutions règlementaires sur lesquelles Berlin pourraient exercer son influence.
Risques pour l’emploi
Le bouillant patron d’UniCredit affirme lui-même qu’il est prêt à prendre son temps :
«Je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour nous de profiter d’une période de vide électoral (...) il faut faire preuve de patience (...) essayer de défendre sa cause», affirmait-il encore fin novembre.
L’Etat allemand «voit d’un oeil critique les projets d’UniCredit, car l’intégration de deux grandes banques d’importance systémique s’accompagne toujours de risques considérables, entre autres pour les salariés», a réaffirmé Berlin mercredi.
«Les attaques hostiles, les prises de contrôle forcées ne sont pas bonnes pour les banques», avait affirmé Olaf Scholz cet automne, surprenant par sa détermination alors qu’il ne cesse de prôner un renforcement du marché européen de capitaux.
Le chancelier social-démocrate ne peut risquer d’autres mauvaises nouvelles pour l’emploi en pleine campagne électorale, alors que le pays traverse une grave crise économique.
Le gouvernement de Giorgia Meloni a lui fraîchement accueilli l’offre publique d’échange (OPE) d’actions d’UniCredit sur Banco BPM car elle risque de contrecarrer son projet de créer un troisième pôle bancaire en Italie formé par Banco BPM et Monte dei Paschi di Siena (MPS).
Banco BPM a jugé d’emblée largement insuffisante l’OPE lancée fin novembre par UniCredit le valorisant à 10,1 milliards d’euros et préfère rester autonome.
Sans décourager UniCredit, qui a déposé vendredi dernier son offre auprès du gendarme boursier, au montant initial. «Notre offre aux actionnaires de BPM est appropriée», a assuré Andrea Orcel.