COP16: trop peu, trop tard

Alix Chosson, Candriam

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Deux ans après l'accord de Kunming-Montréal, le bilan reste mitigé concernant la réalisation des objectifs mondiaux en matière de biodiversité.

Seuls 44 pays sur les 196 ont soumis leurs Stratégies et plans d'action nationaux pour la diversité biologique - une revue complète est attendue lors des COP17 et 19. La COP16 a cependant marqué un tournant sur deux sujets majeurs: le financement de la biodiversité et les droits des peuples autochtones.

Une avancée pour les peuples autochtones

Pour la première fois, les peuples autochtones ont obtenu un siège officiel dans les négociations, avec un groupe de travail permanent au sein de la Convention sur la diversité biologique. Cette décision vise à poursuivre la mise en œuvre de l'article 8(j) de la Convention1, encourageant le respect et la préservation des savoirs et pratiques des communautés autochtones, ainsi que le partage équitable des avantages découlant de l’utilisation des connaissances en matière de diversité biologique. Un enjeu d'autant plus crucial que de nombreuses ressources nécessaires à la transition énergétique se trouvent à proximité de terres appartenant à des populations indigènes. Celles-ci paient un lourd tribut à la protection de la biodiversité: entre 2012 et 2023, 766 autochtones ont été tués pour leur militantisme environnemental, représentant 36% des décès de défenseurs de l'environnement2.

Le financement de la biodiversité en difficulté

Le financement reste une pierre d’achoppement. Créé après la COP15, le Fonds du cadre mondial pour la biodiversité a reçu environ 250 millions de dollars de sept pays, soit à peine 0,06% de l'objectif annuel de 200 milliards de dollars d’ici 2030.

Bien que de grands espoirs aient été placés dans la COP16, celle-ci n'a pas permis d’établir un nouvel instrument financier durable et contraignant bien que le besoin en ait été confirmé. Par ailleurs, les crédits biodiversité, bien que peu discutés lors de la COP16, ont suscité des débats après la publication d'un rapport le 28 octobre proposant des principes de «haute intégrité» pour ces marchés. Mais quel que soit le produit proposé, le caractère volontaire de ces mécanismes et leur dépendance à l'égard de contributions intermittentes ne permettent pas d’assurer un financement prévisible et adéquat.

Vers un partage équitable des ressources génétiques

Un des succès notables de la COP concerne les séquences numériques génétiques (Digital Sequence Information, DSI), largement exploitées par des entreprises du Nord global alors qu’elles proviennent souvent de pays du Sud global. Un fonds, financé par les entreprises tirant profit de ces ressources (majoritairement dans la pharmacie, la cosmétique ou la biotechnologie), devrait recevoir des contributions volontaires d’environ 0,1% de leurs revenus.

Bien que non contraignant, ce fonds est une avancée pour le partage des bénéfices et un potentiel levier pour les investisseurs souhaitant encourager les sociétés à contribuer à ce fonds.

Conclusion: tous les regards sont tournés vers l'Azerbaïdjan et l'Arménie

La COP16 a pris fin sur un sentiment d'inachevé. Certains des éléments clés sur lesquels les attentes étaient élevées n’ont pas abouti, notamment des plans nationaux complets, la mise en œuvre d'indicateurs essentiels (tels que ceux relatifs aux risques liés aux pesticides) ou encore un cadre plus contraignant pour le financement de la biodiversité. On note toutefois certaines avancées, notamment la reconnaissance des droits des populations autochtones. En outre, la création d'un fonds de partage des avantages pour les ressources génétiques était très attendue; elle apporte un cadre pour les investissements des entreprises des secteurs concernés qui souhaitent contribuer, et sert également d'outil dans les campagnes d'engagement des institutions financières.

Le peu de progrès réalisés pour réduire le déficit de financement - les discussions étant restées enlisées dans l'habituel clivage Nord/Sud - n'envoie malheureusement pas un signal positif aux négociateurs en route vers Bakou, en Azerbaïdjan, où se tiendra la COP29 sur le climat – et où les questions de financement devraient être au centre des discussions. Une fois de plus, cela met en évidence la nécessité d'un financement par le secteur privé, et le rôle que les investisseurs peuvent jouer en intégrant des considérations relatives au climat et à la biodiversité dans leurs investissements.  

Comme à la clôture de chaque COP, les attentes sont déjà considérables pour la prochaine conférence. En Arménie, on peut s’attendre à une revue des plans nationaux en faveur de la biodiversité et à l’adoption de solutions de financement plus ambitieuses pour la protection de la biodiversité.

 

1 https://www.cbd.int/doc/legal/cbd-en.pdf (page 12)
2 Source : Globalwitness.org

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