Fonds indiciels: il y a une opportunité à saisir pour la BCV

Yves Hulmann

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Comme le souligne Thomas W. Paulsen, CFO, la banque cantonale ambitionne de devenir un acteur plus important dans la gestion d’actifs en Suisse.

La Banque Cantonale Vaudoise (BCV) a publié jeudi ses résultats au premier semestre 2024. Ceux-ci se sont caractérisés par des revenus stables à 581 millions de francs, un résultat opérationnel de 258 millions (-6% comparé au premier semestre 2023) et un bénéfice net de 221 millions (-8%). Malgré leur baisse, ces résultats constituent néanmoins le deuxième meilleur résultat historique de l’établissement, a souligné sa direction.

L’occasion de faire le point avec Thomas W. Paulsen, son directeur financier, au sujet de l’impact de la baisse des taux de la BNS sur le marché hypothécaire, de la stratégie de la banque cantonale dans la gestion d’actifs ainsi que sur les implications des développements actuels en matière de durabilité pour l’établissement.

Au premier semestre 2024, le résultat opérationnel et le bénéfice net sont ressortis en baisse de respectivement 6% et 8% par rapport à la même période de 2023. Lors de la présentation des chiffres à fin juin, vous avez souligné que la BCV sortait d’une année 2023 record et que cette baisse devait être relativisée. Pourquoi cela devrait-il être le cas?

Notre message clé est de souligner que le premier semestre 2024 a été le deuxième meilleur résultat de l’histoire de la BCV, hors éléments exceptionnels, après le record de 2023. Le premier semestre de 2023 avait été même supérieur de 20% par rapport à 2022. Dès la présentation des chiffres annuels en février dernier, nous avions déjà communiqué qu’il ne fallait pas s’attendre à des résultats aussi élevés qu’en 2023. Dans l’ensemble, nous sommes très satisfaits des six premiers mois de cette année: il faut souligner que les résultats du premier semestre 2024 ont été nettement supérieurs à la moyenne des premiers semestres entre 2017 et 2021.

Concernant le marché hypothécaire, les économistes et experts anticipent encore une à deux baisses de taux de la part de la BNS, en septembre puis éventuellement en décembre ou l’an prochain. Quel est l’impact de trois ou quatre baisses de taux annoncées dans un intervalle relativement rapproché sur le volume des créances hypothécaires de la BCV, lesquelles ont augmenté de 5% au premier semestre 2024 comparé à fin décembre 2023?

Souvent, les gens se focalisent sur l’évolution des taux de la BNS en supposant que cela a un impact immédiat sur le marché hypothécaire. Cela n’est toutefois pas aussi simple: les décisions de la BNS sur ses taux ont avant tout un impact sur le marché interbancaire à très court terme.

Toutefois, il faut aussi tenir compte de l’évolution des taux à 10 ans sur les marchés financiers qui ont aussi une influence sur les coûts des hypothèques. Ainsi, les emprunts à 3, 5, 7 ou 10 ans effectués par les personnes qui veulent financer l’achat d’un logement ne dépendent pas seulement des annonces de politique monétaire de la BNS. C’est en revanche le cas pour les emprunts Saron qui fluctuent immédiatement en fonction des variations des taux directeurs de la BNS. Actuellement, environ un quart du marché hypothécaire dépend des taux Saron. De nombreux clients ont toutefois une approche duale, avec un mélange d’hypothèques de courte et de plus longue durée.

«On a certes pu observer un moment d’hésitation au premier semestre 2023, lorsque les taux hypothécaires continuaient de monter, mais la tendance du marché dans son ensemble reste très dynamique.»

Au final, il ne faut pas oublier que le volume des créances hypothécaires augmente avant tout en fonction de la croissance démographique, qui se poursuit à un rythme élevé dans le canton de Vaud, ou de décisions d’ordre personnel des clientes et des clients, par exemple en raison de la taille de leur famille, de leurs préférences en matière de lieu d’habitation, etc. On a certes pu observer un moment d’hésitation au premier semestre 2023, lorsque les taux hypothécaires continuaient de monter, mais la tendance du marché dans son ensemble reste très dynamique.

Les revenus des commissions ont augmenté de 7% au premier semestre comparé à l’an précédent pour s’élever à 181 millions, soit le deuxième poste le plus important pour le résultat de l’activité bancaire, après les 290 millions provenant du résultat net d’intérêt. Quand il y a une phase d’importantes turbulences sur les marchés financiers, comme cela a été le cas début août, est-ce positif ou négatif pour les transactions de la clientèle?

Pour l’ensemble des investisseurs, ce sont surtout les tendances de fond sur les marchés qui ont une influence; ainsi un marché haussier attire davantage d’investissements. Durant les phases de forte volatilité, les investisseurs professionnels, notamment les gestionnaires de fonds actifs, sont plus présents. Par exemple, début août, ils ont pu considérer que le marché avait surréagi à des variables économiques et voir des opportunités d’achat intéressantes. Toutefois, cela ne concerne pas la majorité des investisseurs.

La BCV a lancé un nouveau fonds indiciel dédié aux actions durables («Swiss Responsible Equity Index»). Pourquoi le faire maintenant et prévoyez-vous d’étendre cette offre de fonds indiciels dans d’autres domaines ou thèmes?

Aujourd’hui, les fonds indiciels sont une partie constituante de la plupart des portefeuilles, notamment pour les institutionnels. Notre réflexion fondamentale est qu’après la disparition d’un acteur clé dans le secteur bancaire en Suisse, il y a une opportunité à saisir pour un acteur comme la BCV. C’est aussi une décision cohérente avec notre ambition de devenir un acteur plus important dans la gestion d’actif en Suisse, étant déjà un des principaux acteurs pour les institutionnels en Suisse romande.

La BCV souligne qu’elle a obtenu la deuxième meilleure note en matière de durabilité aussi bien de la part de MSCI ESG Ratings que d’Ethos. Pourquoi est-ce important pour la BCV – avant tout pour une question d’image?

La durabilité est devenue une nouvelle dimension dans la vie des entreprises qui a de multiples implications. D’une part, en tant qu’acteur économique, nous voulons montrer notre engagement en matière de durabilité à notre clientèle ou à la collectivité en général. D’autre part, pour les émissions d’obligations de la Banque et pour l’attractivité de l’action BCV, nous devons nous assurer de bons ratings non financiers. Certains investisseurs se sont fixé des limites minimales, mais nous visons à être bien au-delà de ces limites, et d’être parmi les meilleurs.

«Pour les émissions d’obligations de la Banque et pour l’attractivité de l’action BCV, nous devons nous assurer de bons ratings non financiers.»

Il ne suffit pas d’adopter des bonnes pratiques ESG: il faut aussi satisfaire les attentes et les exigences en matière de transparence et de publication des investisseurs et des agences, qui augmentent constamment. Une grande étape va être franchie avec la publication début 2025 du rapport sur les questions climatiques, qui sera soumis au vote des actionnaires.

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